Le 1er novembre 2018, le président Macron annonçait la couleur en se présentant comme un bouclier contre « la lèpre nationaliste ». La scène des présidentielles qui se prépare est celle d’un duel à grand spectacle entre le « héros » progressiste et « l’épouvantail » populiste. Tout va dans ce sens. Les escarmouches entre M. Darmanin, M. Dupont-Moretti et Mme le Pen visent de toute évidence à conforter cette dernière dans son rôle d’opposante attitrée. Les provocations élyséennes tendent à attiser les haines et encourager le vote lepéniste, par exemple les paroles de repentance exacerbée sur la culpabilité de la France. Les régionales de PACA illustrent cette stratégie : formation d’une liste commune LR et LREM contre le RN. L’objectif est d’anéantir toute forme de troisième voie entre macronistes et lepénistes. Il repose sur le pari d’un second tour des présidentielles de 2022 qui débouchera sur la victoire du supposé « bien » contre le « mal ». Tout ceci revient à étrangler la démocratie en privant la nation de tout autre choix.
2- Si on peut avoir effectivement sur la scène politique une impression de « populistes » contre « progressistes », cela reflète-t-il vraiment l’opinion du peuple ? Les Français ont-ils définitivement laissé tomber le clivage gauche-droite ?
L’impression qui domine est celle d’un immense désarroi des Français, mêlé à une indifférence et un scepticisme croissant envers la chose publique. Un sondage pour Marianne en février 2020 estimait à 80% la part des Français refusant un nouveau duel Macron le Pen. Cependant, depuis quatre ans, les sondages donnent ces deux personnalités largement en tête d’un premier tour des présidentielles. Ce gel de la vie politique française est sans précédent. Il est le fruit d’une formidable manipulation. D’une part l’occupant de l’Elysée accapare quotidiennement l’actualité dans sa vertigineuse boulimie de communication. Face à lui Mme le Pen bénéficie d’une couverture télé/radio digne d’un chef de l’Etat. Selon une enquête « projet Arcadie » de 2018 à 2020 sur l’exposition médiatique des parlementaires, son temps de parole médiatique (197 heures) pulvérise celui de tous ses adversaires. Aucun député LR n’apparaît dans les dix premiers… Le manichéisme – bien progressiste contre mal populiste – s’incarnant dans deux personnalités surmédiatisées étouffe le débat démocratique sur les grands sujets de préoccupation des Français : l’explosion vertigineuse du chômage, de la pauvreté, de l’insécurité tout comme l’effarant déclin du niveau scolaire. Pour l’instant le pays est comme écrasé par cette logique infernale.
3 – Depuis quelques années et avec la crise sanitaire, les discours semblent converger sur de nombreux sujets (made in France, le soutien à l’économie, l’islamisme, l’immigration, l’insécurité) Sur l’islamisme, on a même vu Gérald Darmanin accuser Marine Le Pen de « mollesse ». Et sur les questions sociétales type PMA, il n’y a pas clivage clair entre RN et LREM. Quand Emmanuel Macron invoque ce clivage progressistes/nationalistes, n’y a-t-il pas une forme d’hypocrisie ou alors une incapacité à déterminer ce qui le sépare vraiment de Marine Le Pen ?
La fuite dans un double culte de la personnalité et la caricature idéologique (progressisme contre populisme) réduit à néant le débat d’idées sur ces sujets. Les questions de fond n’intéressent plus personne dans une atmosphère d’hystérie et de matraquage permanent. D’ailleurs, sur l’Europe et sur les sujets économique et sociétaux la course de Mme le Pen à la respectabilité a eu pour effet de neutraliser son discours. Quant à la « PMA sans père », le RN semble rallié au positionnement dit progressiste. Il n’est même plus possible de reprocher à ce parti sa démagogie et son laxisme dépensier quand la gestion macronienne du pays débouche sur un déficit public et une dette de 10% et de 120% du PIB ! Le macronisme et le lepénisme se ressemblent par bien des aspects, en particulier l’exacerbation de l’ego narcissique et le goût outrancier des provocations destinées à capter l’attention médiatique. Chez l’un comme chez l’autre, la sublimation du « chef », se traduit par le mépris et la négation du monde des réalités. Leur affrontement mortel, dans un climat d’indifférence et d’anesthésie de l’opinion, est l’une des plus grandes impostures de l’histoire politique récente. Nous sommes face à une question dramatique : le pays conserve-t-il une capacité de rébellion face à ce naufrage dans la médiocrité stérile ou bien a-t-il définitivement baissé les bras ?