Nice bien aimée

sans-titreAu sujet des tous derniers développements de la politique française, il existe un niveau d’écœurement, de  dégoût et de nausée qui n’appelle plus chez moi que le silence du mépris:  j’éviterai de commenter les ultimes insanités de l’actualité politique d’aujourd’hui.

Je voudrais au contraire parler d’une ville que j’aime profondément. Nice est la fille aux yeux bleus des sommets alpins enneigés et des profondeurs de la Méditerranée. La mer donne l’image d’une mosaïque de reflets qui se meuvent au fil des courants et je n’ai trouvé nulle part une telle harmonie de nuances bleutées. Le soleil y brille en permanence. Les Niçois n’ont pas l’accent ni l’exubérance chaleureuse de leurs voisins marseillais mais leur gentillesse est toute simple, discrète et sincère.

Chaque année, au début de décembre, je passe quelques jours dans cette cité  où j’enseigne à la faculté de droit et de sciences politiques.  Dans une douzaine d’années, j’y prendrai ma retraite si Dieu me prête vie et si je parviens à convaincre ma femme qui préfère la Bretagne. J’habiterai une maison adossée à la colline, avec vue sur la baie, passerai ma vie à randonner au printemps, à naviguer en été et à skier en hiver.

Mais cette année, la promenade des Anglais exhalait un autre parfum que celui des embruns et du vent salé. Une odeur de malheur et de souffrance flottait dans la douceur de cette fin d’automne. Je ne pouvais plus m’enivrer de la mer avec le même bonheur que les autres années. J’avais honte de mon plaisir à la regarder, l’entendre et la respirer, et le soleil couchant m’a fait penser à une nappe du sang. Parsemés, tout au long de la promenade, contre la rambarde, des fleurs, des bougies et des jouets d’enfants.

Les passants avaient encore le regard sombre des lendemains de désastre. Ils avaient envie de parler, de raconter l’apocalypse. « J’y étais. Il est venu d’ici, il a roulé tantôt sur la chaussée, tantôt sur la promenade, jusqu’aux lumières, là-bas… » Tous avaient des amis que la foudre a frappés en leur enlevant un proche ou plusieurs. Dans leurs yeux, je lisais un mélange de sidération, d’incompréhension, de détresse infinie. Je ne reproduirai pas ici, par discrétion, les scènes insoutenables qui m’ont été confiés, touchant aux enfants et à leurs parents. La France n’a pas la moindre idée de ce qui s’est vraiment passé à Nice, et s’est rendormie paisiblement avec la conscience tranquille.

Maxime TANDONNET

 

 

Author: Redaction