Les ondes gravitationnelles font la première lumière sur la fusion d’étoiles à neutrons

C’est une découverte majeure à plus d’un titre. Les scientifiques de la collaboration Ligo-Virgo (dont le CNRS est membre) ont observé pour la première fois des ondes gravitationnelles émises lors de la fusion de deux étoiles à neutrons, et non de deux trous noirs comme dans les cas précédents. Autre première : cette source d’ondes gravitationnelles émet de la lumière, observée dans les heures, jours et semaines qui suivirent grâce à la contribution de 70 autres observatoires sur Terre et dans l’espace. Cet ensemble d’observations marque l’avènement d’une astronomie dite « multi-messagers ».

Fusion de deux étoiles
La fusion de deux étoiles à neutrons visualisée à la fois par l’émission d’ondes gravitationnelles (distorsions de l’espacetemps, à gauche) et de lumière qui révèle différentes couches de matière (à droite). © Karan Jani/Georgia Tech

Nouveaux résultats de l’astronomie gravitationnelle.

Des chercheurs représentant la collaboration LIGO-Virgo, dont le CNRS est membre, ainsi que 70 observatoires, révéleront de nouvelles découvertes issues de la recherche d’ondes gravitationnelles.

Une dizaine de chercheurs seront rassemblés au siège du CNRS pour vous donner un aperçu des nouvelles découvertes obtenues avec LIGO, Virgo et les télescopes partenaires qui étudient les événements extrêmes du cosmos.
La détection des ondes gravitationnelles a été récompensée ces dernières semaines par deux médailles d’or du CNRS, décernées à Alain Brillet et Thibault Damour, et par le prix Nobel de physique, attribué à Rainer Weiss, Barry C. Barish et Kip S. Thorne.

Une dizaine de spécialistes rassemblés au siège du CNRS.
Présentations de :

  • Benoît Mours, directeur de recherche au CNRS et responsable scientifique français de Virgo
  • Frédéric Daigne, professeur à l’UPMC, spécialiste de l’astrophysique des hautes énergies.

En présence de :

  • Marie-Anne Bizouard, chargée de recherche au CNRS, membre de la collaboration Ligo-Virgo
  • Luc Blanchet, directeur de recherche au CNRS, spécialiste en relativité générale et ondes gravitationnelles
  • Nelson Christensen, directeur de recherche au CNRS, membre de la collaboration Ligo-Virgo
  • Pierre-François Cohadon, maître de conférences à l’ENS, membre de la collaboration Ligo-Virgo
  • Mathieu de Naurois, directeur de recherche au CNRS, directeur de la collaboration HESS
  • Olivier La Marle, responsable du programme « astronomie-astrophysique » au CNES.
  • Philippe Laurent, chercheur au CEA, co-responsable de la collaboration Integral (satellite de l’ESA)
  • Susanna Diana Vergani, chargée de recherche au CNRS, membre des collaborations ePESSTO
    (ESO) et GRAWITA.

Une moisson de résultats en est issue : d’une solution à l’énigme des sursauts gamma et à celle de l’origine des éléments chimiques les plus lourds – comme le plomb, l’or ou le platine –, en passant par l’étude des propriétés des étoiles à neutrons ou par une mesure indépendante de la vitesse d’expansion de l’Univers. Une dizaine d’articles scientifiques publiés le 16 octobre 2017 détaillent ces différents aspects. Ils sont signés par de nombreux chercheurs de laboratoires du CNRS (plus de 200 pour l’une des publications), membres de la collaboration Ligo-Virgo ou de groupes d’astronomes partenaires.

C’est une aventure hors du commun qui a démarré, le 17 août 2017 à 14 heures 41 minutes (heure de Paris), par l’observation d’un signal d’ondes gravitationnelles d’un type nouveau. Cette fois, le signal détecté est bien plus long que dans le cas de la fusion de trous noirs (une centaine de secondes contre une fraction de seconde), signe que les deux objets qui finissent par fusionner sont différents de ceux détectés jusqu’à présent. L’analyse détaillée des données indiquera que les masses des deux objets sont comprises entre 1,1 et 1,6 fois la masse du Soleil, ce qui correspond à celles des étoiles à neutrons.

Les étoiles à neutrons sont des vestiges d’étoiles massives. Une étoile géante meurt en explosant, donnant ainsi naissance à une supernova. Ce phénomène extrêmement lumineux ne dure que quelques jours à quelques semaines : une fois l’explosion terminée, il ne reste plus qu’un cœur très dense composé presque uniquement de neutrons – une étoile à neutrons. Celle-ci a la taille d’une ville comme Londres, mais une petite cuillère de sa matière pèse environ un milliard de tonnes : les étoiles à neutrons sont les étoiles les plus petites et les plus denses connues à ce jour. Tout comme les étoiles ordinaires dont elles sont issues, certaines évoluent en couple. Elles orbitent alors l’une autour de l’autre et se rapprochent lentement en perdant de l’énergie sous forme d’ondes gravitationnelles – un phénomène qui finit par s’accélérer jusqu’à la fusion. Si ce scénario était prédit par les modèles, c’est la première fois qu’il est confirmé par l’observation.

  1. Les ondes gravitationnelles sont des « messagers » du cosmos complémentaires des observations astronomiques traditionnelles, basées sur l’ensemble du spectre lumineux (lumière visible, UV, infrarouge, ondes des radios, rayons X et gamma), les rayons cosmiques ou les neutrinos.

Presque au même moment et de manière indépendante, le satellite Fermi de la Nasa enregistre un sursaut gamma – un flash de rayonnement très énergétique – et lance immédiatement une alerte automatique. Si ce type de flash est relativement fréquent (il s’en produit presque chaque semaine en moyenne), celui-ci a la particularité d’être détecté environ 2 secondes après la fin du signal d’ondes gravitationnelles, indiquant un lien fort entre ces deux événements. Par ailleurs l’analyse des données de Fermi indique une origine spatiale de 1100 degrés carrés compatible avec la localisation par les détecteurs Virgo et Ligo. Le sursaut gamma est également observé par le satellite Integral de l’Agence spatiale européenne (ESA). Ces observations confirment qu’au moins une partie des sursauts gamma courts sont produits par la fusion d’étoiles à neutrons.

La naissance d’une nouvelle astronomie.
En parallèle, cette source est localisée dans le ciel en exploitant les temps d’arrivée et l’amplitude des signaux mesurés dans les trois détecteurs d’ondes gravitationnelles (les deux détecteurs de Ligo aux États-Unis et celui de Virgo en Europe). La zone ainsi déterminée, qui couvre environ 30 degrés carrés2 dans la constellation de l’Hydre de l’hémisphère austral, est des dizaines de fois plus restreinte que celle établie par Fermi. Elle est communiquée à près de 90 groupes d’astronomes partenaires pour qu’ils pointent leurs instruments dans cette direction. Douze heures plus tard, le groupe 1M2H utilisant le télescope américain Swope au Chili annonce la découverte d’un nouveau point lumineux dans la galaxie NGC 4993, située à 130 millions d’années-lumière de la Terre. Très rapidement, ce résultat est confirmé par d’autres télescopes de manière indépendante3. À leur suite, de nombreux autres instruments réalisent des observations, dont ceux de l’ESO au Chili, ou le télescope spatial Hubble.

