L’inévitable changement de régime

La France, dans quelques semaines, s’apprête à changer de régime politique. La question n’est pas de s’en féliciter ou de s’en indigner, mais d’avoir le courage et la lucidité d’ouvrir les yeux et de prendre acte de la révolution en cours. Nous sortons du présidentialisme, ou de l’hyper présidence. Les députés Républicains se préparent semble-t-il  à assumer leurs responsabilité en cas de défaite de M. F Fillon et à tenter de former une majorité parlementaire pour respecter la volonté d’alternance des Français. Il faut s’en féliciter. Mais aujourd’hui, nous atteignons un point de déliquescence irréversible de la France dite « d’en haut » – politique, médiatique, judiciaire –  d’écroulement de tous les repères, toutes les boussoles de l’honneur et de l’honnêteté intellectuelle. Quel que soit le résultat des urnes présidentielles, le chaos est proche. Le phénomène Macron est un ramassis de contradictions et d’ambiguïtés. L’ancien conseiller et ministre essentiel de François Hollande prétend incarner « la véritable alternance ». Bien sûr… Il est absolument convaincu que son éventuelle élection comme chef de l’Etat se traduira, conformément à la tradition de la Ve République, par une majorité au Parlement. Je n’y crois pas un instant. Nous nous trouvons dans une configuration radicalement nouvelle de toute expérience du passé: absence d’un parti politique le soutenant, contexte de discrédit radical de la fonction présidentielle, élection par défaut, défaut d’autre candidat, fragilité d’une ascension soudaine et ambiguë, absence d’ancrage local de ses candidats aux législatives, sortis du chapeau, complexité du mode de scrutin éparpillé sur 577 circonscriptions… S’il peut réunir quelque temps une majorité de circonstance, composés de « ralliés » de droite et de gauche, elle ne résistera ni à l’usure du pouvoir, ni à la première confrontation à des enjeux sensibles. Quant à l’élection de Mme le Pen, sur un fantastique coup du sort, par exemple si elle était confrontée au second tour à M. Hamon ou à M. Mélenchon, elle produirait un phénomène de front républicain spontané et un effondrement aux législatives. Avec une centaine de députés étiquetés lepénistes, au grand maximum, une dizaine plus sûrement, elle se trouverait dans une situation de paralysie absolue et d’isolement vertigineux à l’Elysée. Mais ayons le courage de regarder la réalité en face. Même l’élection de M. Fillon ne règlerait plus rien aujourd’hui. L’épouvantable scandale qui sévit depuis le début de l’année fait de lui, d’ores et déjà, s’il était élu, un président de la République suspect,  maudit, impopulaire, en sursis. Et sans prestige, sans autorité naturelle, le chef de l’Etat n’est rien. La mise en examen de son épouse, survenue hier, aggrave encore la situation. Lui-même protégé par l’immunité présidentielle, comment pourra-t-il présider le pays sereinement, en sachant sa femme prise en otage de facto, peut-être même incarcérée? Ce que je dis est effroyable, mais c’est la réalité. Nous sortons quoi qu’il arrive du présidentialisme. Il faut avoir la lucidité de l’admettre, même si c’est douloureux pour nos esprits intoxiqués par la personnalisation du pouvoir. Mais pour trouver quoi? Nous sommes face à deux possibilités: soit l’émergence d’une majorité nette au Parlement, qui pourra permettre à un Premier ministre et à un Gouvernement, sous son contrôle, de gouverner pendant plusieurs années et de réformer le pays; soit un délitement complet de l’Assemblée nationale, le chaos jusqu’au bout, un émiettement comparable à celui de la IVe République sur sa fin, dominé par l’impuissance et l’instabilité gouvernementale. Tout va désormais se jouer lors des élections législatives de juin. Tenons nous prêts!

Maxime TANDONNET

 

 

 

 

Author: Redaction