Une lettre ouverte signée par plusieurs chercheurs universitaires questionne les organisateurs des Jeux Olympiques sur la promotion des véhicules hydrogène pendant cet évènement international affirmant que l’hydrogène n’est pas une alternative pour la décarbonation de la mobilité routière et prônant le véhicule électrique à batteries comme solution unique. Au-delà des questions que l’on peut se poser sur l’objectivité scientifique d’un texte qui interroge la stratégie d’un constructeur automobile et lui prête des desseins malhonnêtes, on retrouve dans cette lettre des critiques régulièrement adressées à l’usage de l’hydrogène pour la mobilité.
- Quelles affirmations retrouve-t-on dans cette lettre et qui nécessitent certaines mises au point ?
« L’hydrogène utilisé pour alimenter le transport routier n’est pas aligné sur les atteintes des objectifs mondiaux de zéro émission nette et, en fin de compte, risque de détourner l’attention et de retarder les véritables solutions dont nous disposons. »
L’hydrogène répond à de nombreux cas d’usage non adressés par les véhicules à batteries, plus particulièrement quand il s’agit de décarbonation des transports lourds et/ou intensifs. Réussir à décarboner la mobilité routière nécessite de faire appel à des véhicules s’appuyant sur les deux technologies, l’hydrogène répondant particulièrement aux usagers qui font face à des contraintes opérationnelles fortes (besoin d’autonomie, de recharge rapide, de transport de charges lourdes – passagers ou marchandises – contraintes climatiques, etc.). Par exemple, les usages intensifs des fourgons (véhicules utilitaires légers) représentent environ 50% de la flotte installée de fourgons mais environ 75% de ses émissions de CO2. L’hydrogène est donc particulièrement pertinent pour décarboner ces segments de flotte à fort impact d’un point de vue émission. Les deux technologies ne sont donc pas concurrentes mais bien complémentaires pour atteindre les objectifs de neutralité carbone à 2050.
- « Les voitures électriques à hydrogène nécessitent 3 fois plus d’électricité renouvelable que leur équivalent à batteries … Il est important de noter que l’ajout d’électricité renouvelable au réseau réduit les émissions bien plus que produire de l’hydrogène vert à très faible efficacité énergétique et le reconvertir en électricité dans une pile à combustible pour alimenter une voiture. »
Rendement, quand tu nous tiens ! Est-ce qu’un usager se pose la question du rendement quand il est confronté à une mauvaise expérience utilisateur de son véhicule ? Non, la question est de savoir si la technologie satisfait l’usage.
Besoin d’autonomie, contraintes opérationnelles comme les usages intensifs (ces fameux taxis en Ile-de-France) ou le transport de charges lourdes, le véhicule à hydrogène est le seul à pouvoir apporter une solution zéro émission satisfaisante.
De plus, le potentiel d’amélioration de rendement est très élevé compte tenu de la jeunesse de la filière industrielle hydrogène. Ces rendements ne tiennent pas non plus compte de la valorisation de la chaleur et de l’oxygène produits dans le process de production de l’hydrogène, qui représentent un gisement d’amélioration de ce bilan énergétique très important.
Quant à l’intégration des EnR au réseau électrique, l’hydrogène jouera un rôle important grâce à la flexibilité que pourront apporter les électrolyseurs, consommateurs de cette électricité issue de sources variables et intermittentes. Le gestionnaire de réseau RTE identifie un besoin accru de flexibilité pour faire face au caractère variable de la production d’énergies renouvelables et ce, quelle que soit la part du nucléaire qui sera retenue dans le futur mix énergétique en France, et retient l’hydrogène comme solution de stockage flexible.
- « Aujourd’hui, l’hydrogène est fabriqué à partir de combustibles fossiles et les émissions de sa production ne diminuent pas … Selon l’Agence internationale de l’énergie, l’adoption d’hydrogène bas-carbone reste limitée, ne représentant que 0,6 % de la demande totale en hydrogène »
Changer des process de fabrication qui ont plusieurs dizaines d’années demande du temps et du soutien ! Pour produire de l’hydrogène renouvelable et bas-carbone, on doit faire appel à de nouvelles technologies de production décarbonées (électrolyse, capture et stockage du carbone, thermolyse, plasmalyse, etc). Cette chaine de valeur industrielle est aujourd’hui en pleine structuration et se met en place mais on ne peut lui demander de faire en 3 ans ce que d’autres industries ont mis plusieurs dizaines d’années à réaliser.
En France, on produit aujourd’hui de l’hydrogène renouvelable et bas-carbone grâce à des unités de petite capacité (1 à 5 MW) principalement destinées à alimenter les usages en mobilité. A fin 2023, on comptait 30 MW de capacité d’électrolyse installée, en 2020, c’était … 0. Bien que cette production soit encore très modeste, elle est cruciale pour l’industrialisation des technologies et la construction d’infrastructures cohérentes de production et de distribution d’hydrogène. Les projets de production de grande envergure¹ nécessitent plusieurs années de développement, mais les premières mises en service des installations de plusieurs centaines de MW pour la décarbonation d’industriels telles que la production d’engrais, d’acier ou le raffinage de carburants sont bien prévues en 2024-2026.
