l’exit-tax sur les plus-values latentes en cas de départ de France


Photo: prise dans un pays d’accueil francophone bien connu pour le « blanchiment » des plus-values

La mesure envisagée: Aujourd’hui, les particuliers qui possèdent des actions avec des plus-values latentes peuvent s’expatrier puis vendre ces actions. En étant domicilié à l’étranger, lors de la cession des actions, ils échappent bien souvent à l’impôt sur la plus-value en France (explication: même si les plus-values sur actions des sociétés françaises réalisées par les non-résidents sont qualifiées de revenus de source française quelque soit le  pourcentage de participation du cédant depuis le 28-2-2010, la plupart des conventions signées par la France attribuent à l’état de résidence le droit de taxer la plus-value sur les cessions d’actions). 

Il est envisagé dans le cadre de la réforme de la fiscalité du patrimoine, d’instituer une exit tax,  pour taxer en France cette plus-value même quand elle est réalisée à l’étranger. Ladite taxe serait assise sur la plus-value latente au moment du déménagement mais imposée par l’Etat Français au moment de la vente des actions ;
Le taux de cette taxe serait de 31,3% (équivalent à la taxe interne avec la CSG). Le mécanisme est exposé dans le dossier de presse édité par Bercy
« Seraient assujettis à l’impôt les contribuables qui transfèrent hors de France leur domicile fiscal et qui détiennent lors de ce transfert, avec les autres membres du foyer fiscal, une participation directe ou indirecte d’au moins 1 % dans le capital d’une société ou une participation directe ou indirecte dans une société d’une valeur supérieure à 1,3 millions d’euros. Entreraient dans le champ d’application de ce dispositif les plus-values ainsi constatées et les plus-values en report d’imposition sur droits sociaux de sociétés françaises ou étrangères passibles de l’impôt sur les sociétés (IS) ou d’un impôt équivalent .
Le principe de l’imposition, son champ d’application, les modalités et la base d’imposition seraient définis lors du transfert du domicile fiscal hors de France, l’assiette de la plus-value constatée correspondant à la différence entre la valeur des titres au jour du transfert et leur valeur d’acquisition diminuée, le cas échéant, des abattements pour durée de détention. Un sursis de paiement, de droit et sans prise de garantie, serait accordé si le contribuable transfère son domicile dans un Etat de l’Union européenne ou dans un autre Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention fiscale d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales ainsi qu’une convention d’assistance mutuelle en matière de recouvrement. En revanche, si le contribuable transfère son domicile dans un autre État, l’imposition serait due à la date du départ hors de France, mais, à sa demande et sous réserve de prise de garanties adéquates (hors cas de mutations professionnelles), un sursis de paiement pourrait également être accordé.
Le sursis de paiement prendrait fin lors de la cession, du rachat, du remboursement, de l’annulation ou, dans certains cas, de la donation des titres concernés. L’impôt afférent à la plus-value latente ou en report d’imposition serait dégrevé ou restitué :
à l’expiration d’un délai de huit ans suivant le transfert du domicile fiscal hors de
France,
– ou lorsque le contribuable transfère de nouveau son domicile en France, si cet
événement intervient avant l’expiration du délai de huit ans,
– et en cas de décès du contribuable.
Lors de la cession ou donation des titres, l’impôt relatif à la plus-value constatée préalablement calculé serait réduit si la plus-value effectivement réalisée est inférieure à la plus-value constatée, voire effacé en cas de moins-value.
De même, si, à la date de la cession des titres, l’abattement pour durée de détention est supérieur à l’abattement appliqué lors du transfert du domicile fiscal hors de France, l’impôt serait recalculé sur la base de la plus-value ainsi réduite.
Enfin, afin d’éviter une double imposition, l’impôt éventuellement acquitté dans le pays de résidence serait imputable sur l’impôt dû en France dans la limite de ce dernier et à proportion de la part d’assiette taxée par la France.
Cette « exit tax » s’appliquerait aux transferts du domicile fiscal hors de France intervenus à compter du 3 mars 2011
. »


Commentaire:. Le régime doit néanmoins rester compatible avec le droit européen (TFUE) et avec les conventions bilatérales conclues par la France. Selon moi, la seule modification possible c’est d’introduire la notion d' »outsourcing » en fiscalité interne. Un tel régime fiscal doit être nécessairement bilatéral: il s’agit de taxer ceux qui s’en vont, mais inversement de limiter la masse fiscale en France pour ceux qui s’installent en France avec des plus-values latentes non réalisées. En outre, il faut voir comment la répartition du droit d’imposer s’opérerait dans la mesure où rien est prévu dans les conventions signées par la France. Compte tenu du nombre important de conventions internationales en vigueur, la modification du droit interne seulement n’aura aucun impact si la répartition du droit d’imposer n’est pas possible dans les stipulations de la convention internationale applicable. Dans le dossier de présentation de la réforme édité par Bercy, il est pris l’exemple d’un consultant informatique qui se délocalise en Belgique avec des plus-values latentes: il faut donc en conclure que pour Bercy, il n’y a pas de contradiction entre les principes de taxation qui sont exposés dans les traités internationaux, le principe de la libre circulation des personnes au sein de l’Union Européenne et cette nouvelle taxe.


Revue de presse:
– Une taxe qui s’appliquerait en cas de vente des actions dans les 8 ans de l’expatriation : site de Lionel Tardy, député
L’express s’interroge sur la conformité de cette taxe avec le droit européen.
– Explication du mécanisme par création d’entreprise.fr (en réalité, le mécanisme exposé dans cet article correspond à l’ancien système qui existait avant d’être invalidé par la CJUE (le fameux arrêt Lasteyrie du saillant, le site de CMS BFL reprend le débat de l’époque). Le nouveau mécanisme sera très probablement différent)
 La question de la compatibilité de l’exit tax avec le TFUE est traitée par Jérome Ardoin  sur le site de son cabinet (ErnstYoung avocats). La libre circulation s’applique aussi aux entreprises (qui sont des résidentes de l’Union). Pour les entreprises qui délocalisent, la solution actuelle consistant à accorder une certaine neutralité fiscale en cas de transfert de domicile dans l’Union dès lors que l’entreprise maintien ses immobilisations au sein d’un établissement stable en France serait contraire au TFUE. 
– Interview du Pf. Gutman qui s’interroge sur la conformité du mécanisme avec les différentes conventions internationales; mêmes commentaires pour l’agefi
Information importante : si la réforme du patrimoine est votée en juin, juillet, 2011, la taxe toucherait ceux qui se sont expatriés après le 3 mars 2011, selon club patrimoine.com. Le texte de l’article susceptible d’être voté est publié sur eco-89: la mesure viserait les participations supérieures à 1% ou excédant 1,3M€. 




Stanislas Lhéritier





Author: Redaction