Cher Monsieur Woerth, le 9 décembre dernier vous déclariez « Celui qui gagne la primaire de droite gagnera les élections présidentielles« . Ne nous dites pas que vos yeux se seraient soudain dessillés et qu’entre temps, vous auriez découvert que le projet de Mme Pécresse était trop à droite pour vous. Vous connaissiez ce projet le 9 décembre sur lequel vous ne formuliez guère de réserve. Ne nous dites pas non plus que vous êtes séduit par le bilan de M. Macron – l’explosion de la dette publique et des déficits, poussée spectaculaire de la violence et de l’insécurité, effondrement du niveau scolaire et des services publics (notamment hospitaliers), destruction des libertés – qui est précisément à l’inverse de tout ce que vous avez toujours défendu. Ne nous dites pas non plus que vous êtes convaincu par le programme présidentiel de M. Macron: il n’existe pas et ce dernier n’est même pas encore officiellement candidat. N’essayez pas non plus de nous faire croire que vous voyez soudain en lui – que vous n’avez cessé depuis cinq ans de fustiger – une sorte de héros providentiel et sauveur de la France. Vous avez passé l’âge de ces enfantillages. La vérité, c’est que vous abandonnez votre famille politique à laquelle depuis des décennies vous devez votre carrière, vos mandats et votre expérience ministérielle. Vous lâchez vos amis au pire moment, à quelques semaines des présidentielles alors qu’ils sont en difficulté, pour rejoindre le camp adverse. Pour eux, le coup de poignard est terrible. Vous rejoignez opportunément celui qui vous paraît le plus fort aujourd’hui et selon la seule loi des sondages, le mieux placé pour l’emporter. Que vous a promis le candidat virtuel? Nul n’en a la moindre idée. Ce qui est certain, c’est que cela s’appelle une trahison, pas seulement de votre famille politique mais celui de vos électeurs, cette droite qui n’a sans doute pas voté pour vous dans la perspective de cette volte-face en faveur de l’ex-ministre de l’Economie de M. Hollande et de sa politique que vous avez combattus avec tant d’acharnement depuis dix ans. Et que ce geste provienne de vous, qui incarnez une vision plutôt sérieuse de la vie publique est particulièrement déstabilisant. Depuis Machiavel, nous savons tous que la politique et la morale ne font pas bon ménage. Mais sans doute existe-t-il un niveau de cynisme qu’il est périlleux de franchir en termes d’image personnelle. En tout cas, à l’heure où la politique suscite la méfiance ou le dégoût d’une majorité de Français, votre attitude n’est pas de nature à en redorer le blason. Peut-être que le deuxième acte de cette grande comédie vous donnera raison et qu’à 67 ans, il donnera un nouvel élan à votre jolie carrière. Mais le troisième acte, celui du regard que la postérité portera sur vous sera quoi qu’il arrive en votre défaveur. Il est des gestes que l’histoire ne pardonne jamais.
MT