Lecture, Napoléon à Sainte Hélène (Las Cases, Gourgaud, Montholon, Bertrand) Robert Laffont

imagesdcuzrv3tVoici un livre d’une richesse inouïe, que je relis tous les trois ou quatre ans avec une fascination grandissante. Il raconte les dernières années de Napoléon à Sainte Hélène, par quatre fidèles qui ont choisi, avec leurs familles, de partager son exil. La magie qui en émane provient du contraste entre les misères du quotidien et l’ambition de bâtir la légende de l’une des plus stupéfiantes épopées de l’histoire de l’humanité. La vie à Sainte Hélène, d’un petit groupe d’hommes et de femmes reclus, coupés du monde, vivant en permanence les uns sur les autres est d’une trivialité, d’une bassesse et d’un ennui qui donnent le vertige: obsession du mauvais temps, de la pluie et du vent, de la santé de l’Empereur qui se dégrade, de son humeur maussade, de ses colères et de ses moments de gentillesse, des persécutions du gouverneur britannique, des querelles et des haines intestines, flagorneries pour tenter de capter l’héritage de Napoléon, les jalousies, les adultères. Sur la fange quotidienne cette poignée d’hommes construit une légende en rapportant les paroles de l’Empereur, lâchées spontanément au jour le jour. Elles sont dominées par une angoisse: l’image que son œuvre titanesque, avec ses réussites et ses tragédies, laissera dans l’histoire:  « J’ai refermé le gouffre anarchique et débrouillé le chaos. J’ai dessouillé la Révolution, ennobli les peuple et raffermi les rois. Jai excité toutes les émulations, récompensé tous les mérites, et reculé les limites de la gloire. Tout cela est bien quelque chose! Et puis sur quoi pourrait-on m’attaquer qu’un historien ne puisse me défendre? Serait-ce mes intentions? Mon despotisme? Mais il montrera que la dictature était de toute nécessité. Dira-t-on que j’ai gêné la liberté? Mais il prouvera que la licence, l’anarchie, les grands désordres étaient au seuil de ma porte. M’accusera-t-on d’avoir trop aimé la guerre? Mais il montrera que j’ai toujours été attaqué. D’avoir voulu la monarchie universelle? Mais il fera voir qu’elle ne fut que l’œuvre fortuite des circonstances. Enfin, sera-ce mon ambition? Ah, sans doute, il m’en trouvera, et beaucoup; mais de la de la plus grande et de la plus haute qui fut peut-être jamais […] La puissance et la vie sont passagère; la gloire seule demeure, elle est immortelle. Mais demandait alors l’Empereur, l’histoire serait-elle bien juste et pourrait-elle l’être? »

Maxime TANDONNET


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Author: Redaction