Mars bleu est le mois consacré à la mobilisation contre le cancer colorectal. À cette occasion, l’Association pour la Recherche sur le Cancer (ARC) fait le point sur les enjeux et les espoirs de la recherche sur les cancers colorectaux. Elle finance en effet de nombreux travaux de recherche visant à mieux prévenir, mieux diagnostiquer et mieux soigner les cancers colorectaux.
On estime à 40 500 les nouveaux cas de cancer colorectal en France en 2011 et à 17 500 le nombre de décès associés à cette maladie. Le cancer colorectal, qui se situe au 2ème rang des causes de décès par cancer chez les hommes comme chez les femmes, constitue un véritable enjeu de santé publique. L’association a consacré plus de 22,4 millions d’euros ces 5 dernières années au financement de 397 projets liés à cette thématique.
Mieux prévenir les cancers colorectaux.
Aujourd’hui, le nombre de cancers qu’il serait globalement possible d’éviter grâce à une meilleure prévention est évalué entre 10 et 15 %. En ce qui concerne les cancers colorectaux, certains facteurs de risques ont déjà été identifiés. Ainsi le surpoids et l’obésité, la consommation de boissons alcoolisées et l’excès de viande rouges et de charcuteries sont des facteurs qui multiplient les risques de cancers colorectaux. Il existe pour autant d’autres facteurs susceptibles de jouer un rôle dans l’apparition de ces cancers, qu’il est nécessaire d’identifier. C’est l’un des axes de recherche soutenu par l’ARC.
A titre d’exemple, l’association vient de voter le financement d’un projet porté par le Dr Françoise Clavel-Chapelon (Inserm, Institut Gustave Roussy) sur les liens entre acides gras et cancers colorectaux. Ses travaux étudient la relation entre profils alimentaires, biomarqueurs de l’exposition aux acides gras d’origine alimentaire et métabolique et le risque de cancer colorectal dans la cohorte française E3N. Les résultats obtenus pourront aboutir à des propositions plus ciblées en termes de recommandations nutritionnelles. L’objectif est que chacun puisse ajuster son comportement pour se prémunir du cancer colorectal.
En dehors des facteurs comportementaux, plusieurs études menées récemment ont suggéré que des bactéries joueraient un rôle dans la survenue de certains cancers du côlon. Une des pistes de recherche pour prévenir ce cancer, consiste à identifier ces agents infectieux. Il serait alors possible d’envisager de bloquer leur action. L’ARC finance des travaux portant sur cette thématique. Le Dr Jean-Philippe Nougayrède (Inserm/INRA Toulouse) a découvert qu’une bactérie, communément retrouvée dans la flore intestinale, pourrait augmenter le risque de cancer du côlon. Dès notre naissance, notre intestin est colonisé par des bactéries. Les plus connues sont les Escherichia coli. Elles sont généralement inoffensives, voire bénéfiques au fonctionnement de notre organisme.
Toutefois, certaines souches de Escherichia coli possèdent des particularités génétiques qui les conduisent à produire des toxines. L’équipe Pathogénie moléculaire des infections à E. coli a étudié l’action d’une de ces toxines, la colibactine. Il est apparu que cette substance produit d’importants dégâts dans l’ADN des cellules du côlon, semblables à ceux induits par des rayonnements radioactifs. Ce type de lésion de l’ADN pouvant constituer la première étape du processus qui conduit à la transformation de cellules saines en cellules cancéreuses.
Si les travaux en cours venaient à confirmer cette hypothèse, la mise au point la mise au point de nouvelles méthodes préventives destinées à éviter la colonisation de l’intestin par ces bactéries pourrait même être envisagée.
Améliorer le diagnostic et le suivi de la maladie.
Une autre étape importante pour mieux combattre la maladie consiste à améliorer les techniques de diagnostic et de suivi des patients. C’est aussi un des axes de recherche en cancérologie que l’ARC soutient.
Elle finance, par exemple un projet mené par le Pr Pierre Laurent-Puig (Inserm – Université Paris V) dont l’objectif est de préciser un diagnostic de cancer et évaluer le pronostic de la maladie à partir d’un simple échantillon de sang. Le chercheur et son équipe travaillent à la mise point d’une méthode qui permettrait de connaître les caractéristiques moléculaires précises d’une tumeur en étudiant les traces qu’elle laisse dans le sang des patients. Si les résultats de cette étude sont positifs, cette méthode pourrait entraîner une amélioration significative de la prise en charge des malades. Il serait en effet possible d’identifier les patients les plus à risque dès le moment du diagnostic, puis de détecter les éventuelles récidives à des stades très précoces. Les traitements seraient alors adaptés à la situation, afin de donner aux patients les meilleures chances face à la maladie.
Comme pour de nombreux cancers, un diagnostic précoce participe à une meilleure prise en charge des patients atteints de cancers colorectaux. Ainsi, lorsqu’il est détecté à un stade précoce, le taux de survie à 5 ans après le diagnostic dépasse les 90%.
Il est donc nécessaire de financer des recherches ayant pour objet de détecter les cancers plus tôt. Ainsi l’ARC soutient un projet visant à mettre au point un nouveau procédé d’imagerie médicale pour détecter de nombreux cancers plus tôt et notamment celui du côlon.
