Tiens! L’immigration est de retour… Hier, elle était au premier plan du débat électoral sur "des paroles et des actes". La classe politique, tout compris, de l’extrême gauche à l’extrême droite, parle toujours de l’immigration dans les périodes électorales… En temps ordinaire, il faut passer le sujet sous silence pour ne pas apparaître comme raciste. Mais en période électorale, on se lâche pour gagner des voix: une dose de "misère du monde" pour une poignée de voix et mandats supplémentaires… Quelques réactions énervées de ma part aux propos entendus ces derniers temps, venus de tous les horizons politiques:
- sur Schengen: contrairement au slogan politique à la mode, il est rigoureusement impossible de "sortir de Schengen". En fait, Schengen n’existe plus en dehors du mythe ou de l’emblème… La libre circulation des personnes (l’absence de contrôles aux frontières internes) depuis l’application du traité d’Amsterdam de 1997, est intégrée dans le carcan du droit communautaire, du droit européen. Ce sont les politiques qui l’ont voulu, les dirigeants de l’époque, en particulier M. Juppé et M. Jospin, premiers ministres de Jacques Chirac (je m’en souviens car je suivais ces sujets). Il n’y a que deux solutions aujourd’hui pour modifier le dispositif en vigueur: soit une réforme de ce droit communautaire, un processus long et complexe, supposant une puissante alliance des Etats pour faire pression sur la Commission; soit une sortie de l’Union européenne. La première est possible, à la condition d’une volonté politique déterminée à l’échelle de l’Europe qui hélas, n’existe pas aujourd’hui. La seconde me paraît inconcevable car elle reviendrait à s’isoler, à s’extraire des lieux de décisions et à subir encore plus qu’aujourd’hui la loi des autres.
- sur Léonarda: on s’habitue au nom de Léonarda. Moi, je trouve lamentable, misérable, méprisable un pays qui s’abaisse à faire d’une gamine de 15 ans le symbole de son impuissance publique et de ses déboires de tous ordres. Je n’aime pas, j’ai horreur des attitudes de lynchage et de bouc émissaire. Mais alors, quand cette attitude revient à maudire et diaboliser une fillette (c’est bien cela, n’est-ce pas?), je trouve qu’il y a quelque chose de sordide, malsain, sinon d’abject, incarnant toute la lâcheté, le désarroi, le déclin mental autant que matériel d’une nation en crise.
- Sur la "générosité" nécessaire: on en revient aux sempiternelles leçons de morale: l’Europe opulente a un devoir d’accueil, au nom des principes d’ouverture, d’humanité, de générosité. En réalité, il faut voir comment les choses se passent. L’immigration illégale est devenue une immense entreprise mafieuse à l’échelle planétaire. Des sommes gigantesques sont en jeu, équivalentes au deux tiers du trafic de drogue. Des organisations criminelles viennent démarcher des personnes dans leur vie quotidienne, leur promettent le bonheur et la prospérité en Europe, les poussent à vendre leur maison, leur outil de travail, et à s’endetter pour quitter leur pays. Un passage entre l’Afrique et l’Europe coûte au moins 7000 euros, une somme gigantesque par rapport au revenu moyen de ces pays. Faute de paradis, les migrants sont confrontés à l’enfer: traversées épouvantables par la route, noyades en mer, vie dans des squats atroces, violence, épidémies, racket… A long terme, dans une Europe où sévit le chômage de masse, la misère d’une partie de ses propres ressortissants, l’immigration illégale se traduit par une aggravation des phénomènes d’exclusion, de ghettoïsation, de repli, de révolte et un désastre pour tout le monde.
- Le déni fondamental: le discours public se concentre sur le sensationnel, le spectaculaire, les images. Il se limite à l’affrontement des symboles, de noms qui claquent: Schengen, Léonarda, Lampeduza… Parler simplement du développement des pays d’origine, de la lutte contre la pauvreté, de la création d’emplois pour y stabiliser les populations? Voyons, cela n’intéresse personne, ni sur le plan médiatique, ni sur le plan électoral! Pourquoi l’aide au développement des pays riches ne dépasse-t-elle pas 0,3% de leur PIB alors qu’ils se sont engagés auprès des Nations-Unies à atteindre 0,7%? Pourquoi les crédits de la coopération de la France en particulier vers l’Afrique, se sont-il effondrés en quelques années (-10% en 2013)? Il existe des réussites discrètes et modestes en matière de créations d’emplois dans les pays les plus défavorisés (au Mali par exemple), grâce aux politiques dite de "co-développement", associant mobilité, circulation des hommes et réussites économiques dans les pays d’origine. Personne n’en parle jamais, grand silence, cela ne fait pas vendre et ne rapporte rien. On a baissé les bras.
Maxime TANDONNET