L’horreur idéologique

La politique est une valeur noble à mes yeux. Elle signifie « le gouvernement de la cité », évoque des hommes et femmes qui se réunissent et discutent pour préparer l’avenir commun d’une Nation. Elle consiste à chercher ensemble des solutions sur les grands défis d’une époque: la maîtrise des frontières, l’intégration des populations, la lutte contre le chômage, l’organisation optimale de l’Etat, l’unification politique du continent européen face aux défis planétaires. Elle suppose de se parler dans le respect, puis d’effectuer des choix et de les mettre en œuvre. La société française semble en être de moins en moins capable. La politique se meurt, mais la nature a horreur du vide. Aujourd’hui, sur les ruines de la politique, les idéologies que l’on croyait mortes ressuscitent sous des formes nouvelles. Elles sont trois en ce moment qui accaparent les esprits à la veille de la période électorale. Le macronisme triomphant s’inspire de l’idéologie de l’individu roi, qui triomphe depuis bientôt 30 ans dans le monde occidental: culte du libre choix, du narcissisme,  du « sans frontiérisme », de l’argent comme valeur suprême, de l’homme parfaitement interchangeable, de la mauvaise conscience occidentale et de la communication comme mode de gouvernement. Face à lui, le lepénisme est un nouvel avatar de complotisme et de repli nationaliste: le mal vient de l’extérieur et le salut suprême vient de la haine des autres, de l’étranger, de l’Europe, du « capitalisme financier », du mondialisme, etc. Et puis entre les deux, comme une sorte de synthèse ou de troisième voix, nous assistons à la poussée d’un troisième larron, le mélenchonisme, étrange synthèse qui s’inspire à la fois du sans frontiérisme et du complotisme. Le retour de l’idéologie s’incarne dans une flambée du culte de la personnalité nihiliste. Le « sauveur providentiel » est l’expression incarnée de cette idéologie.  Face à lui, on s’abandonne à la passion. On l’aime, on l’adore, on se prosterne devant l’idole en chair et en os qui envoûte, enchante et hypnotise la foule médiatisée, une adoration proportionnelle au vide intellectuel. La désintégration de la politique française débouche sur une flambée de l’idéologie, du culte de la personnalité, la sublimation d’individus médiatisés, forme ultime de l’ asservissement des foules: le phénomène est patent à l’aube de la période électorale. Il s’accompagne d’une vertigineuse poussée de haine nihiliste: l’opposant politique devient un ennemi à abattre par tous les moyens. L’intérêt général, le sens des réalités et du bien commun s’effondre dans cet ouragan de démence. La construction d’un avenir collectif autour du débat d’idées et de projets n’existe plus: tout n’est que chimères, mirages, adoration, fascination, asservissement au culte de la personnalité. Le retour des idéologies et du culte de la personnalité représente un immense échec de nos sociétés politiques. Tout ce qui se passe en ce moment renvoie à la pire époque des années 1930 et 1940. Nous pensions ne jamais revoir un tel paysage. Or, il est là, devant nos yeux. A travers le grand retour des idéologies et du culte de la personnalité, nous assistons au  triomphe sur le long terme de l’abêtissement de masse, de la table rase, de l’oubli, de l’inculture, de la méconnaissance de l’histoire et de la littérature, l’effondrement de la pensée critique et de la réflexion. Comment ne pas se sentir désespéré face à un tel spectacle, un tel champ de ruines, une telle déchéance de la culture et de l’intelligence, au pays de Montaigne, de Descartes, de Pascal, de Molière et de Voltaire? Comment un tel désastre a-t-il pu se produire?  Enfin, hier, deux nouvelles essentielles faisaient la une de l’actualité politique: Fillon n’arrive pas à « mettre de l’argent de côté » et Renaud vote Macron!

Maxime TANDONNET

Author: Redaction