Les événements en cours dans la campagne électorale française, le scandale autour de François Fillon, se rattachent sans doute à un phénomène plus général. Nous vivons un « hiver de la politique », dans le monde occidental comme nous avons vécu un « printemps arabe ». L’époque ne supporte plus les têtes qui dépassent. La personnalisation du pouvoir est en fin de course. Lors du printemps arabe, les têtes des dirigeants arabes sont tombées. Aujourd’hui, le carnage se poursuit et s’amplifie dans le monde occidental. M. Hollande et M. Cameron ont chuté. M. Juppé, M. Sarkozy sont tombés. M. Valls est menacé. L’Italie et l’Espagne sont dans le flou. Mme Merkel est au plus mal. Les exubérances de M. Trump préparent une catastrophe, pour les Etats-Unis et pour lui-même. Vous ne me croyez pas? Vous verrez d’ici quelques mois… M. Fillon est frappé, avec une violence inouïe, par anticipation. Peut-être va-t-il s’en sortir et l’emporter, dans le climat de délabrement général. Oui, mais après? Notre temps n’est plus compatible avec le pouvoir personnalisé. La mondialisation, Internet, la transparence absolue, le goût du lynchage médiatique, la soif de pureté des peuples, l’instinct de jalousie, la médiatisation forcenée de la vie publique, la dictature des émotions, la défiance envers l’autorité: toute figure hautement médiatisée est vouée à chuter. M. Macron, s’il poursuit sa route flamboyante, son succès bâti sur le néant, va lui aussi subir le même sort, avant le suffrage, ou bien une fois élu. La chute sera effroyable pour lui. Il deviendra la cible, la bête traquée, la victime émissaire. Quant aux partisans de solutions radicales, Mme le Pen, M. Mélenchon, ou M. Hamon, leur sort, en cas d’élection, est inimaginable. Je serais prêt à parier que le prochain président ne finira pas son quinquennat. La sortie de crise est peut-être dans le gouvernement collectif et dans la dépersonnalisation du pouvoir, une dose d’anonymat et de discrétion. En France, les élections législatives de juin 2017, totalement ignorées, seront déterminantes. Ce fait est incompréhensible aux esprits englués dans l’habitude, le grand spectacle médiatique, l’habitude de confondre pouvoir et idolâtrie. Mais il va s’imposer de lui-même. En tout cas, il faut l’espérer: renouer avec le débat d’idées et le choix de société, plutôt que la tyrannie du sensationnel. C’est à l’occasion de l’élection des députés que peut se jouer l’avenir, tandis que le système présidentialiste est en train d’exploser en plein vol. Sa désintégration en cours débouchera sur un découplage entre les deux élections: les présidentielles, pour la première fois, ne vont plus conditionner les législatives. Si notre pays retrouve une chance d’être un jour gouverné, ce sera par un gouvernement dépersonnalisé, ou moins personnalisé, issu du Parlement et non de la construction d’une figure mythique du sauveur par les médias. Voilà qui est infiniment difficile, presque impossible à admettre pour nos consciences aveuglées et rongée par l’image du pouvoir devant s’incarner en un visage, une voix, des émotions. Certes, les héros existeront toujours en situations de crise aigües, mais probablement dans l’éphémère – quelques mois ou années pour sauver un pays, à l’image de de Gaulle en 1940, avant de se retirer- et hors de l’ancrage dans l’ institution présidentielle, devenue le plus court chemin vers l’abîme.
Maxime TANDONNET