Le dernier sondage SOFRES Figaro magazine de septembre 2013 montre une stabilisation de la cote de confiance du président de la République au niveau le plus bas de l’histoire après 16 mois à la tête du pays : 27%. A la même époque, Nicolas Sarkozy était à 34%, Jacques Chirac (premier mandat) à 40% et François Mitterrand (idem), 54%. Pire : seuls 3% des sondés font « tout à fait confiance au chef de l’Etat ». Le désaveu, pour atteindre un tel niveau, porte probablement sur la personne du président, au-delà de sa politique. La situation catastrophique de l’emploi – 3,3 millions de chômeurs – ne saurait expliquer à elle seule une telle défiance de l’opinion. Cette impopularité paraît d’autant plus profonde que le chef de l’Etat bénéficie, par rapport à son prédécesseur, constamment caricaturé et dénigré (« président des riches », « bling-bling », « voyou », etc.) d’un traitement plutôt favorable de la presse et des médias, même s’il n’est pas lui non plus épargné par les critiques. Raymond Poincaré, chef de l’Etat de 1913 à 1920, écrit dans son journal – Au service de la France – à la veille de la grande Guerre, « nous n’avons pas senti les mouvements de l’âme du peuple français. » L’actuel occupant de l’Elysée semble, depuis le début de son mandat, en décalage avec la sensibilité profonde la Nation.
– Contrairement à la classe dirigeante, le peuple français est assoiffé d’unité et de concorde. Le choix de l’antisarkozisme comme ligne de conduite et fondement d’une politique à l’issue du scrutin présidentiel, alors qu’il fallait au contraire en appeler à la réconciliation, a eu un effet négatif dans l’opinion en accentuant la coupure idéologique et politique du pays.
– L’évolution du chef de l’Etat reproduisant « l’hyper présidence » de Nicolas Sarkozy après l’avoir tant fustigée – pas un jour où il ne s’exprime, n’apparaisse à l’écran – a encore amplifié le malaise.
– La psychologie d’un peuple est complexe. En surface, en apparence, il est attaché à la facilité, à la conservation des droits acquis. Mais au fond, il a conscience de l’intérêt du pays, sait gré à ses dirigeants de réformes difficiles, nécessaires, n’est jamais dupe des politiques (ou non-politiques) destinées à l’amadouer, à l’image de celles qui sont mises en œuvre, par exemple sur les retraites .
– Les Français ont le sentiment d’un pouvoir qui ne joue pas franc-jeu avec eux, ne les regarde jamais dans les yeux, ne leur parle pas en adulte. Quand le gouvernement, avec un taux de chômage record de 10,5% de la population active « se félicite (sic) » d’une dégradation moins forte que prévue, ils se demandent si ces paroles procèdent du dédain ou d’une fuite devant la réalité et leur amertume rejaillit sur l’image du président.
– La personnalité de ce dernier échappe toujours au peuple français. Il ne la sent pas. Qu’est-ce qui l’emporte chez lui de l’apparence joviale et consensuelle ou du caractère solitaire? Longtemps accusé d’être indécis, il apparaît comme plutôt rigide dans ses positions et peu porté aux remises en question. Qui est-il au fond? Les foucades surmédiatisées de Nicolas Sarkozy irritaient peut-être les Français mais ces derniers se voient plus encore désarçonnés par le flou actuel.
Quand l’image personnelle d’un dirigeant est ainsi atteinte dans les profondeurs, redresser la barre est sans doute difficile, sinon impossible, sauf séisme politique comme une cohabitation, à la suite d’une dissolution, qui le verrait changer totalement de rôle et d’habit. La situation est d’autant plus compromise que nous ne sentons pas les hommes et femmes au sommet de l’Etat suffisamment lucides et humbles pour ressentir, même partiellement, ce qui vient d’être exprimé dans ce billet et en tirer les conséquences. Nous aurions enfin bien tort de nous réjouir de cette situation parce que les déboires du président de la République sont aussi les malheurs et le déclin de la France.
Maxime TANDONNET
NB: Un grand merci d’avance aux éventuels intervenants sur ce blog pour la mesure et le respect du ton de leurs commentaires !