Lecture: Hitler et Churchill, Andrew Roberts, Perrin, 2022

Deux des principaux protagonistes de la guerre de 1939-1945 font l’objet, dans ce livre, d’un genre particulier: une biographie croisée. L’auteur s’attache à montrer tout au long de cet ouvrage passionnant, tout ce qui oppose deux personnalités aux caractères diamétralement opposés.

Ils apparaissent dans leur vie privée comme dans leur vie publique aux antipodes l’un de l’autre. Ainsi Churchill est un épicurien bien connu, amateur de bonne chère, de whisky et de cigare, jusqu’à l’excès. L’autre portrait montre au contraire un Hitler en parfait ascète: il est absolument végétarien, déteste l’alcool ( à l’exception parfois d’une bière brune à 2° d’alcool conçue spécialement pour lui) et ne peut pas supporter les fumeurs. Au passage, Andrew Roberts souligne la part de l’hygiénisme dans l’idéologie nazie, et son projet d’interdire l’alcool et le tabac à l’issue de la guerre.

Parmi les différences entre eux qui ont eu une influence décisive sur le cours de la guerre, deux tempéraments s’opposent sur le mode de conduite des opérations militaires. Hitler se veut l’unique chef de guerre, il entend tout contrôler et tout décider, n’ayant aucune confiance dans ses généraux, même les plus réputés comme Guderian ou Rommel. Au fil des défaites, cette méfiance ne cesse de s’aggraver et le pouvoir militaire toujours davantage concentré entre ses mains; pour la moindre manœuvre, tout doit remonter à son niveau. Churchill fait exactement le contraire: il délègue entièrement – et de plus en plus au fil du conflit – malgré un caractère qui le pousserait à s’occuper de tout. D’ailleurs, a-t-il vraiment le choix? la tradition libérale britannique a forgé des grands généraux qui refusaient une ingérence du pouvoir politique y compris du Premier ministre dans le déroulement des opérations strictement militaires – et des hommes de caractère capables de dire non.

Tout le contraire en Allemagne hitlérienne ou l’obéissance aveugle au Führer est une règle absolue de comportement. Selon l’auteur, la défaite de l’Allemagne nazie, sur le théâtre européen comme en Afrique du Nord, doit beaucoup au modèle d’autorité vertical allemand: Churchill avait jadis traité Hitler de « voyou des rues sanguinaire et il avait attribué les victoires alliées en Afrique « à l’intuition militaire du caporal Hitler » […] Il avait également refusé de comparer Hitler à Napoléon « car cela revient à insulter le grand empereur et de l’associer en quoi que ce soit à un sordide boucher chef de bande« . En septembre 1944, Churchill se surpassa lui-même dans le registre du mépris devant les Communes:

« Lorsque M. Hitler a échappé à la bombe [attentat de juillet 1944], il a qualifié sa survie de providentielle. Je crois que d’un point de vue purement militaire, nous pouvons tous être d’accord avec lui car il est bien certain que ce serait extrêmement malencontreux que les alliés soient privés, au cours des dernières phases de combat, de cette forme de génie guerrier par laquelle le caporal Schicklgruber [vrai nom du père d’Hitler] a si notoirement contribué à notre victoire ».

MT

Author: Redaction