Le secrétaire général du parti socialiste parle « d’esprit de Munich » au sujet des réserves de l’opposition sur le projet d’intervention militaire en Syrie. Rien ne justifie cet amalgame tant les circonstances sont différentes. En 1938, les armées de l’Allemagne national-socialiste menacent de déferler sur l’Europe. Aujourd’hui, nulle menace sur l’intégrité d’un Etat européen. Il est question d’une opération militaire destinée à sanctionner la Syrie. A chaque fois qu’une intervention armée est envisagée ou lancée, l’accusation de « Munichois » tombe bêtement sur ses opposants, quels que soient leurs arguments : Suez en 1956, Irak en 1991 et 2003, Ex-Yougoslavie, Libye, Syrie aujourd’hui. Absurde : cela signifierait que la guerre est en toute circonstance la solution de tous les problèmes et que l’alternative de paix est par définition « Munichoise ». D’ailleurs, ce genre de comparaison historique, de la part d’un leader socialiste, me semble particulièrement risqué et hasardeux. Il renvoie à la véritable histoire des accords de Munich dont le parti socialiste, sfio à l’époque, fut l’un des fervents soutiens. Ainsi, faut-il le rappeler, Léon Blum, leader de cette formation, déclarait à la Chambre, le 4 octobre 1938 : « Tout entier le groupe participe aux sentiments qui animent d’ailleurs l’unanimité de la Chambre : une joie profonde quand il considère que le peuple de notre pays a été délivré d’une catastrophe dont l’imagination même ne parvient pas à se représenter l’horreur… » Un homme de droite, Henri de Kérillis, totalement isolé dans son camp, lui répondait : « Il est impossible d’accorder mon vote au gouvernement, car ce vote signifierait mon adhésion à la paix de Munich… Cette paix annule à jamais les bénéfices de la victoire de 1918 ; signifie le renoncement de notre politique historique, de notre politique traditionnelle… consacre le triomphe de Hitler… » Les amalgames historiques douteux, notamment avec une époque où l’histoire de l’humanité a atteint les sommets de l’horreur et de la tragédie, ne devraient pas être de mise dans une démocratie responsable. Combien de fois faudra-t-il le répéter?
Maxime TANDONNET