Cette zone est alors scrutée sans relâche et les premières analyses des spectres lumineux4 montrent qu’il ne s’agit pas d’une supernova mais d’un type d’objet encore jamais observé, constitué de matière très chaude qui refroidit et dont la luminosité décroît rapidement – d’où une course contre la montre pour l’observer avant qu’il ne s’estompe.

Selon les modèles, la matière éjectée par la fusion de deux étoiles à neutrons est le siège de réactions nucléaires aboutissant à la formation de noyaux atomiques plus lourds que le fer (comme l’or, le plomb, etc.), grâce à l’abondance de neutrons. Cette matière très chaude et radioactive se disperse alors, émettant de la lumière dans toutes les longueurs d’onde, initialement très bleue puis rougissant au fur et à mesure que la matière refroidit en se dispersant. Appelé kilonova, ce phénomène jusqu’ici uniquementprédit par la théorie est ainsi confirmé de manière convaincante. On a donc observé ce qui est sans doute le principal processus de formation des éléments chimiques les plus lourds de l’Univers !


  • 2. Soit 120 fois la taille de la pleine Lune dans le ciel.
  • 3. DLT40, VISTA, MASTER, DECam, et Las Cumbres, qui observent comme Swope dans la partie visible du spectre lumineux.
  • 4. Répartition de l’intensité lumineuse en fonction de la longueur d’onde (les différentes couleurs, pour la lumière visible).

Outre la confirmation que les fusions d’étoiles à neutrons produisent des sursauts gamma courts, la première détection non ambiguë d’une kilonova et la preuve que les éléments lourds de l’Univers sont formés lors de ce processus, cet ensemble d’observations permet également de mieux comprendre la physique des étoiles à neutrons et d’éliminer certains modèles théoriques extrêmes. Il permet aussi de mesurer d’une nouvelle manière la constante de Hubble, décrivant la vitesse d’expansion de l’Univers. Ces résultats, qui couvrent des disciplines variées (physique nucléaire, astrophysique, cosmologie, gravitation), illustrent le potentiel d’une astronomie naissante, s’appuyant sur plusieurs types de messagers cosmiques (les ondes gravitationnelles, les ondes électromagnétiques comme la lumière ou les rayons gamma, et peut-être un jour les particules telles que les neutrinos ou les rayons cosmiques). Ils sont détaillés dans une dizaine de publications dont l’une est l’œuvre de plusieurs milliers de chercheurs regroupés en une cinquantaine de collaborations.

La collaboration Ligo-Virgo.

Virgo est un instrument installé près de Pise, construit il y a un quart de siècle par le CNRS en France et l’Istituto Nazionale di Fisica Nucleare (INFN) en Italie. Les chercheurs travaillant sur Virgo sont regroupés au sein de la collaboration du même nom, comprenant plus de 280 physiciens, ingénieurs et techniciens appartenant à 20 laboratoires européens dont 6 au CNRS en France, 8 à l’INFN en Italie et 2 à Nikhef aux Pays-Bas. Les autres laboratoires sont MTA Wigner RCP en Hongrie, le groupe POLGRAW en Pologne, un groupe à l’université de Valence (Espagne) et EGO (European Gravitational Observatory), où est implanté l’interféromètre Advanced Virgo, financé par le CNRS, l’INFN et Nikhef.

Ligo est financé par la NSF, et piloté par Caltech et le MIT, qui ont conçu Ligo et dirigé le projet Ligo initial ainsi que la transition vers des détecteurs de deuxième génération, Advanced Ligo. Le financement du projet Advanced Ligo est assuré par la NSF, avec des contributions importantes de l’Allemagne (Max Planck Gesellschaft), du Royaume-Uni (Science and Technology Facilities Council) et de l’Australie (Australian Research Council). Plus de 1 200 scientifiques du monde entier participent à cet effort au sein de la collaboration Ligo, qui comprend la collaboration GEO et la collaboration australienne OzGrav. Les autres partenaires sont recensés sur la page http://ligo.org/partners.php.

Les publications scientifiques des collaborations Ligo et Virgo annonçant cette observation sont cosignées par 76 scientifiques de six équipes du CNRS et d’universités associées :

  • le laboratoire Astroparticule et cosmologie (CNRS/Université Paris Diderot/CEA/Observatoire de Paris), à Paris ;
  • le laboratoire Astrophysique relativiste, théories, expériences, métrologie, instrumentation, signaux (CNRS/Observatoire de la Côte d’Azur/Université Nice Sophia Antipolis), à Nice ;
  • le Laboratoire de l’accélérateur linéaire (CNRS/Université Paris-Sud), à Orsay ;
  • le Laboratoire d’Annecy de physique des particules (CNRS/Université Savoie Mont Blanc), à Annecy;
  • le Laboratoire Kastler Brossel (CNRS/UPMC/ENS/Collège de France), à Paris ;
  • le Laboratoire des matériaux avancés (CNRS), à Villeurbanne.

La France également impliquée dans la détection des signaux lumineux.

En plus des chercheurs de la collaboration Virgo, environ 160 chercheurs français font partie de collaborations d’astronomes (Antares, DECam, DLT40, ePESSTO, Fermi, GRAWITA, HESS, Integral, OzGrav, Pierre Auger et TZAC) qui sont signataires de la publication résumant l’ensemble des observations, et pour certains d’être eux, de publications plus spécifiques dévoilées aujourd’hui.

Ces chercheurs font partie des laboratoires suivants :

