[La lecture est une arme de résistance: aidez moi SVP à diffuser cette note].
Voici un livre passionnant pour les amateurs d’histoire militaire et d’histoire tout court. Dans cet ouvrage, Jean Lopez et plusieurs historiens de la Deuxième Guerre Mondiale pourfendent le mythe de l’invincibilité de la Wehrmacht et mettent l’accent sur la part de ses succès qui reviennent aux fautes commises par l’armée polonaise, dispersée sur un front immense ou les forces françaises qui se précipitent dans le piège tendu par l’ennemi en venant à sa rencontre en Belgique alors que l’attaque principale se déroule dans les Ardennes.
L’ouvrage s’attarde aussi sur les hésitations invraisemblables du Führer qui empêche l’assaut des PanzerDivision sur Dunkerque où l’armée anglaise est piégée, se fondant sur les promesses de Goering de réduire cette poche de résistance franco-britannique par la seule aviation. L’occasion qui est laissée à l’armée britannique de s’évader par la Manche sera décisive pour la suite de la guerre…
Au moment de l’offensive Barbarossa, un tournant de la Deuxième Guerre Mondiale, l’attaque de l’URSS le 21 juin 1941, la Wehrmacht est loin d’être la puissance invincible forgée par le mythe. Les moyens engagés sont à peine plus importants que ceux qui lui ont permis d’écraser la France en trois semaines, pour une ligne de front 4 fois plus étendue: 150 divisions contre 140 et seulement 1200 chars supplémentaires.
Mais surtout, la faute d’Hitler et de ses généraux est de mésestimer fortement la puissance de l’URSS: « L’Armée rouge est gigantesque, bien plus que les Allemands ne le supposent. Elle dispose d’un matériel de combat abondant et de qualité, de munitions, de carburant à suffisance. L’artillerie tractée est supérieure à celle de l’Allemagne. De nouveaux matériels, en cours d’introduction n’ont aucun équivalent au monde: le char T 34, le système de roquettes Katioucha, le bombardier tactique Sturmovik ».
Les auteurs relativisent la grande guerre patriotique et soulignent qu’une partie des 80 millions d’habitants de l’URSS, Ukrainiens et Russes sous occupation allemande, se sont tout d’abord solidarisés de l’envahisseur par haine du régime soviétique (un à deux millions de collaborateurs actifs). C’est alors que les nazis ont commis une de leurs plus grandes erreurs: « la guerre d’anéantissement – par manque d’intelligence. » Les massacres, les fusillades de masse, les pratiques d’extermination les rendent encore plus monstrueux et haïssables que les communistes et privent les Allemands d’un potentiel de soutien non négligeable.
Autre faute gigantesque commise par les Allemands: ils considèrent le Russe comme un « être inférieur, primitif, près de la nature« , incapable de résistance face à l’invasion. Ils n’imaginent pas un instant que cet être inférieur, selon la logique raciste hitlérienne, soit capable de défier l’armée aryenne. Ils s’attendent dès lors avec certitude à un effondrement militaire suivi de la dislocation du régime. « Les chefs militaires et Hitler ne doutent pas de la rapidité de cet effondrement. » L’échec de la Wehrmacht devant Moscou en décembre 1941, surprise par la boue, le froid et surtout la résistance acharnée des russes (incompréhensible au regard des thèses racistes hitlériennes), représente le véritable tournant de la guerre rendant quasiment inéluctable l’échec final de Barbarossa.
Entre les récits des grandes batailles de la Deuxième Guerre Mondiale et l’analyse des stratégies, des tactiques et des rapports de forces, cet ouvrage fourmille d’histoires et d’anecdotes qui en font aussi la richesse. Il comporte plusieurs interview ou compte-rendu d’entretien avec des témoins, par exemple le major allemand Kurt Klusmeier, dernier défenseur de Breslau qui raconte sa campagne de Russie: « De quoi aviez vous le plus peur? Des orgues de Staline. C’était le plus dangereux et surtout, le plus insupportable. Le hurlement qui accompagne le lancement des 36 fusées, je l’entends encore dans mes tripes ».
Au passage, Jean-Claude Delhez, spécialiste des questions militaires, relativise l’efficacité du char dans les combats de la guerre moderne – notamment au regard du rôle beaucoup plus essentiel joué par l’aviation – y voyant une part de mythe (encouragé par les industriels de l’armement) dès lors que des armes antichars permettent de plus en plus aisément de les neutraliser.
MT