M. Macron est-il menacé de « jospinisation » (pour Atlantico avec Frédéric Micheau))

Les sondages se succèdent et se ressemblent. Ils placent le président sortant loin en tête au premier tour. La situation était différente sous l’ère Jospin. Jospin était selon les sondages légèrement devant Jacques Chirac qui le suivait de tout près. Emmanuel Macron et Lionel Jospin ne sont pas dans la même situation. Le premier est chef de l’Etat drapé dans son statut de chef de guerre contre le covid 19. M. Jospin était Premier ministre de son concurrent, Jacques Chirac président sortant,  et en tant que Premier ministre, devait assumer un bilan gouvernemental, notamment le chômage de masse et l’insécurité. Oui la non qualification de Jospin au second tour, devancé par Jean-Marie le Pen fut un séisme. Elle a fort peu de chance de se reproduire au détriment de M. Macron.  Cela ne signifie pas qu’il sera forcément réélu.

  • L’image d’Emmanuel Macron auprès des Français risque-t-elle de changer lors de son entrée en campagne ? En quoi une officialisation de sa candidature pourrait-elle changer la donne ? Se projeter dans l’avenir avec un candidat est-il différent de l’accepter comme personnalité au pouvoir à l’heure actuelle ?

Sans aller jusqu’à son éviction du second tour, le trou d’air sondagier est une possibilité avérée. En tant que chef d’Etat dans le contexte de l’épidémie, il bénéficie d’un puissant effet légitimiste qui entretient une relative popularité. En redescendant dans l’arène, il va forcément perdre ce statut de « chef de guerre ». C’est pourquoi il retarde le plus possible son entrée en campagne. C’est pourquoi aussi selon certaines sources, il refuserait de participer aux débats de premier tour. C’est une façon de conserver un statut à part, au-dessus de la mêlée. Dès lors qu’il sera dans l’arène, il ne pourra plus rester silencieux sur le bilan de son quinquennat. Il ne pourra pas non plus s’abstenir de parler de l’avenir et rester dans le flou sur le sens d’un second quinquennat. La réaction de l’opinion devant ce nouvel Emmanuel Macron descendu de son piédestal, est difficile à prévoir. L’effet légitimiste peut se prolonger quelque temps comme il peut s’affaisser mais le socle de ses fervents admirateurs paraît solidement établi à environ 20% dans tous les sondages. Celui-là ne bougera sans doute pas. Tout dépend aussi de ses adversaires et notamment de la capacité de Valérie Pécresse à rebondir et à offrir une alternative.

https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/le-brief-politique/presidentielle-2022-emmanuel-macron-et-l-hypothese-du-trou-d-air-dans-les-sondages_4931899.html

  • Alors que le gouvernement actuel vante voire exagère parfois son bilan – comme sur les questions économiques ou sécuritaires – une entrée en campagne d’Emmanuel Macron, qui serait alors un candidat parmi d’autres, pourrait-elle permettre aux français de prendre conscience des faiblesses ou des incohérences d’Emmanuel Macron et de son bilan ?

Cet éventuel retour au monde des réalités dépend de plusieurs facteurs. Il faudrait que disparaisse dans les semaines à venir la hantise du covid 19 pour que les Français soient prêts à penser à autre chose. Il faudrait que les médias radio/télévision et une partie de la presse écrite, l’immense majorité des commentateurs de la vie publique qui vouent un culte étrange à la personne d’Emmanuel Macron sortent de la béatitude et se mettent à s’interroger sur le bilan réel de son quinquennat. Il faudrait que le pays se réveille. Il faudrait que l’opposition, notamment Mme Pécresse, s’empare pleinement du sujet du bilan d’un quinquennat et qu’elle soit soutenue sans réserve par son parti. Nous vivons une période de mystification qui n’a guère de précédent. Une sorte d’illumination collective autour de la personne du chef qui écrase toute notion de bien commun ou d’intérêt général. Nous vivons une ère de déconnexion entre l’image médiatique et la réalité… Le pays aura-t-il la capacité intellectuelle et mentale, en quelques semaines, à en prendre conscience et à déchirer le voile ? C’est la grande inconnue. Tout dépend sans doute, là aussi, de la crédibilité que Mme Pécresse parviendra à gagner.

  • Quels seraient les points les plus douloureux pour Emmanuel Macron ? Sur quels plans les Français pourraient-ils lui faire le plus de reproches ?

M. Macron fut élu sur le thème de la « transformation de la France ». Or, il ne peut guère se prévaloir de grandes réformes réussies. Le bilan de son quinquennat est plutôt celui d’un effondrement : explosion de la dette publique (116% du PIB) et des déficits, chômage de masse (3,4 à 6 millions de chômeurs selon pole emploi), pauvreté (10 millions de personnes selon l’INSEE), désastre du commerce extérieur lié à la désindustrialisation, hausse spectaculaire de l’immigration selon les statistiques officielles, poussée de l’insécurité avec une explosion des violences aux personnes, chute vertigineuse du niveau scolaire notamment en mathématiques, dégradation du système de soin y compris hospitalier et pire que tout, saccage des libertés publiques dans le cadre d’un « Absurdistan » bureaucratique qui n’a rien réglé en profondeur de la crise sanitaire. Certes, il serait exagéré de tenir le quinquennat Macron pour seul responsable d’une situation aussi délétère. Mais celui qui promettait un nouveau monde n’a pas réussi à enrayer le déclin. Sa fin de mandat se traduit par une explosion du vote anti-système qui se cristallise désormais sur trois candidats à un niveau élevé et probablement une poussée de l’abstentionnisme. Cette fragmentation de l’électorat par la course aux extrêmes est d’ailleurs le principal facteur de son éventuelle réélection. Et que peut-il bien promettre désormais ? Quelle transformation ? Quel nouveau monde ? S’il est réélu, ce ne peut être que par indifférence et par résignation. Et la suite sera chaotique.

Author: Redaction