  • laboratoire Astroparticule et cosmologie (CNRS/CEA/Observatoire de Paris/Université Paris Diderot)
  • laboratoire Astrophysique relativiste, théories, expériences, métrologie, instrumentation, signaux
    (CNRS/Observatoire de la Côte d’Azur/Université de Nice Sophia Antipolis)
  • laboratoire Astrophysique, instrumentation, modélisation (CNRS/CEA/Université Paris Diderot)
  • Centre d’études nucléaires de Bordeaux Gradignan (CNRS/Université de Bordeaux)
  • Centre de physique des particules de Marseille (CNRS/Aix-Marseille Université)
  • laboratoire Galaxies, étoiles, physique, instrumentation (CNRS/Observatoire de Paris/Université Paris
    Diderot)
  • laboratoire Géoazur (CNRS/Observatoire de la Côte d’Azur/Université de Nice Sophia Antipolis)
  • Groupe de recherche en physique des hautes énergies de l’Université de Haute-Alsace
  • Institut d’astrophysique de Paris (CNRS/UPMC)
  • Institut de physique nucléaire d’Orsay (CNRS/Université Paris-Sud)
  • Institut de planétologie et d’astrophysique de Grenoble (CNRS/Université de Grenoble Alpes)
  • Institut de recherche en astrophysique et planétologie (CNRS/CNES/Université Toulouse III – Paul
    Sabatier)
  • Institut de recherche sur les lois fondamentales de l’Univers du CEA
  • Institut méditerranéen d’océanographie (CNRS/IRD/Aix-Marseille université/Université de Toulon)
  • Institut pluridisciplinaire Hubert Curien (CNRS/Université de Strasbourg)
  • Laboratoire d’Annecy de physique des particules (CNRS/Université de Savoie Mont-Blanc)
  • Laboratoire d’astrophysique de Marseille (CNRS/Aix-Marseille Université)- Laboratoire de physique de Clermont (CNRS/Université Clermont Auvergne)
  • Laboratoire de physique corpusculaire de Caen (CNRS/Ensicaen/Université de Caen)
  • Laboratoire de physique et chimie de l’environnement et de l’espace (CNRS/Université d’Orléans)
  • Laboratoire physique nucléaire et hautes énergies (CNRS/Université Paris Diderot/UPMC)
  • Laboratoire de physique subatomique et cosmologie (CNRS/Grenoble INP/Université Grenoble Alpes)
  • Laboratoire de physique subatomique et des technologies associées (CNRS/IMT Atlantique/Université
    de Nantes)
  • Laboratoire des sciences de l’information et des systèmes (CNRS/Aix-Marseille Université/Université
    de Toulon)
  • Laboratoire Leprince-Ringuet (CNRS/École polytechnique)
  • Laboratoire physique nucléaire et hautes énergies (CNRS/UPMC/Université Paris Diderot)
  • Laboratoire Univers et particules de Montpellier (CNRS/Université de Montpellier)
  • Laboratoire Univers et théories (CNRS/Observatoire de Paris/Université Paris Diderot)
  • Station de radioastronomie de Nançay (CNRS/Observatoire de Paris/Université d’Orléans)

Un facebook live dans les coulisses de Virgo.
Le 16 octobre 2017 à partir de 18h, « le CNRS fait son live » depuis les coulisses du détecteur Advanced Virgo, situé près de Pise, en Italie.

Vous serez guidés dans les bâtiments de l’observatoire par Nicolas Arnaud, chercheur au CNRS. La physicienne Julia Casanueva Diaz vous fera découvrir la salle de contrôle de l’instrument et Eric Génin, responsable du système laser de Virgo, vous expliquera son fonctionnement.
Pour suivre la visite et poser vos questions en direct aux chercheurs, rendez-vous sur la page Facebook du CNRS.


Bibliographie
GW170817: Observation of gravitational waves from a binary neutron star inspiral, The LIGO Scientific Collaboration & The Virgo Collaboration. Physical Review Letters, 16 octobre 2017. DOI:10.1103/PhysRevLett.119.161101

Multi-messenger Observations of a Binary Neutron Star Merger, The LIGO Scientific Collaboration & The Virgo Collaboration avec une cinquantaine d’autres collaborations. The Astrophysical Journal Letters, 16 octobre 2017. DOI:10.3847/2041-8213/aa91c9.

Gravitational Waves and Gamma Rays from a Binary Neutron Star Merger: GW170817 and GRB 170817A, The LIGO Scientific Collaboration & The Virgo Collaboration avec les collaborations Fermi et INTEGRAL. The Astrophysical Journal Letters, 16 octobre 2017. DOI:10.3847/2041-8213/aa920c.

A standard siren measurement of the Hubble constant with GW170817, The LIGO Scientific Collaboration & The Virgo Collaboration, The 1M2H Collaboration, The Dark Energy Camera GW-EM
Collaboration & the DES Collaboration, The DLT40 Collaboration, The Las Cumbres Observatory Collaboration, The VINROUGE Collaboration & The MASTER Collaboration. Nature, 16 octobre 2017. DOI: 10.1038/nature24471.

Spectroscopic identification of r-process nucleosynthesis in a double neutron star merger, E. Pian, P. D’Avanzo, S. Benetti, M. Branchesi, E. Brocato, S. Campana, E. Cappellaro, S. Covino, V. D’Elia, J. P. U. Fynbo, F. Getman, G. Ghirlanda, G. Ghisellini, A. Grado, G. Greco, J. Hjorth, C. Kouveliotou, A. Levan, L. Limatola, D. Malesani, P. A. Mazzali, A. Melandri, P. Møller, L. Nicastro, E. Palazzi, S. Piranomonte, A. Rossi, O. S. Salafia, J. Selsing, G. Stratta, M. Tanaka, N. R. Tanvir, L. Tomasella, D. Watson, S. Yang, L. Amati, L. A. Antonelli, S. Ascenzi, M. G. Bernardini, M. Boër, F. Bufano, A. Bulgarelli, M. Capaccioli, P. G. Casella, A. J. Castro-Tirado, E. Chassande-Mottin, R. Ciolfi, C. M. Copperwheat, M. Dadina, G. De Cesare, A. Di Paola, Y. Z. Fan, B. Gendre, G. Giuffrida, A. Giunta, L. K. Hunt, G. Israel, Z.-P. Jin, M. Kasliwal, S. Klose, M. Lisi, F. Longo, E. Maiorano, M. Mapelli, N. Masetti, L. Nava, B. Patricelli, D. Perley, A. Pescalli, T. Piran, A. Possenti, L. Pulone, M. Razzano, R. Salvaterra, P. Schipani, M. Spera, A. Stamerra, L. Stella, G. Tagliaferri, V. Testa, E. Troja, M. Turatto, S. D. Vergani, D. Vergani. Nature, 16 octobre 2017. DOI: 10.1038/nature24298.

