L’actualité est tellement médiocre, avec ses pitres vaniteux et ses imbéciles en extase, qu’il ne reste plus qu’à nous noyer dans le plaisir de lire d’excellents livres, ceux qui combinent le bonheur de l’évasion et de la culture. Ce Du Guesclin est ainsi l’archétype d’un excellent livre. A partir de 1340 commence une ère de chaos pour la France: la guerre de Cent ans ravage ses campagnes, la peste noire décime sa population. Français et anglais se déchirent en particulier la Bretagne. La France accumule les défaites: Crécy en 1346, Poitiers en 1356 …
Héros breton, héros français. Du Guesclin est issu de la toute petite noblesse bretonne, né en 1320, à La Motte-Broons, entre Rennes et Dinant. Enfant, il est d’une laideur indescriptible – petite taille, massif, trapu, une tête ronde aux traits difformes, pas de cou, des petites jambes, des bras démesurés qui pendent le long de sa taille – et d’une force herculéenne. Asocial, indiscipliné, odieux, ses parents, révulsés par sa laideur et son caractère impossible, le renient et le chassent de la maison dès l’adolescence. Du Guesclin n’a jamais reçu la moindre instruction, ne sait ni lire, ni écrire, mais d’une force prodigieuse, il est invincible dans les tournois. A 22 ans, il est à la tête d’une bande qui écume la forêt de Brocéliande, harcelant les Anglais, s’emparant des forteresses tenues par les partisans de ces derniers. Insaisissable, il est surnommé par ses ennemis le « dogue de Brocéliande« .
Se plaçant au service du roi de France, Charles V, dit « le Sage », et de Charles de Blois, en lutte contre Jean de Montfort, tous deux prétendant au duché de Bretagne, il se caractérise par son indéfectible loyauté. Les Anglais tentent de le récupérer: « Bertrand, si vous voulez demeurer avec moi/Vous me trouverez bon et loyal ami. /Je vous ferai chevalier et je vous donnerai aussi/ Terre et grande richesse, je vous le promets ». Du Guesclin rejette cette offre: « Si j’avais été de voter côté et que j’aie changé de camp ensuite, c’eût été une bien vilaine trahison. Alors pourquoi serais-je déloyal à mon seigneur? »
Il multiplie les victoires, s’empare de nombreuses places fortes anglo-bretonnes. Le secret de sa force? Il évite les batailles frontales pour lesquels les anglais ont un avantage considérables lié à leur armement et à leurs archers qui déciment la cavalerie française. En revanche, en Bretagne, en Normandie, il utilise la ruse et les embuscades pour terrasser l’ennemi. Mais la fin justifie les moyens et l’auteur ne cache pas non plus sa dureté sinon sa cruauté. Pour prendre les fortifications il annonce la couleur: en cas de résistance, tous les combattants français ayant pris le parti de l’ennemi – ayant trahi – seront massacrés. Dès lors, de nombreuses cités, qui connaissent sa réputation, préfèrent se rendre sans combattre.
En 1365, le roi de France et le pape l’envoient en Espagne, pour défendre la cause d’Henri de Trastamare, pro-français, en lutte avec Pierre-le-Cruel pour le trône de la Castille. Le véritable objectif de cette guerre, présentée comme destiné à une nouvelle croisade contre le royaume musulman de Grenade, est de débarrasser la France des compagnies, bandes de hors- la-loi extrêmement violents qui dévastent et terrorisent le pays, en les entraînant derrière Du Guesclin. Avec son autorité phénoménale, son charisme, il parvient à discipliner ces bandits et à les commander. Après de nombreuses victoires, et l’achèvement de la reconquête de la Castille au profit d’Henri, ce dernier subit un désastre militaire en 1367 à Najera, contre le Prince Noir, fils du roi d’Angleterre Edouard III, qui dirige l’Aquitaine anglaise, allié de Pierre-le-Cruel. Du Guesclin qui conseillait vivement à Henri de Castille d’éviter la bataille frontale, n’a pas été écouté: d’où la défaite.
Le voici prisonnier du Prince noir, à Bordeaux. Ce dernier, gravement malade d’une dysenterie attrapée en Espagne, a épargné Bertrand pour en obtenir une rançon. Un épisode célèbre de l’histoire de France se situe ici. « Bertrand, dit le Prince, veuillez décider/ Combien vous me voulez de rançon donner. » Du Guesclin, magnifique, lâche le prix auquel il estime sa personne: « Je vous ferai compter cent mille doubles d’or ». « Quand le Prince l’entendit, il changea de couleur/ Il regarda tous ses chevaliers/ Et leur dit à haute voix: il se moque de moi!/ Bertrand! dit le Prince, vous ne pourrez pas payer! ». C’est alors que survient la célèbre réplique de Du Guesclin, qui, selon l’auteur, marque la naissance du sentiment populaire et national français. » Je vous déclare et je m’ose vanter/ que si ces deux là ne pouvaient rien donner [les rois de France et de Castille]/ Il n’y a pas une fileuse en France à travailler/ Qui ne tâcherait de gagner ma rançon à filer/ Et qui ne me voudrait de vos prisons ôter. »
Du Guesclin libéré reprend les hostilités et multiplie les victoires militaires. Il soumet la Normandie, vainqueur de Charles le Mauvais, qui dispute le trône de France au roi, achève la conquête de la Castille. Le 3 octobre 1370, il est nommé connétable de France, chef des armées de Charles V. Il entreprend alors la reconquête de l’Aquitaine et s’empare une à une, des forteresses anglaises dans le Poitou et le Périgord, prenant sa revanche sur le Prince Noir. Puis, une période trouble s’ouvre alors pour lui: quand Charles V, qui veut supprimer le duché de Bretagne pour l’intégrer au royaume de France, lui demande de prendre les armes contre les nobles Bretons, Du Guesclin est déchiré entre sa loyauté à Charles V et son attachement à sa terre natale et veut prendre ses distances avec la vie publique. Le roi l’envoie combattre an Bretagne. Affaibli, il meurt lors d’un siège, le 13 juillet 1880.
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Ceci n’est qu’un infime résumé d’un sublime ouvrage qui entraîne aux confins du rêve et de la connaissance. J’ai préféré en parler plutôt que des récupérations politiciennes minables du football, des affres de la fête de la musique à l’Elysée, de l’hypocrisie migratoire de MM. Hamon et Kouchner, de la réconciliation des le Pen qui fascine les médias amoureux de cette famille, de l’odieuse et scandaleuse évasion de Faïd, bien à l’image de l’époque. J’ai bien fait, non? Et pour mes vacances prochaines, justement dans la forêt de Brocéliande, je prépare une valise entière de livres du même genre!
Maxime TANDONNET