Les plus hautes autorités du pays ont annoncé hier des « mesures restrictives et dissuasives » pour empêcher les Français d’aller skier en Suisse; puis précisé les sanctions applicables aux réfractaires: sept jours « d’isolement », c’est-à-dire, de facto, d’enfermement ou de privation de liberté. Après le bannissement des supposés « commerces non essentiels », dont les librairies, les jauges de 30 personnes dans les églises – applicable au petites chapelles comme aux cathédrales – tous les commentateurs, de droite comme de gauche, se sont retrouvés pour voir dans cette nouvelle mesure une étape supplémentaire dans l’invraisemblable dérive kafkaïenne d’un régime. Sept jours de détention pour avoir simplement franchi la frontière avec la Suisse : de quel cerveau morbide un tel mécanisme, digne des plus féroces bureaucraties totalitaires du siècle précédent, pouvait naître une telle idée? Les techno-médecins qui influencent le pouvoir politique et les dirigeants qui s’inspirent de leurs propositions ont pourtant fait quelques études, passé des examens; quant aux élus, ils ont su un jour trouver des mots pour séduire l’électorat. Tout ce petit monde ne peut pas être totalement stupide. Alors comment expliquer un tel naufrage dans l’Absurdie comme les Européens disent du « nouveau monde » français? Détrompons-nous: consciemment ou inconsciemment (c’est ce que j’ignore), cette dérive procède d’un dessein. Hier, le jour, même de la polémique « ski en Suisse », un rapport de l’Assemblée nationale dénonçait « le pilotage défaillant de la crise » [du covid19]. Nous le savions déjà, mais la chose, exprimée par un rapport parlementaire – sur lequel la majorité LREM s’est abstenue – prend une toute autre ampleur. Le pilotage défaillant est officiellement formulé, reconnu, démontré, avec toutes les conséquences effroyables que cela suppose: combien de morts supplémentaires? combien de chômeurs, de restaurateurs, de commerçants ruinés? Combien de points de croissance perdus? Et de dette publique supplémentaire? Et la question de la responsabilité de ce fiasco ? Alors, dans ces conditions, rien ne vaut une belle et forte polémique pour noyer le poison, pardon, le poisson, quitte à donner une image délétère et simplette. Plus la polémique est stupide, bête, idiote, et plus elle a de chances de prendre. Et elle a pris. Le loufoque étouffe le tragique. L’honneur, la dignité, quelle importance? Et l’immense majorité de la France médiatique, surtout radio-télé, n’y a vu que du feu: voici un rapport fondamental, peut-être historique, déjà enterré par la polémique invraisemblable sur l’interdiction de ski en Suisse et les mesures d’isolement. Et ce matin, il faut bien le dire, l’annonce de la mort de Valéry Giscard d’Estaing tombe à pic pour parler d’autre chose…
Maxime TANDONNET