Au total, plus d’une cinquantaine de publications scientifiques sont actuellement en préparation sur ces observations.
La collaboration Ligo-Virgo promeut l’ouverture de la science à la société et rend accessible les données associées à cette observation sur le site http://www.gw-openscience.org

LES INTERVENANTS

Benoît MoursBenoît Mours est le responsable scientifique français pour Virgo/Advanced Virgo et directeur de recherche au CNRS. Physicien des particules de formation, il s’est intéressé aux ondes gravitationnelles à la fin des années 1980 et a contribué à l’élaboration puis à la construction du détecteur Virgo. Il a notamment été responsable de l’électronique et du software de l’expérience, et a porté de nombreux projets techniques réalisés par le Laboratoire d’Annecy-leVieux de physique des particules (CNRS/Université Savoie Mont Blanc) pour l’instrument. Il contribue également à l’analyse des données pour la recherche en temps réel de signaux provenant de la coalescence de systèmes binaires d’astres compacts (étoiles à neutrons et trous noirs). Il a été porte-parole de la collaboration Virgo pendant la phase de démarrage de l’expérience et a œuvré pour la mise en place en 2007 de l’accord entre Ligo et Virgo pour le partage des données et l’unification des groupes d’analyse et des publications. Il a été le représentant français lors de l’étude préliminaire du « Einstein Telescope ».
Contact : T +33 (0)4 50 09 55 21 l benoit.mours@lapp.in2p3.fr

 

Frédéric DaigneFrédéric Daigne est professeur à l’Université Pierre et Marie Curie (UPMC) et directeur adjoint de l’Institut d’astrophysique de Paris (CNRS/UPMC). Son domaine de recherche est l’astrophysique des hautes énergies. Il est en particulier spécialiste de la modélisation physique des sursauts gamma, les phénomènes lumineux les plus brillants connus dans l’Univers. Il s’intéresse également à l’évolution chimique cosmique, et spécialement au rôle des coalescences d’étoiles à neutrons pour la nucléosynthèse des éléments lourds. Il est responsable scientifique du programme principal du futur satellite SVOM, qui sera lancé fin 2021 dans l’objectif d’étudier les sursauts gamma et plus généralement le ciel variable dans le contexte de l’astronomie à plusieurs messagers (ondes gravitationnelles et lumière en particulier).
Contact : T +33 (0)1 44 32 81 89 l daigne@iap.fr

 

Marie-Anne Bizouard.jpgMarie-Anne Bizouard est chargée de recherche au CNRS. Apres une thèse en physique des particules, elle s’est intéressée aux ondes gravitationnelles en rejoignant le groupe Virgo du Laboratoire de l’accélérateur linéaire (CNRS/Université Paris-Sud), à Orsay, en 1998. Après quelques années de travail sur la mise en route du détecteur Virgo, Marie-Anne s’est concentrée sur l’analyse des données du réseau Ligo-Virgo et sur la compréhension des données du détecteur Virgo. Son principal sujet d’analyse est la recherche des ondes gravitationnelles transitoires telles que celles émises par la fusion de deux objets compacts ou celles émises lors de phénomènes d’accrétion de matière par un trou noir. Elle a été responsable de la physique dans la collaboration Virgo et est actuellement co-responsable du groupe d’analyse des sources transitoires avec des méthodes de traitement du signal qui ne font pas appel à la forme exacte du signal.
Contact : T 01 64 46 89 15 l mabizoua@lal.in2p3.fr

 

Luc BlanchetLuc Blanchet est directeur de recherche au CNRS (en section « physique théorique »).
Spécialiste de la relativité générale, il travaille, à l’Institut d’astrophysique de Paris (CNRS/UPMC), sur la théorie des ondes gravitationnelles et les méthodes d’approximations telles que le développement « post-newtonien » de la relativité générale. Depuis les années 1980, il a développé un formalisme qui permet de calculer avec grande précision les équations du mouvement et le champ d’ondes gravitationnelles émis par les systèmes binaires d’objets compacts tels que les étoiles à neutrons ou les trous noirs. Les résultats de ces calculs jouent un rôle crucial dans l’analyse du signal et l’interprétation physique des événements d’ondes gravitationnelles détectés par la collaboration LigoVirgo. En particulier, ils permettent de détecter les événements d’ondes gravitationnelles grâce à la corrélation avec le patron d’onde qui résulte des calculs théoriques. Luc Blanchet s’intéresse aussi à des problèmes liés à la matière noire en cosmologie, et aux tests expérimentaux de la relativité et du principe d’équivalence. Il a été président du groupe de physique fondamentale du CNES et est membre correspondant du Bureau des longitudes.
Contact : T 01 44 32 81 77 l blanchet@iap.fr

Nelson Christensen est directeur de recherche au CNRS et dirige le laboratoire Artemis (CNRS/Observatoire de la Côte d’Azur/Université Nice Sophia Antipolis). Il est impliqué dans les efforts de détection des ondes gravitationnelles depuis 1983. Depuis 2016, dirige l’équipe Virgo d’Artemis qui installera un nouveau système laser de haute puissance pour Advanced Virgo. Au sein de la collaboration Ligo-Virgo, il analyse les données à la recherche d’un fond stochastique d’ondes gravitationnelles, d’origine cosmologique ou astrophysique. Il a été, pendant plusieurs années, coresponsable du groupe d’analyse commun à Ligo et Virgo pour la recherche de ces signaux. Il collabore également avec Fermi GBM, détecteur de rayons gamma, pour la recherche de signaux simultanés d’ondes gravitationnelles et de rayons gamma. Il est également membre du consortium LISA-France, contribuant à la mise en orbite d’un détecteur d’ondes gravitationnelles dans l’espace à l’horizon 2030.
Contact : T 04 92 00 31 66 l nelson.christensen@oca.eu

Pierre-François Cohadon est enseignant à l’École normale supérieure (ENS) et effectue ses recherches dans l’équipe « Optomécanique et mesures quantiques » du Laboratoire Kastler Brossel (ENS/CNRS/UPMC/Collège de France). Celles-ci portent sur le couplage, créé par la pression de radiation, entre la lumière laser et le mouvement d’un miroir sur lequel elle se réfléchit. Combiné à la nature quantique de la lumière, ce couplage est responsable de limites fondamentales qui devraient prochainement limiter la sensibilité des interféromètres gravitationnels. Il étudie ces limites sur des expériences de démonstration et travaille sur une source de lumière comprimée capable de les contourner. Il dirige le Groupement de recherche « Opto-mécanique et nanomécanique quantiques » et il est l’un des organisateurs de la session « ondes gravitationnelles » de l’École de physique des Houches en 2018.
Contact : T 01 44 27 44 09 l cohadon@lkb.upmc.fr

Mathieu de Naurois, directeur de recherche au CNRS, est spécialiste de l’astronomie gamma de très haute énergie. Il mène ses recherches au Laboratoire Leprince-Ringuet (CNRS/École polytechnique). Ses activités ont porté sur le démarrage et l’exploitation du réseau de télescopes à effet Cherenkov atmosphérique H.E.S.S., situé en Namibie, pour lequel il a contribué au système de contrôle des télescopes, à la simulation des cascades induites par les rayons gamma dans l’atmosphère, à la reconstruction et à l’analyse des événements. Il a participé à la mise en évidence de l’émission gamma de nombreux objets célestes, tels que des systèmes binaires, des galaxies à flambées d’étoiles ou des restes de supernova. Directeur de la collaboration H.E.S.S. depuis début 2016, il est aussi membre de la collaboration Cherenkov Telescope Array (CTA) qui prendra la relève de H.E.S.S.
Contact : T 01 69 33 55 97 l denauroi@in2p3.fr

