Massacre de Nice, témoignage.

stephane-erbs-ici-dans-sa-maison-a-cessieu-(isere)-a-ete-violemment-percute-par-le-camion-le-14-juillet-a-nice-et-sa-femme-rachel-a-ete-tuVoici le témoignage poignant, d’un homme qui a perdu son épouse lors du carnage de Nice.  La dignité du ton, la lucidité des paroles m’ont incité à le reproduire ici. Ces propos, recueillis par le quotidien le Dauphiné, contrastent avec la vague monstrueuse de bêtise, de démagogie, d’esprit de récupération, de déni des responsabilités qui déferle en ce moment sur le monde médiatique et politicien. Ce texte reflète la fracture entre la France dite d’en haut et la majorité silencieuse. Je dirais qu’il exprime à la perfection mon ressenti actuel et celui, je crois, de beaucoup de Français. A lire jusqu’au bout: la fin est bouleversante, saisissante de vérité. C’est tellement, tellement ce que je pense!

Maxime TANDONNET

« Un homme a été fauché à trois mètres de moi. Les enfants criaient. C’était une scène de guerre. » À Rachel, on pratique un massage cardiaque. En vain. Lui, terrassé par la douleur, ne parvient pas à se relever. Souffle coupé. « On craignait une hémorragie interne. On m’a mis un bracelet rouge pour être évacué en priorité. » Sous les yeux de l’aînée, qui racontera la soirée à son père. La description d’un « carnage » dont, par pudeur, il tait les détails. Rachel, déjà, est recouverte par un drap blanc. Stéphane apprend par les pompiers qu’elle est décédée. « Le lendemain, on a cherché son corps, on a appelé les hôpitaux, on se disait qu’il y avait peut-être un espoir. » Un test ADN pratiqué sur sa belle-sœur l’éteindra définitivement. 2 800 habitants ont rendu hommage à celle « qui souriait tout le temps ». Il dit aussi Alex et Mohamed. « Deux jeunes qui m’ont tout de suite mis en position latérale de sécurité, se sont occupés des enfants, ont appelé ma famille, mes amis. ». Comme ce Jean-François, qu’il n’avait pas vu depuis cinq ans, qui fut sur place en dix minutes. Et Alex et Mohamed : « Ils m’ont accompagné : “Serre-moi la main ! ; Parle-moi ! ; Ta fille est là !” La solidarité des Niçois a été formidable. »Il dit les urgences, scènes « d’apocalypse et de professionnalisme » mêlées. Il apprend là qu’il s’agit d’un attentat. « Le personnel médical ne donnait pas l’impression d’être débordé. Une cellule psychologique nous a suivis, deux ou trois contacts par jour, et ça nous a fait beaucoup de bien. » Eux-mêmes supportaient mal le pire. « Quand on a pu voir le corps de Rachel, la toucher, en robe, super belle, on était encadré et une jeune psychologue a éclaté en sanglots. » Dès le soir de l’attaque, une sollicitude exclusive et inquiète, familiale et amicale, a convergé vers la famille Erbs. Parents, belle-sœur, frère, etc. ont débarqué à Nice. À Cessieu, 2 800 habitants se sont mobilisés comme un seul homme pour soutenir, rendre hommage à celle « qui souriait tout le temps ». Une « perle », dit-il. « Les messages, les fleurs devant la mairie, cela a fait chaud au cœur. » Il dit son dégoût, plus que sa colère, Stéphane Erbs. Des hommes politiques, tous. « Ils ont envoyé à la fourrière toutes les voitures des familles de victimes du parking de l’hôpital pour l’arrivée du président ! Il est resté cinq minutes, a fait trois photos avec des blessés, il est reparti. Et la ministre de la Santé ! Elle n’a pas levé la tête, pas dit bonjour, pas adressé le moindre mot de soutien. » Il parle récupération. « Si, comme l’affirme Christian Estrosi, l’événement présentait un risque, il devait prendre ses responsabilités, l’annuler. » Il dit l’après. Le chef d’entreprise adaptera son temps de travail. Le père de famille donnera priorité à ses enfants. Il n’y a ni larmes, ni pathos. En nous raccompagnant, c’est même lui qui dit « merci ».

Author: Redaction