Des travaux récents ont identifié la présence, en plus grande quantité, d’une protéine (FSH-R) à la surface des cellules des vaisseaux sanguins qui irriguent de très nombreuses tumeurs cancéreuses. A partir de cette découverte, sous la direction du Dr. Philippe Cuniasse, des chercheurs du CEA de Saclay(1), travaillent maintenant au développement d’une méthode permettant d’utiliser ce récepteur pour détecter les tumeurs par imagerie médicale. L’idée est d’injecter aux patients un composé capable de se fixer au récepteur et facilement visible grâce aux techniques d’imagerie médicale existantes. Cette méthode de diagnostic permettra ainsi la détection d’une large variété de tumeurs, notamment des cancers du côlon à des stades précoces.
Mettre au point de nouveaux traitements.
Le cancer colorectal est la deuxième cause de décès par cancer en France après le cancer du poumon. Pour diminuer la mortalité associée à cette maladie, il faut mettre au point de nouveaux traitements.
L’ARC participe au financement des projets du nouvel Institut Hospitalo-Universitaire (IHU) de Strasbourg qui est dédié au développement de la chirurgie mini invasive guidée par l’image pour les pathologies abdomino-pelvienne, dont le cancer colorectal fait partie. Cet établissement vise à mettre au point une nouvelle technique de chirurgie plus efficace.
Cette technique permettra de faire une incision de très petite taille. L’acte chirurgical sera plus précis car il sera guidé par des images médicales pendant l’opération et combiné à des techniques de robotiques. La chirurgie mini-invasive développée par l’IHU de Strasbourg, plus efficace que les techniques de chirurgie classique, présente également l’avantage de diminuer les risques d’infection pour les patients.
En complément des recherches qui portent sur la mise au point de nouveaux traitements du cancer colorectal, il faut aussi financer des projets portant sur des associations de médicaments afin d’améliorer leur efficacité. Des travaux soutenus par l’ARC pourraient conduire au développement d’une nouvelle stratégie de traitement des cancers colorectaux. Des expériences précliniques indiquent en effet que l’administration conjointe de deux médicaments de thérapie ciblée pourrait apporter un bénéfice important aux patients atteints de cancers colorectaux. Dr. Annette K. Larsen et ses collaborateurs du Centre de Recherche Saint-Antoine (Paris) ont montré qu’en associant deux petites molécules, ciblant chacune un des points faibles des cellules de cancers du côlon, on obtient la destruction de cinq fois plus de cellules tumorales qu’en utilisant séparément l’une ou l’autre de ces molécules. Les deux molécules utilisées appartiennent à la famille des « inhibiteurs de la tyrosine kinase ». Elles agissent en bloquant les signaux intracellulaires envoyés à partir de récepteurs (EGFR et VEGFR) présents à la surface des cellules tumorales. Ces signaux incitent les cellules à se multiplier ainsi qu’à augmenter leur capacité de survie face à un stress cellulaire. Les bons résultats obtenus lors des essais pré-cliniques devraient rapidement conduire à la mise en place d’un essai clinique pour évaluer l’efficacité et la sécurité de cette approche chez des patients atteints de cancers colorectaux.
Autre enjeu de la recherche sur les cancers colorectaux : l’identification de nouvelles cibles thérapeutiques. L’ARC soutient des projets qui étudient les mécanismes impliqués dans le développement des cellules cancéreuses.
Le Dr Jacqueline Breard (Inserm, Université Paris-Sud 11) étudie les propriétés d’une protéine (CDCP1) qui pourrait contribuer à la progression tumorale. En comprenant comment cette protéine donne aux cellules des caractéristiques métastatiques, il serait envisageable de la considérer comme une cible thérapeutique en inhibant son activité. Cela ouvrirait la voie au développement de nouveaux traitements pour soigner certains cancers colorectaux.
Enfin, l’ARC s’intéresse également aux conditions de vie des patients pendant leur traitement. Ainsi, un projet porté par Alain Eschalier(2) / (NEURO-DOL, UMR 1107 INSERM/Université d’Auvergne), vise à comprendre l’hypersensibilité au froid des patients traités par une chimiothérapie avec de l’oxaliplatine, pour pouvoir dans un deuxième temps y remédier.
Parallèlement au soutien que l’ARC apporte à des projets pour améliorer la prévention, le diagnostic et les traitements des cancers colorectaux, l’association finance des travaux de recherche pour diminuer les effets indésirables des thérapeutiques existantes.
L’essentiel sur l’Association pour la Recherche sur le Cancer (ARC).
L’Association pour la Recherche sur le Cancer participe activement à la lutte contre le cancer en France en finançant les projets de recherche en cancérologie les plus porteurs et les plus innovants. Son espoir est de guérir, d’ici 10 à 15 ans, 2 cancers sur 3 (au lieu de 1 sur 2 aujourd’hui).
Pour donner aux chercheurs les moyens de conduire leurs projets et couvrir l’ensemble des champs de la cancérologie, l’association consacre chaque année plus de 30 millions d’euros à la recherche sur le cancer et à la diffusion de l’information sur les avancées des connaissances. L’association, qui ne bénéficie d’aucune subvention publique, finance ainsi plusieurs centaines de projets de recherche, grâce au soutien de ses donateurs et testateurs.
Notes.
- En collaboration avec des chercheurs de l’Institut Curie et de l’Université Paris XI
- En association avec les équipes d’Emmanuel Bourinet (IGF, UMR 5203 CNRS/U 661 Inserm/Universités Montpellier 1 et 2) d’Eric Lingueglia (IPMC, UMR 7275 CNRS/Université de Nice-Sophia Antipolis) et de Patrick Delmas (CRN2M, UMR 6231 CNRS/Université de la Méditerranée, Marseille).