Olivier La Marle est responsable du programme « astronomie-astrophysique » au CNES. Ingénieur de formation, il a tenu depuis 1996 divers postes dans le domaine de l’aéronautique et du spatial dans l’industrie avant de rejoindre le CNES en 2001. Il y a participé à plusieurs projets spatiaux dans le domaine de l’observation de la Terre et de l’astronomie. Depuis 2008, au sein d’une équipe en charge des sciences de l’univers, il coordonne la préparation, le montage et le suivi des projets spatiaux d’astronomie-astrophysique auxquels participe le CNES en partenariat avec les organismes de recherche nationaux tels que le CNRS et le CEA. Ces projets incluent notamment le James Webb Space Telescope, Euclid, SVOM, Gaia, XMM, Integral ou encore Fermi.
Contact : olivier.lamarle@cnes.fr

Philippe Laurent est ingénieur-chercheur du CEA au sein de l’Irfu. Ses recherches portent sur l’observation en lumière gamma de l’environnement des trous noirs dans les systèmes doubles d’étoiles. Pour ce faire, il a modélisé le transfert de rayonnement en relativité générale, aux alentours de l’horizon d’un trou noir. Depuis 1995, il travaille aussi sur le télescope Integral. Ses activités ont porté sur la simulation de l’instrument, son étalonnage, et l’analyse des données, en particulier en lien à la mesure de la polarisation de la lumière gamma. Il est actuellement le co-responsable de l’instrument Ibis d’Integral et, depuis 2015, a supervisé le développement des logiciels de suivi par Integral des événements transitoires, comme les sursauts gamma ou les ondes gravitationnelles.
Contact : T 01 69 08 61 40 l plaurent@cea.fr

Susanna Diana Vergani est chargée de recherche au CNRS. Son travail de recherche, réalisé au sein du laboratoire Galaxies, étoiles, physique, instrumentation (CNRS/Observatoire de Paris/Université Paris Diderot) porte sur les sursauts gamma et sur leur utilisation pour étudier l’Univers lointain. Elle a en particulier obtenu la première détection du pic optique d’une rémanence de sursaut gamma, dont on peut déduire directement la vitesse ultra-relativiste de l’éjecta responsable de l’émission. Pour sa recherche actuelle, elle utilise les données du VLT de l’ESO pour étudier les galaxies hôtes des sursauts gamma afin d’obtenir des informations sur leurs astres parents et pour étudier la formation stellaire jusqu’à très grande distance. Elle fait partie des collaborations internationales GRAWITA (pour la recherche des contreparties électromagnétiques des ondes gravitationnelles) et ePESSTO (pour la caractérisation des objets transitoires). Elle participe aussi à la préparation de la mission SVOM.
Contact : susanna.vergani@obspm.fr

PREMIÈRE OBSERVATION DE LA FUSION DE DEUX ÉTOILES À NEUTRONS

Dans un article5 publié aujourd’hui par la revue Physical Review Letters, les scientifiques de la collaboration LigoVirgo présentent la première observation d’ondes gravitationnelles émises lors la fusion de deux étoiles à neutrons.

Cette observation, réalisée le 17 août 2017 avec le réseau de trois détecteurs d’ondes gravitationnelles Ligo-Virgo, est sans ambiguïté, le plus fort de toutes les observations d’ondes gravitationnelles réalisées jusqu’à présent.

Le signal est suffisamment intense pour être facilement visualisable. La figure ci-contre présente pour les trois détecteurs le signal (en vert-jaune), en fonction de la fréquence (axe vertical) pour les 30 secondes précédant la collision des deux objets (axe horizontal). Le signal, particulièrement visible pour Ligo-Livingston, dessine une trace qui se déplace vers les hautes fréquences au cours du temps.

Ce signal, bien plus long que dans le cas de la fusion de trous noirs (une centaine de secondes contre une fraction de seconde), montre que les deux objets qui finissent par fusionner sont beaucoup plus légers. La fréquence du signal révèle que ces objets tournent vite l’un autour de l’autre et sont donc très compacts. Le fait que des signaux lumineux soient observés exclut l’hypothèse de deux trous noirs légers. Une analyse plus poussée des données conclut à la présence de deux étoiles à neutrons, de masses comprises entre 1,17 et 1,60 fois celle du Soleil.

Le signal d’ondes gravitationnelles est très visible dans les données de l’instrument Ligo-Livingston, un peu moins dans les données de Ligo-Hanford. Il n’est pas visible dans les données de Virgo compte tenu de la sensibilité de Virgo et de la position de la source qui se trouvait dans une zone du ciel peu favorable pour le détecteur Virgo à ce moment-là – une sorte d’angle mort. Cependant, ce fait même est essentiel pour localiser finement la position dans le ciel de la source d’ondes gravitationnelles : il a permis de restreindre la zone diffusée aux astronomes de 190 degrés carrés à 31 degrés carrés, ce qui est la localisation la plus précise de toutes les sources d’ondes gravitationnelles détectées à ce jour.

UNE NOUVELLE ASTRONOMIE, « MULTI-MESSAGERS »

Pour la première fois, un objet astrophysique est observé en associant les ondes gravitationnelles et la lumière qu’il émet.
La publication qui comporte le plus grand nombre d’auteurs, publiée dans la revue Astrophysical Journal Letters6, est cosignée par les scientifiques de la collaboration Ligo-Virgo et par une cinquantaine d’autres groupes ayant mené des observations avec des instruments au sol ou spatiaux.

La collaboration Ligo-Virgo a en effet des accords de partage d’information avec près de 90 groupes à même de scruter le ciel avec différents types d’instruments. Les échanges se font via des « circulaires GCN »7 qui sont confidentielles tant que le travail d’analyse n’est pas conclu. Près de 200 circulaires ont été échangées suite à cette détection d’ondes gravitationnelles. Elles sont rendues publiques aujourd’hui.

La figure ci-contre résume les observations ayant permis la localisation de la source. Les données provenant des détecteurs d’ondes gravitationnelles Ligo et Virgo sont en vert (vert pâle pour Ligo uniquement, vert soutenu en ajoutant les informations du détecteur Virgo). Celles des détecteurs de rayons gamma en bleu (en bleu soutenu pour FermiGBM et bleu pâle en utilisant la différence de temps d’arrivée des signaux de Fermi et d’Integral). L’encart supérieur montre la galaxie hôte (NGC 4993), ainsi que la première image de la source d’ondes gravitationnelles, prise par le télescope Swope 10,9 heures après la fusion des deux étoiles à neutrons (ce point, en haut à gauche de NGC 4993, n’est pas présent dans l’image du bas, 20,5 jours avant la fusion).

