Art. 10. Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la Loi.
Art. 11. La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi.
Ces deux articles de la déclarations des droits de l’homme et du citoyens sont-ils en train de dépérir? La loi définit strictement les limites de la liberté d’expression: diffamation, insulte ou appel à la haine. Pour le reste, tout ce qui n’est pas interdit est autorisé. Cependant, nous vivons une époque de remise en cause générale de la liberté d’expression, comme une forme d’encasernement idéologique de la société – bien au-delà des interdits destinés à protéger les personnes contre des abus. L’opinion doit suivre un droit chemin défini par les institutions, une pensée correcte, et tout ce qui s’en écarte mérite châtiment. Ci-dessous la lettre d’un professeur agrégé de philosophie mis en cause à raison de l’expression de ses idées (qui ne contreviennent en aucun cas aux garde-fous mis en place par la loi) par ses autorités académiques. Il lui est reproché de ne pas penser comme le gouvernement, l’administration, les institutions, de s’éloigner de la norme idéologique, de la pensée conforme. M. René Chiche a écrit un livre qui dénonce l’effondrement scolaire: La désinstruction nationale aux éditions Ovadia. Il est condamné pour son esprit critique. Sanctionner un professeur de philosophie pour son esprit critique, sa liberté de pensée, le non conformisme de ses idées (quelles qu’elles soient) me semble sans aucun précédent. En plus, il est syndicaliste. N’est-il pas un signe supplémentaire, particulièrement inquiétant, d’une société qui s’enfonce résolument dans l’esprit totalitaire?
******************************************************************************
Dans une lettre de quatre pages en date du 16 septembre qui m’a été adressée en recommandé avec accusé de réception par le recteur de l’académie d’Aix-Marseille et signée par le nouveau secrétaire général de ladite académie, j’apprends que j’aurais « commis des faits » (sic) d’une particulière « gravité » en exprimant certaines opinions sur le réseau social Twitter nécessitant l’engagement d’une procédure disciplinaire lourde à mon encontre, avec tout le tralala à savoir convocation devant une commission administrative paritaire académique des agrégés siégeant en formation disciplinaire invitée à apprécier et sanctionner mes prétendus manquement à mes obligations professionnelles, « notamment en termes de loyauté, de correction, de dignité, de réserve, de neutralité, d’exemplarité ainsi que d’atteinte à l’image et à la réputation du service public d’enseignement ».
Cette lettre que je ne peux pas rendre publique pour l’instant consiste à citer avec moult inexactitudes une vingtaine de mes propos tenus sur le réseau social Twitter parmi les dix-sept mille six cents que j’y ai publiés depuis que j’y suis inscris. J’ai mis deux jours à la lire jusqu’au bout tant elle me tombait des mains à chaque ligne. En la lisant me sont revenues les paroles que Platon met dans la bouche de Socrate au moment de son procès : en écoutant mes accusateurs, j’ai presqu’oublié qui j’étais tant leur discours étaient persuasifs. Mais passons. Ce procédé rhétorique est en l’espèce si mal employé qu’il ne mérite pas que je vienne mêler Socrate à cette farce. Je n’ai pas coutume de faire état des mots de remerciements que je reçois parfois de la part d’anciens élèves : je me contente d’en glisser quelques-uns dans mon petit cartable, cartable que je n’ouvre d’ailleurs jamais mais que je ne quitte jamais non plus pour cette raison, et cela me suffit pour me rappeler qui je suis.
L’engagement de cette procédure disciplinaire m’a été annoncé alors que je suis fort impliqué dans les élections professionnelles, conduisant notamment la liste d’Action & Démocratie/CFE-CGC au scrutin du Comité social d’administration ministériel et figurant également en position éligible sur la liste que nous présentons au Comité social d’administration de l’académie d’Aix-Marseille. Inutile de souligner que les membres de ladite commission paritaire siégeant en formation disciplinaire, s’agissant de ceux qui y représentent les personnels, sont également candidats à ces élections en sorte que l’on me convoque à une commission composée de représentants d’organisations syndicales concurrentes, et dont certains sont, qui plus est, des adversaires, voire des ennemis personnels de longue date comme peuvent en témoigner quelques-uns ici même.
J’ai été contraint, samedi 5 novembre, à rendre public le fait qu’une procédure disciplinaire était engagée contre moi car cette nouvelle avait commencé à circuler au sein de l’académie alors que, depuis plus d’un mois, je m’astreignais à ne pas en dire un mot, étant par ailleurs entièrement occupé à la préparation d’élections professionnelles dont l’enjeu pour l’avenir de l’éducation nationale est décisif.
Depuis fin décembre 2021, je suis harcelé et régulièrement diffamé sur Twitter et d’autres hauts lieux de l’intelligence et de l’élégance après que Madame […] ait annoncé qu’elle portait plainte contre moi en réaction à un propos qu’elle n’a évidemment pas lu attentivement, libérant à mon endroit une parole haineuse et parfois pire. Plusieurs députés, responsables d’associations anti-racistes, gardiens auto-proclamés de la bonne pensance en France ainsi que plusieurs personnalités publiques, encouragés par [cette] sortie, ont réclamé ma tête, qui auprès de l’éducation nationale, qui auprès de la CFE-CGC et qui auprès de Twitter. Un fou furieux qui faisait partie de mes relations amicales ici jadis m’a même accusé, suite à mes propos en faveur de la paix, d’être une canaille poutinienne. Je ne parle même pas de Sophia Aram, de Raphaël Enthoven et de toute la clique. Encore avant-hier, un chef d’établissement sous anonymat sur Twitter me traitait avec autosatisfaction de connard et je ne sais plus quoi, jusqu’à ce que je cite son chef d’œuvre en le commentant d’un sobre « il suffit ! » et qu’il le supprime en ne ratant pas une nouvelle occasion de faire le malin. Un chef de cabinet […] s’est également permis de m’insulter à deux reprises sur Twitter dont la dernière fois en se vantant publiquement de « bloquer ce cinglé de R Chiche ». Un chef de cabinet du ministre de l’éducation de l’époque, Jean-Michel Blanquer, dont l’effectivité du travail au cabinet reste à établir, soit dit en passant !
Quelle infâmie en vérité, je vous le dis !
Cette procédure est scandaleuse. Ceux qui se servent de l’institution pour me poursuivre et satisfaire un désir de vengeance personnelle vont le payer cher. Ceux qui, au sein de l’institution, se servent de leurs fonctions pour y prêter leur concours vont aussi le payer cher. La turpitude ne triomphera pas. Pas cette fois.
MT