Pour quelqu’un qui respecte la langue, les mots qui la forment, leur enchaînement en constructions limpides, logiques, lire un discours d’Emmanuel Macron est une punition. Je me suis infligé, une fois de plus, cette punition en lisant son tant attendu « discours de la Sorbonne ».
Comme toujours, le mot qui convient pour le décrire est charabia – ou n’importe lequel de ses synonymes. Si j’étais professeur et si on me donnait à lire une telle composition, je la noterais très mal. Voilà pour la forme.
Quant au fond, il se résume à une longue incantation européenne – longue et inquiétante à la fois, car elle n’augure rien de bon.
Sans le dire, Emmanuel Macron, comme tant d’autres avant lui, voudrait « plus d’Europe », une intégration de plus en plus poussée – et on sent bien que son discours, à travers des phrases alambiquées, n’est qu’un plaidoyer pour le fédéralisme, pour cette terrible structure bureaucratique dans laquelle disparaîtraient États et nations.
Cette idée de fédération européenne, nous le savons, est née après la Deuxième Guerre mondiale. Ses promoteurs pensaient empêcher ainsi l’éclatement d’une nouvelle conflagration sur le continent. Prise dans ce sens, elle serait aujourd’hui absurde, car elle était censée assurer la paix entre les États entrés, fondus dans la fédération. On nous explique aujourd’hui contre des menaces venant de l’extérieur : le Russie, la Chine, l’Iran. Qui, de toute manière, s’ils décidaient de nous attaquer, nous attaqueraient tous, que nous soyons union ou fédération.
Mais l’idée de faire disparaître les États européens dans un magma indistinct a été conçue aussi – à la même époque et de manière plus active – aux États-Unis. Contrôler, dominer une seule entité sans personnalité nationale semble là-bas, et à juste titre, plus aisé que d’asseoir son emprise et d’imposer sa volonté dans une trentaine d’États, plus aisé que de contrer une trentaine de volontés.
C’est ce projet que défend Emmanuel Macron, et non les rêveries des penseurs politiques d’il y a 70 ans. Il est fédéraliste dans l’acception américaine et non européenne de ce projet délirant.
Les bolcheviks russes d’avant 1917 appelaient l’empire des tzars « la prison des peuples ». La fédération européenne serait, elle, le tombeau des peuples. Ces peuples qui ont mis deux mille ans à se former, disparaîtraient par cette volonté étrangère en une masse indifférenciée, sans autre but qu’une terne survie.