La figure page suivante résume la chronologie des multiples observations effectuées pour cette fusion de deux étoiles à neutrons. Deux types d’informations sont présentés pour chaque groupe de « messagers », ou bande de fréquence électromagnétique (le nom des instruments et des groupes est reporté au début de chaque zone). Les barres verticales des zones ombrées représentent les temps auxquels les informations ont été communiquées via les circulaires GCN. Les cercles colorés généralement suivis de lignes horizontales indiquent les moments pendant lesquels la source a été détectée par au moins un instrument. Les encarts supérieurs fournissent des images des observations des ondes gravitationnelles par Ligo-Virgo, du sursaut gamma par les satellites Fermi (Nasa) et Integral (ESA) et des premiers spectres de la lumière émise par la source. Les encarts du bas montrent des images des six premières observations optiques, ainsi que la première observation en rayons X par le satellite Chandra (Nasa) et en ondes radio par le Very Large Array de la NRAO.

  • 6. “Multi-messenger Observations of a Binary Neutron Star Merger” http://dx.doi.org/10.1038/nature24471
  • 7. Le « Gamma-ray burst Coordinates Network », ou GCN, est un réseau qui distribue des informations sur la localisation des sursauts gamma. Son usage est étendu à d’autres instruments qui ont besoin de distribuer rapidement des informations sur des événements transitoires.

Les détecteurs de neutrinos ont également participé à cette recherche d’information. Dans un article à paraître dans la revue Astrophysical Journal Letters8, les scientifiques de la collaboration Ligo-Virgo ainsi que ceux des collaborations Antares, IceCube et Pierre Auger présentent le résultat de cette recherche qui n’a pu mettre en évidence de neutrinos concomitants aux ondes gravitationnelles, ni de neutrinos de haute énergie en provenance de la galaxie hôte au cours des 14 jours qui ont suivi cet événement.

  • 8. « Search for High-energy Neutrinos from Binary Neutron Star Merger GW170817

L’ORIGINE DES SURSAUTS GAMMA COURTS
L’observation quasi-simultanée d’ondes gravitationnelles provenant de la fusion d’objets compacts ayant une à deux fois la masse du Soleil et d’un sursaut gamma apporte la confirmation spectaculaire que la fusion d’étoiles à neutrons est bien la source de sursauts gamma courts.

L’analyse détaillée publiée aujourd’hui dans la revue Astrophysical Journal Letters9 par les scientifiques des collaborations Ligo-Virgo, Fermi-GBM et Integral, montre que la probabilité que la concordance des événements soit fortuite est d’un sur 20 millions. C’est une double concordance, à la fois dans l’espace et dans le temps. En effet, la zone de recherche déduite des ondes gravitationnelle est contenue dans celle déduite des observations de rayons gamma, qui pourtant ne couvre que 3 % du ciel. D’autre part, les deux événements se produisent en moins de deux secondes alors qu’un sursaut gamma court n’est observé en moyenne qu’une fois par semaine.

La figure ci-contre présente en fonction du temps le signal d’ondes gravitationnelles (courbe du bas) et les signaux observés par les deux détecteurs de rayons gamma. Alors qu’ils ont voyagé pendant 130 millions d’années, les deux types de signaux arrivent presque en même temps, séparés seulement par 1,74 seconde. Cela permet de confirmer que les ondes gravitationnelles se propagent effectivement à la vitesse de la lumière comme Albert Einstein l’avait prédit.

Cette faible différence de temps d’arrivée est aussi un nouveau test du principe d’équivalence qui stipule que les interactions gravitationnelles et électromagnétiques sont affectées de la même manière par un champ de gravitation (ici, le champ de gravitation de notre Galaxie). Ce nouveau résultat est 20 fois plus sensible que le meilleur résultat précédent, obtenu avec la sonde Cassini.

Ce sursaut gamma est le plus proche sursaut gamma court jamais détecté, parmi ceux dont la distance est connue. Son intensité est pourtant plus faible qu’attendu. Les futures observations d’autres événements de ce type, qui pourraient survenir jusqu’à une fois par an, devraient apporter des éléments d’explication.

LES KILONOVAE ET L’ABONDANCE DES ÉLÉMENTS LOURDS
Les scientifiques qui ont pointé leurs télescopes vers la zone où s’était produite la fusion d’étoiles à neutrons ont observé un astre dont la couleur et la luminosité ont évolué rapidement au cours des 12 jours suivant la détection d’ondes gravitationnelles, passant du bleu au rouge plus vite qu’aucun autre type d’explosion stellaire (comme les supernovae). On pensait que la fusion de deux étoiles à neutrons donnait lieu à une explosion appelée kilonova (moins brillante et plus brève que les supernovae) et c’est bien ce qui semble avoir été observé.

Dans une publication soumise à la revue Astrophysical Journal Letters10, les scientifiques de la collaboration LigoVirgo décrivent leurs estimations de la quantité de matière éjectée par cette explosion. Ces estimations reposent sur l’analyse des ondes gravitationnelles, l’utilisation de modèles théoriques, ainsi que des hypothèses sur les propriétés de la matière qui constitue les étoiles à neutrons et de paramètres tels que la vitesse de rotation initiale des étoiles à neutrons sur elles-mêmes. La quantité calculée de matière éjectée se situe entre 0,1 % et 1 % de la masse du Soleil.

Dans une publication qui parait dans Nature (Pian et al.)11, des astronomes parviennent de manière indépendante aux mêmes conclusions. Ils utilisent le spectre de la lumière visible et proche infrarouge émise par la kilonova, mesuré à différents intervalles après la détection d’ondes gravitationnelles, allant de 1 à 10 jours. Ces spectres ont été mesurés par plusieurs instruments, et en particulier des spectrographes installés au Very large telescope (VLT) de l’ESO. En comparant des modèles théoriques et les spectres observés, ils calculent une masse éjectée qui vaut 3 à 5 % de celle du Soleil.

Cette observation d’une kilonova représente une avancée majeure pour la compréhension de l’origine dans l’Univers des éléments chimiques les plus lourds. Celle des éléments du carbone au groupe du fer est bien connue : ils sont synthétisés par les étoiles. En revanche, le site astrophysique de la nucléosynthèse des éléments plus lourds reste en partie une énigme. Il s’agit des éléments chimiques allant de l’arsenic au bismuth, en passant par l’argent, le platine ou l’or. Pour les produire, il faut des conditions très particulières permettant la capture de neutrons par des noyaux, qui grossissent alors.

Il existe une catégorie d’étoiles dans lesquelles ces captures ont lieu : les étoiles dites de la branche asymptotique des géantes (étoiles AGB). Le processus y est cependant trop lent pour permettre la synthèse de tous les éléments lourds. Il y a donc nécessairement un autre site astrophysique dans lequel les captures de neutrons sont beaucoup plus rapides. Deux candidats existent : les supernovae, explosions qui se produisent à la fin de vie des étoiles massives, et les coalescences d’étoiles à neutrons. L’événement du mois d’août 2017 donne des arguments très forts en faveur de cette seconde hypothèse.

