Dans mes moments de liberté, je travaille à la rédaction d’un livre d’histoire qui porte essentiellement sur la politique française au XXe siècle. D’où une plongée quotidienne, nocturne, dans les mémoires, les biographies, les archives, la presse des siècles passés. La vie politique, sous la IIIe République, la IVe et la Ve à ses débuts, n’avait strictement rien à voir avec ce qu’elle est devenue. Voici ce que disait dans les années 1920, un homme public de premier plan d’un autre responsable politique : » Il n’est pas vrai que la courtisanerie, la flatterie, le sacrifice de la dignité comptent pour le premier titre. Si c’eût été pour le premier titre, jamais il n’eût été élu […] Il ne parle pas, il agit. Il ne cherche pas à impressionner, mais à convaincre, ne répand pas autour de lui les grâces souvent fanées, ne cherche pas à plaire, s’inquiète peu de savoir si on lui donne raison pourvu qu’au tribunal forcément arbitraire de sa conscience, il sente qu’il ait raison ». Malgré les défauts des régimes politiques du passé, il existait alors un sens du bien commun et de l’engagement au service des autres qui a disparu. La France n’est plus une République au sens noble et fort du terme. Elle n’est plus ni Monarchie, ni République, mais un théâtre comique où sur la scène, des acteurs douteux jouent une mauvaise pièce qui ne fait rire personne. Les politiciens médiatiques actuels, de l’extrême droite à l’extrême gauche, semblent emportés dans une dérive mentale qui les éloigne du réel. En ce moment même, le fossé se transforme en gouffre, la faille en crevasse, sans qu’ils en aient la moindre conscience. Ils ne se rendent pas compte à quel point leurs simagrées médiatiques et leur folie égocentrique provoquent au mieux l’indifférence, au pire le dégoût de la population. La grandiloquence solennelle comme les crises de rage sectaire, les sagas familiales et les duels revanchards puent la comédie et n’intéressent personne. Je le sais parce que je parle tous les jours avec des dizaines de personnes de la vie courante, de tous les bords, qui partagent ce ressenti. Je crois simplement qu’au pouvoir ou dans l’opposition, enivrés d’eux-mêmes, comme des moucherons dans la lumière médiatique, ils ne sont plus en état de sentir l’ironie et le mépris qui remontent de partout. C’est tout un monde qui devrait disparaître et laisser la place, mais s’accroche désespérément à son rocher et entraîne la France par le fond. Comment cela va-t-il finir? That’s the question.
Maxime TANDONNET