Toutes les conditions, notamment réglementaires doivent être réunies pour sécuriser investisseurs et industriels et leur donner la visibilité nécessaire pour accélérer les décisions finales d’investissements dans les projets de production d’hydrogène décarboné, c’est ce que recommande également le rapport de l’IEA mais qu’oublie de mentionner la lettre ouverte.
- « Les voitures à hydrogène ne sont pas une solution viable … en raison du coût élevé et de la faible disponibilité du carburant, les ventes de voitures à hydrogène connaissent un déclin mondial rapide. Il y a environ 1 000 fois plus de véhicules électriques à batteries que de véhicules à hydrogène dans le monde, et les consommateurs choisissent massivement les BEV comme option la plus convaincante. »
Les voitures à hydrogène sont une solution viable dès lors qu’elles répondent à un usage non satisfait par les véhicules à batteries. En France, qu’ils s’agissent de berlines ou de fourgons, ces véhicules sont déployés au sein de flottes captives (par exemple, les 700 taxis de la flotte francilienne incluant des véhicules utilitaires légers) mais ne sont pas destinés largement aux particuliers. Le réseau de distribution d’hydrogène est en cours de déploiement avec 70 stations de recharge en service à date, toutes répondant aux besoins d’une flotte identifiée, c’est ainsi que l’on va rationnaliser le coût économique et assurer un maillage cohérent du territoire.
Les coûts de production des véhicules hydrogène correspondent à ceux de toutes petites séries. L’industrialisation des chaines de production et le passage en production de série de plus de 5000 véhicules par an pour certains constructeurs induira une diminution de près de 35% du coût du véhicule dès 2024.
Le véhicule électrique à batteries bénéficie d’une antériorité dans le déploiement et adresse des besoins pouvant bien correspondre à un usage de particulier, ce qui explique le niveau de son parc roulant².
Une fois de plus, les deux technologies ne sont pas concurrentes dans la décarbonation de la mobilité mais bien nécessaires toutes deux pour décarboner massivement le transport routier.
En conclusion, il semble utile de rappeler le fondement du développement de l’hydrogène en France, en Europe et dans de nombreux pays dans le domaine³ : sans hydrogène, pas de « net zero » à 2050.
Le développement de l’hydrogène et de ses dérivés sont indispensables pour atteindre la neutralité carbone, aux côtés des énergies renouvelables, du nucléaire, et de la maîtrise de la demande énergétique. Au-delà de décarboner de nombreux secteurs de l’économie, l’hydrogène est la seule alternative pour les secteurs pour lesquels l’électrification directe n’est pas envisageable. Ceci est valable pour l’industrie mais également pour les transports qu’ils soient routiers, ferroviaires, maritimes ou aériens !
Dans la bataille pour la décarbonation, la transition énergétique et écologique, point de dogmatisme mais des faits : la mobilité routière à hydrogène a du sens parce qu’elle répond à des besoins. La flotte de taxis qui circulent en Ile-de-France en est un exemple concret : elle est la plus importante au monde avec 700 véhicules, bientôt 1000. Ils accumulent tous les jours les km parcourus sans émission⁴,et les tonnes de CO2 évitées. Que les services qu’ils rendent au quotidien soient mis en avant lors d’un grand évènement mondial, aux côtés des véhicules à batteries qui constitueront une vitrine de cette mobilité décarbonée est positif pour maintenir la mobilisation nécessaire à la lutte contre le dérèglement climatique qui s’illustre un peu plus dans le monde chaque jour.
[1] Quelques projets de production massive d’hydrogène renouvelable et bas-carbone : Hyd’Occ à Port la Nouvelle (Qair – 20 MW en 2024), Normand’hy à Port-Jérôme (Air Liquide – 200 MW d’ici 2026), Masshylia à Fos (Engie et TotalEnergies – 120 MW en 2027), Lhyfe au Havre (100 MW en 2028), GH2 Ambès à Ambès (GH2 – 100MW d’ici 2028) pour la décarbonation d’engrais, ou encore les projets à 2028 pour la décarbonation de l’acier à Dunkerque (H2V – 1ère phase à 200 MW d’ici 2027) ou à Fos (GravitHy – 700 MW en 2028 ou encore le projet H2Vde 600MW avec diversification sur e-méthanol).
[2] Selon les données de l’Association des constructeurs européens (ACEA) de mars, avril, mai 2024, la vente de véhicules électriques à batteries enregistre une baisse notable en Europe.
[3] Plus de 70 pays dans le monde ont une stratégie de développement de l’hydrogène adossée à des financements identifiés
[4] 20 000 000 km parcourus sans émission à fin 2023, source HySetCo
The post L’hydrogène, pas nécessaire à la décarbonation du transport routier ? vraiment ? appeared first on France Hydrogène.