En effet, plusieurs groupes, montrent que les observations photométriques et spectroscopiques de la kilonova sont en très bon accord avec les modèles théoriques selon lesquels l’éjecta identifié est chauffé par la radioactivité des éléments lourds fraîchement synthétisés et rayonne pour se refroidir, comme indiqué par son évolution du bleu au rouge. En particulier, Pian et al. montrent que les observations favorisent la présence d’éléments lourds appartenant à une famille de terres rares, les lanthanides. Dans un autre article publié dans Nature12, Smartt et al. identifient dans un spectre de la kilonova, obtenu avec l’instrument X-shooter au VLT, la signature de l’absorption par deux éléments lourds, le tellure et le césium.

L’image ci-contre montre l’évolution du spectre de la kilonova suite à la détection du 17 août 2017.

Ces spectres ont été obtenus avec l’instrument X-shooter au VLT par les collaborations GRAWITA (Piran et al. 2017) et ePESSTO (Smartt et al. 2017).

Le numéro indiqué à côté de chaque spectre correspond au nombre de jours écoulés. L’axe horizontal représente la longueur d’ondes, qui va du bleu (0,5 micron, à gauche) à l’infrarouge proche (à droite, au-delà de 0,7 micron). L’axe vertical représente l’intensité lumineuse. Cette succession de spectres montre très bien le refroidissement rapide de la kilonova, puisque l’intensité diminue et que le pic du spectre se déplace progressivement du bleu vers le rouge, ce qui indique une diminution de la température.

C’est en particulier dans le spectre à 2.5 jours que la collaboration ePESSTO détecte la signature spectrale de l’absorption par deux éléments lourds, le césium et le tellure.

On a donc observé certains éléments lourds nouvellement formés dans une kilonova. En combinant une estimation des quantités produites et l’estimation de la fréquence des fusions d’étoiles à neutrons (déduite de cette première observation), l’abondance d’éléments lourds prédite dans l’Univers proche correspond bien aux abondances mesurées. Ce qui était envisagé par la théorie depuis une trentaine d’années est donc à présent confirmé.

UNE MESURE INDÉPENDANTE DE LA VITESSE D’EXPANSION ET DE L’ÂGE DE L’UNIVERS
Dans une publication qui parait aujourd’hui dans la revue Nature13, les scientifiques de la collaboration Ligo-Virgo ainsi que six groupes d’astronomes14 présentent une toute nouvelle mesure de la vitesse d’expansion de l’Univers.

Depuis 1929 et les travaux d’Edwin Hubble, nous savons que plus les galaxies se trouvent loin de nous, plus elles
s’éloignent avec une vitesse élevée. C’est une manifestation de l’expansion de l’Univers, qui est quantifiée par un
chiffre appelé constante de Hubble. La conséquence cette expansion est que, dans le passé, l’Univers était infiniment plus dense, un moment que l’on désigne sous le terme Big Bang. Mesurer la constante de Hubble revient donc à mesurer l’âge de l’Univers.

La constante de Hubble est le rapport entre la vitesse à laquelle s’éloigne une galaxie – mesurée en km/s par effet
doppler, grâce à son décalage vers le rouge, et corrigée des perturbations locales – et la distance à laquelle se trouve la galaxie, mesurée en mégaparsec (1 Mpc = 3,26 millions d’années-lumière). Classiquement, la mesure des
distances en astronomie n’est pas directe, mais se fait par étapes. Lorsqu’on cherche à mesurer les distances des
galaxies, les incertitudes de ces étapes se cumulent, rendant la mesure de la constante de Hubble difficile. De
manière indépendante, la constante de Hubble peut aussi être déterminée en analysant les données du fonds diffus
cosmologique (la plus ancienne lumière émise dans l’Univers), observé par exemple avec le satellite Planck de l’ESA.

Les ondes gravitationnelles offrent une toute nouvelle méthode, car elles fournissent une mesure indépendante et
directe de la distance de la source. Ainsi, La forme du signal d’ondes gravitationnelles donne accès aux masses des
objets mis en jeu, ce qui permet de calculer l’intensité attendue du signal ; une comparaison avec l’intensité mesurée donne la distance de la source.

La figure ci-contre présente le résultat obtenu. Selon cette méthode, la valeur la plus probable pour la constante de Hubble est de 70 km/s/Mpc. En tenant compte des incertitudes de la mesure, les valeurs possibles sont distribuées selon la courbe bleue (les traits pointillés fins délimitent l’intervalle à 68 % de confiance, encore appelé 1 sigma, les pointillés épais l’intervalle à 95 % de confiance, dit 2 sigmas). La bande verte montre les résultats obtenus par le satellite Planck, la courbe orange ceux obtenu par des moyens astronomiques classiques (les deux niveaux de couleur correspondant à un et deux sigmas). Ces deux valeurs ne sont pas tout à fait compatibles entre elles mais, pour le moment, la mesure faite avec les ondes gravitationnelles ne permet pas de les départager. Cette mesure obtenue avec un seul événement montre cependant le potentiel de la méthode. Sa précision devrait être améliorée par l’observation de nouvelles fusions d’étoiles à neutrons.

  • 13. “A standard siren measurement of the Hubble constant with GW170817” http://dx.doi.org/10.1038/nature24471
  • 14. 1M2H Collaboration, Dark Energy Camera GW-EM Collaboration & DES Collaboration, DLT40 Collaboration, Las Cumbres Observatory Collaboration, VINROUGE Collaboration & MASTER Collaboration

VIRGO ET LIGO : UN RÉSEAU MONDIAL POUR L’ASTRONOMIE GRAVITATIONNELLE
Un nécessaire travail en réseau.
Un détecteur d’ondes gravitationnelles est sensible aux ondes arrivant de presque toutes les directions, et ne peut pas, seul, indiquer d’où provient un signal observé à un moment donné. En effet, les ondes gravitationnelles, interagissant très faiblement avec la matière, traversent la Terre sans perturbation. Mais de ce fait, elles sont aussi observables partout sur Terre, quasi-simultanément. La comparaison des temps d’arrivée des signaux et de leurs caractéristiques renseigne sur la position de la source dans le ciel. Cette position, déterminable de manière relativement grossière avec deux instruments, s’améliore significativement avec un troisième instrument. De plus, l’orientation différente du détecteur Virgo par rapport aux détecteurs Ligo apporte des informations supplémentaires permettant de mieux évaluer la distance de la source.

Depuis le démarrage de Virgo en 2007, les collaborations Ligo et Virgo ont passé un accord pour mettre en commun et analyser ensemble les données de leurs instruments. Les résultats sont publiés conjointement, les articles scientifiques étant signés par plus d’un millier d’auteurs (dont environ soixante-quinze en France). Cette collaboration très étroite pour l’exploitation des instruments Ligo et Virgo complète une collaboration technique plus informelle et plus ancienne.

Le réseau devrait s’étendre avec la mise en service du détecteur Kagra au Japon à l’horizon 2020 et du détecteur Ligo-India vers 2024.

