Lecture : Laure Moulin, Jean Moulin , Edition du club France loisirs, 1982 (réédition de la biographie originale de 1969 – présentation de Cyril Grataloup)

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Jean Moulin est né le 20 juin 1899 à Béziers. Il est issu d’une famille modeste de la basse provence. Son père, Antoine, est professeur de français et conseiller général de l’Hérault, il fut un modèle pour Jean et pour sa soeur Laure. En 1884, une épidémie de choléra sévit dans la région, Antoine assiste le médecin. En 1907, le frère de Jean meurt à 19 ans d’une péritonite.

Jean est un élève assidu… notamment pour la matière du dessin. Il est bachelier en 1917 et fait des études de droit.

Lors de la guerre de 1914-18, la famille Moulin accueille des réfugiés venus de l’Est, Jean leur installe des lits dans une ferme voisine. En avril 1918, il est soldat et part dans les Vosges.

A la fin de la guerre, il entre comme attaché au cabinet du préfet de l’Hérault. Jean publie des dessins dans certains journaux (pseudonyme Romanin). Il eût pu faire une belle carrière dans les arts. Il aime se déplacer avec son carnet de croquis. Il est d’une nature réservée, d’une grande gentillesse.

En 1925, il devient sous préfet à Albertville. Il se marie en 1926 mais divorcera en 1928 sans avoir eu d’enfant, le couple n’était pas heureux, selon Laure.

En 1928, Jean se lie d’amitié avec Pierre Cot qui est élu député à Chambéry et deviendra ministre. Ils ont une passion commune pour le ski.

En 1932, Jean est un opposant d’André Tardieu, président du Conseil, alors que son père Antoine soutient le gouvernement. Le 06 mai 1932, le président de la République Paul Doumer est assassiné par un homme d’origine russe, à demi fou, il est remplacé par Albert Lebrun. En décembre 1932, Pierre Cot, ministre, demande à Jean Moulin d’être son chef de cabinet. Il prend le temps d’aller aux archives nationales, dans les bibliothèques afin d’aider son père à rédiger un livre d’histoire.

En février1934, Jean assiste aux émeutes à Paris, les émeutiers ont porté les premiers coups face aux forces de l’ordre. Jean est secrétaire général de la préfecture de la Somme et à l’été, il part se détendre en mer Méditerrannée sur le yacht de son ami Paul Chatin.

En 1936, la victoire du Front Populaire voit accéder Léon Blum à la présidence du Conseil. Moulin est chef de cabinet de Pierre Cot, ministre de l’Air. En janvier 1937, Jean devient préfet de l’Aveyron et fait la fierté de son père, qui mourra au printemps 1938. En janvier 1939, il devient préfet d’Eure et Loire, à Chartres. Jean pressent la guerre, il demande au ministère de se faire affecter comme sergent dans l’armée et écrit au ministre « Ma place n’est point à l’arrière… ».

La guerre éclate puis les Allemands arrivent à Chartres, ce sont les journées tragiques. Il aide la population, organise le ravitaillement et répète « J’ai confiance, nous vaincrons ». Mais la population fuit, ainsi que les agents de la préfecture; en outre, les officiers allemands veulent lui faire signer un document mensonger, Jean refuse, il est frappé, emprisonné. Il tente de se trancher la gorge. Il est soigné mais conservera une cicatrice sur le cou. En novembre 1940 , il est relevé de ses fonctions de préfet , il commence une vie clandestine dans le sud de la France sous le nom de Joseph Mercier, il rencontre le consul des Etats Unis à Marseille qui va l’aider à rejoindre l’Angleterre à l’automne 1941. Il rencontre le général de Gaulle pour la première fois à Londres le 25 octobre 1941 qui voit en lui un homme capable d’unifier les mouvements de résistance. Le 03 janvier 1942, Jean est parachuté en France, avec deux autres hommes dont un « radio » pour les transmissions de messages; il rapporte l’ordre de mission signé par De Gaulle

Son ami Pierre Cot est en exil aux Etats Unis et une amie, Antoinette Saxe l’aide à organiser sa vie clandestine. En juillet 1942, Daniel Cordier est parachuté en France, il devait travailler avec Georges Bidault mais « le patron » ( Rex* alias Moulin) lui demande d’être son secrétaire. Cordier se souvient que Moulin avait une puissance de travail inouïe, il dictait des courriers à destination de Londres des nuits entières et pour se détendre, il parlait souvent de peinture. Moulin était un grand amateur d’art. La tâche de Moulin est colossale et il doit faire face à l’hostilité de certains chefs de la Résistance tels Frenay. Sa soeur Laure rend également hommage à l’ensemble de l’équipe de la délégation générale de Jean (secrétaires, les  » radios », les « courriers », les adjoints etc), des admirables soldats de l’ombre avec le patriotisme le plus pur, nombreux et nombreuses ont été arrêtés, interrogés, torturés, déportés.

