« Gouverner c’est aimer » est un ouvrage hors du commun, une sorte de miroir inversé de notre époque. Loin de toute polémique, il met en lumière des vérités éternelles sur l’exercice du pouvoir, comme par contraste avec le caractère éphémère et superficiel des images qui nous assaillent au quotidien.
En 400 pages d’une incroyable densité, il convoque les grands écrivains et penseurs depuis l’antiquité pour mener à bien une réflexion sur la politique, l’art de gouverner pour le bien commun et toujours en creux, son naufrage actuel…
Près de 200 auteurs y sont cités dont par exemple Balzac, Bergson, Bossuet, Camus, Chateaubriand, Cicéron, Clemenceau, de Gaulle, Fouché, Hugo, Jünger, Louis XIV, Montesquieu, Montaigne, Napoléon, Nietzsche, Péguy, Platon, Rivarol, Stendhal, Saint-Simon, Shakespeare, Verlaine, Stefan Zweig…
Dans ce livre, tout se passe comme si l’auteur faisait appel aux esprits de l’histoire politique et littéraire pour définir ce que devrait être la science du pouvoir et dénoncer ses dérives. Une telle somme de lectures et de références littéraires est impressionnante – comme le livre d’une vie de lectures, crayon à la main.
Chacune de ses réflexions ou de ses pensées, adossée aux chefs d’œuvre de la littérature ou de la philosophie, décortique la science du pouvoir dans la tradition des moralistes. Quelques exemples:
- Le propre de la vanité, c’est qu’elle est l’arme idéale pour gouverner les notables…
- Par la crainte, on tient mieux les hommes que par la récompense…
- En période de paix, les républiques négligent de faire appel aux grands talents qui comme de Gaulle, deviennent des Cassandre solitaires…
- Veulent-ils nommer des gens de qualité? Ils découvrent avoir nommé des médiocres…
- L’opinion est la boussole ultime en politique. Le seul danger qui la guette, c’est le risque de la séduction et des charlatans, des apparences de vérité, risques que la télévision les médias avec la facilité qu’ils offrent de raconter d’éphémères histoires fausses qui ont l’apparence de la vérité en jouant sur les émotions, accentuent…
- Leur personnage est si inconsistant qu’ils pressentent intimement qu’ils doivent suggérer par imitation la comparaison avec un grand homme pour qu’on leur prête une envergure qui ne saute pas aux yeux naturellement. Nietzsche pouvait dire d’eux: « Cela un grand homme? Je n’aperçois en lui que le comédien de son propre idéal. »
- La vie, dans ses formes diverses, offre en effet bien des raisons d’expérience de se méfier des prédictions. Bainville constatait justement: « Ceux qui appliquent leur esprit à calculer les événements, obtiennent des résultats qui valent à peu près ceux que donne l’observation du marc de café… «
- Peut-être que ceux qui ont si peur de n’être pas du côté des dernières modes et se cachent pour protéger de leurs peurs derrière de nouveaux systèmes rationnels et de nouveaux idéaux commenceront à entrevoir que leur progressisme même n’est pas le progrès mais une approximation rigide et maladroite, comme les dogmes d’une religion que l’on offre en première étape aux croyants mais qui ne sont pas l’éveil mystique et spirituel.
Enfin une leçon à méditer pour les dirigeants politiques, qui devaient tous avoir cet ouvrage comme livre de chevet: Il n’y a pas de grande politique sans amour du peuple, sans indulgence et tendresse pour tous les travers, ni sans croyance dans la supériorité, et pour la société et pour ceux qui la dirigent, de la vertu sur le vice.
MT