Comment fonctionne un détecteur d’ondes gravitationnelles ?
Les ondes gravitationnelles déforment l’espace qu’elles traversent. Cela signifie qu’au passage d’une onde gravitationnelle, la distance qui sépare deux objets va osciller de manière minime. Ces déformations ne se produisent pas dans toutes les directions de la même manière. En fait, l’espace est « étiré » dans une direction et « raccourci » dans une autre direction (perpendiculaire à la première).

Pour détecter les ondes gravitationnelles sur Terre, il faut donc pouvoir comparer deux distances, chose qu’un interféromètre fait à merveille. Dans l’interféromètre Advanced Virgo, la lumière d’un laser ultrastable est séparée en deux par un miroir semi-réfléchissant. Chacun de ces deux faisceaux parcourt, sous vide, une distance de 3 km dans des directions perpendiculaires (que l’on appelle communément des « bras » de l’interféromètre) jusqu’à un miroir qui renvoie la lumière vers le point de départ. A cet endroit, les deux faisceaux se recombinent. L’intensité du faisceau laser recombiné dépend des variations de longueur d’un bras par rapport à l’autre ; sa mesure porte donc la signature de l’onde gravitationnelle.

De gauche à droite : les deux détecteurs LIGO (à Hanford et Livingston, États-Unis) et le détecteur Virgo (Cascina, Italie). © LIGO Laboratory & Virgo / N. Baldocchi

LA COLLABORATION VIRGO ET LE CONSORTIUM EGO
Plusieurs équipes françaises et italiennes se sont associées pour réaliser, faire fonctionner et exploiter les données de l’interféromètre Virgo puis Advanced Virgo. Au fil du temps, leur nombre a augmenté et elles ont aussi été rejointes par des scientifiques néerlandais puis polonais, hongrois, et enfin espagnols. Actuellement, la collaboration Virgo compte environ 280 personnes de 20 équipes, dont environ une centaine de personnes en France réparties dans six laboratoires, tous associés au CNRS (détails disponibles en ligne [pdf]).

D’AUTRES COLLABORATIONS IMPLIQUÉES DANS CES RÉSULTATS HESS.
H.E.S.S. (High Energy Stereoscopic System) est un réseau de télescopes à effet Tcherenkov implanté à 1800 m d’altitude sur un plateau désertique de Namibie, qui étudie les rayons gamma cosmiques allant de 50 GeV à environ
100 TeV. Avec quatre télescopes de 13 m de diamètre et un de 28 m, c’est le détecteur de rayons gammas cosmiques de très haute énergie le plus sensible au monde. Exploité par une collaboration internationale de plus de 260 scientifiques de 13 pays (Namibie, Afrique du Sud, Allemagne, France, Royaume-Uni, Irlande, Autriche, Pays-Bas, Pologne, Suède, Arménie, Japon et Australie), H.E.S.S. implique en France le CNRS et le CEA. Il est utilisé pour la recherche en astrophysique des hautes énergies, notamment les mécanismes d’émissions des sources galactiques et extragalactiques, et la cartographie à haute résolution spatiale du ciel austral. La prochaine grande expérience dans le domaine sera le réseau CTA dont la construction est prévue en 2018.

À la suite de l’alerte émise par Ligo-Virgo, H.E.S.S. a identifié les régions ayant une probabilité importante de comporter une contrepartie électromagnétique à la fusion d’étoiles à neutrons. La première région identifiée et observée contenait la galaxie NGC 4993 qui s’est révélée par la suite héberger la contrepartie identifiée en optique, puis en ondes radio et rayons X, ainsi que le signal gamma enregistré par Fermi-GBM. H.E.S.S. a ainsi été le premier télescope au sol à observer la région où s’était produite la fusion d’étoiles à neutrons. Les mesures effectuées pendant environ 5 jours n’ont pas révélé d’émission gamma au-delà de ~ 200 GeV, ce qui permis de mettre des contraintes sur l’émission non thermique à très haute énergie d’une fusion d’étoiles à neutrons.15

Integral
Integral (INTErnational Gamma-Ray Astrophysics Laboratory) est un satellite de l’ESA lancé en octobre 2002 et dont la mission a été prolongée jusqu’à fin 2018. Il est équipé de télescopes aptes à mesurer les photons gamma de moyenne énergie (20 keV – 10 MeV) émis par les phénomènes violents de l’Univers. Ses objectifs scientifiques concernent deux grands thèmes de recherche : l’étude des objets compacts et de leur environnement, et celle de l’accélération des particules. Fruit d’une coopération entre huit pays européens (Allemagne, Belgique, Espagne, France, Italie, Pologne, République tchèque, Royaume-Uni), les Etats-Unis et la Russie, Integral implique, en France, le CEA, le CNRS et le CNES.

Depuis 2015, Integral fait partie du réseau d’alerte des ondes gravitationnelles détectées par Ligo-Virgo. Dans ce cadre, les scientifiques cherchent à mesurer le rayonnement électromagnétique associé à la fusion de sources compactes, dans le domaine des rayons gamma. Dans ce cadre, Integral a mesuré son premier signal positif le 17 août 2017 moins de deux secondes après la détection d’ondes gravitationnelles.

La flotte de télescopes de l’ESO au Chili mobilisée
Le soir même de la détection des ondes gravitationnelles par le réseau Ligo-Virgo, l’ESO a lancé l’une des plus importantes campagnes d’observation qui soit. De nombreux télescopes de l’ESO et partenaires de l’ESO ont ainsi suivi l’objet des semaines durant après sa détection. A l’observatoire de Paranal, le VLT (Very Large Telescope), le VST (VLT Survey Telescope) et VISTA (Visible and Infrared Survey Telescope for Astronomy) ont observé le phénomène. À l’Observatoire de La Silla, le NTT (New Technology Telescope), le télescope MPG/ESO de 2,2 mètres et le télescope italien REM (Rapid Eye Mount) ont également été mobilisés. Enfin, ALMA (Atacama Large Millimeter/submillimeter Array) a lui aussi participé à cette campagne d’observation inédite. Des chercheurs du CNRS et du CEA membres des collaborations DECam, ePESSTO et GRAWITA ont participé à ces observations.

  • 15.  “TeV gamma-ray observations of the binary neutron star merger GW170817 with H.E.S.S.”

Grâce à la richesse et à la diversité de ses télescopes et de ses instruments – mis à disposition des projets astronomiques les plus ambitieux et les plus complexes – l’ESO a donc pu observer l’événement ainsi que ses conséquences sur une vaste gamme de longueurs d’onde. Les données recueillies ont de fait mis au jour des propriétés remarquablement proches des prévisions théoriques.

D’autres collaborations ayant participé aux observations comprennent aussi des scientifiques français : Antares et Pierre Auger pour la recherche de neutrinos (voir page 17), DLT40 (Cf. note 10), Fermi-LAT, OzGrav, et TZAC.

Author: Redaction