En mai 1942, Jean est convoqué au ministère de l’intérieur à Vichy. Il y rencontre le directeur du personnel qui souhaite que Jean reprenne un poste de préfet. Il refuse le poste et continue à oeuvrer dans la résistance, mais pendant plusieurs mois, de nombreuses réunions et discussions sont stériles. Jean doit arbitrer, négocier et ramener le calme « Messieurs, il y a la France », disait-il souvent.

En septembre 1942, Frenay et un autre chef résistant, D’Astier de la Vigerie, partent à Londres rencontrer le général. Ils émettent des critiques contre Moulin, absent. De Gaulle les recadrent, ils baissent pavillon et acceptent finalement l’union des mouvements. En janvier 1943 est créé le comité de coordination des mouvements de résistance. De Gaulle doit montrer à Churchill et Roosevelt des preuves de son autorité sur la résistance, Roosevelt étant hostile à De Gaulle. Puis en février 1943, Jean retourne à Londres pour la 2e fois avec le général Delestraint. Il a pour mission de créer le Conseil National de la Résistance. Le chef de la France Libre remet à Jean la Croix de la libération. De Gaulle est entouré du colonel Passy et d’ André Philip. Puis c’est le retour en France dans un avion Lysander avec Delestraint et Pineau et parachutage au nord de Roanne. La gestapo arrive sur place 10 minutes après l’atterrissage.

Henri Frenay s’oppose régulièrement à Moulin, il voit en lui l’homme de Moscou. Laure indique que Frenay se trompe et explique que Jean n’était pas communiste, il était par exemple très lié à Georges Bidault qui lui n’était pas communiste.

Le 14 mai 1943, le Conseil National de la Résistance est créé et la première réunion se tient le 27 mai, en présence de 17 membres. Moulin lit le message du général de Gaulle, « …l’unité doit être dans l’action… ». Georges Bidault est aux côtés de Jean. C’est un couronnement pour les efforts inouïs réalisés par Jean depuis 3 ans de vie clandestine. L’ennemi est aux aguets; Klaus Barbie traque les résistants et recherche très activement Moulin et ses proches.

Les dernières vacances de Jean se passent à Pâques 1943, à St Andiol, avec Laure et leur mère. Ce sera la dernière fois qu’elle voit son frère après un repas chez des voisins cultivateurs.

Le 09 juin 1943 , le général Delestraint, chef de l’armée secrète est arrêté à Paris. Il aurait été dénoncé par René Hardy, un des cadres du mouvement de résistance Combat dirigé par Frenay.

Le 23 juin 1943, lors s’une réunion clandestine chez le docteur Dugoujon pour organiser la succession de Delestraint, Moulin et d’autres résistants (Aubrac, Lacaze, Larat, Schwartzfeld …) sont arrêtés par la gestapo. Ils sont interrogés, frappés. Moulin est enfermé à la prison de Montluc à Lyon et torturé par Barbie. Christian Pineau, résistant, arrêté en mai et emprisonné, dira plus tard qu’il a vu Jean à l’agonie sur un banc, réclamant un peu d’eau et perdant connaissance. Puis Jean sera transféré vers Paris, à Neuilly, dans une villa du chef de la gestapo, pour être de nouveau interrogé. Il mourra peu de temps après. Laure apprend sa mort mi juillet par un proche de Jean. Le 19 octobre 1943, un agent de la gestapo vient annoncer à Laure la mort de son frère. La raison officielle donnée par les Allemands? Une paralysie du coeur ! Elle n’en parle pas à sa mère.

Ils ont été trahi. Selon Laure « qui eût pu croire que Judas se glisserait parmi les meilleurs combattants ? » René Hardy, qui serait à l’origine de la trahison de Caluire sera arrêté à la libération, emprisonné, jugé, acquitté deux fois. Laure écrit « ces acquittements n’ont convaincu ni les victimes de la trahison de Caluire , ni moi même ». Delestraint qui sera fusillé, répétait en prison, « C’est Didot (alias René Hardy) qui m’a trahi ».

Laure va s’affairer à rechercher les circonstances de la mort de son frère, en se rendant à Paris et au siège de la gestapo, avenue Foch. Jean aurait été incinéré par les Allemands et Laure recherche l’ l’urne.

Le 06 octobre 1946, à Béziers, une grande journée est organisée en l’honneur de Jean Moulin, Georges Bidault y prononce un discours magnifique : »…comme vous étiez content le soir du 27 mai 1943 [après la 1ere réunion du CNR], vous aviez semé le grain, hélas vous n’étiez pas là au jour de la moisson ».

Laure va oeuvrer pour faire connaître le parcours de son frère. Les cendres de Jean sont transférées au Panthéon en décembre 1964, André Malraux y prononce un discours resté inoubliable, en présence du général de Gaulle et de nombreux résistants.

Par Cyril GRATALOUP

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Author: Redaction