Charme des vieux livres à la couverture en papier jauni, découverts lors d’un vide grenier, tellement oubliés qu’on en retrouve même pas la trace sur Internet…Le journal de Pierre Lazareff, jeune journaliste parisien dans les années 1930 qui fut aussi l’un des pionniers de l’information télévisuelle après guerre, est un véritable trésor.
Journaliste à Paris-Soir, l’un des grands quotidiens de l’époque, le prédécesseur de France-Soir, il est un témoin privilégié de ces années. Jour après jour, il nous raconte sa vie quotidienne au contact des personnalités de l’époque. Les portraits saisissants qu’il nous livre au fil des pages d’André Tardieu, Pierre Laval, Léon Blum, Daladier, Otto Abetz, Ribbentrop, nourris de ses rencontres et d’anecdotes incroyables, permettent de mieux comprendre cette période, la marche à la guerre et la débâcle française.
On y découvre par exemple, dans un chapitre particulièrement passionnant, intitulé Les salons de Paris et la brigade mondaine du Führer, les coulisses du noyautage systématique des élites dirigeantes ou influentes française par des séducteurs de l’Allemagne hitlérienne, parfois en contact avec le Führer en personne. Les milieux médiatiques, mondains, financiers, militaires sont ainsi gangrenés jusqu’à l’os par des envoyés de l’Allemagne nazie, dont l’action est coordonnée par Otto Abetz et Ribbentrop (futur, puis ministre des Affaires étrangères d’Hitler prétendument francophile).
Ainsi, les coups de force hitlériens (occupation de la Rhénanie le 10 mars 1936) ne relevaient pas du simple coup de bluff comme le disent la plupart des historiens, mais furent déclenchés sur la base d’informations solides, recueillies auprès des dirigeants politiques, administratifs et surtout militaires français, assurant que la France ne bougerait pas. « Peu de temps avant ce coup de force hitlérien, Thierry de Ludre (inféodé aux milieux allemands pro-nazis) dans une maison amie où je me trouvais également, pouvait entendre le général Maurin ministre de la guerre, déclarer à quelqu’un qui lui posa la question : Que ferions-nous mon général, si Hitler voulait amener ses défenses jusqu’au Rhin? – Pas grand chose et même je crois rien du tout.
Cet témoignage nous révèle aussi à quel point les passions et les délires de l’époque ressemblent comme des frères jumeaux à ceux d’aujourd’hui. Pierre Laval, le maquignon, au centre de la vie politique française à compter du milieu des années 1930, pourvu d’une formidable intelligence maligne (ruse politicienne et commerciale) mais dépourvu de toute vision de l’Etat et de l’histoire, semble se présenter comme un véritable précurseur de la politique actuelle. Pierre Laval n’ a jamais eu pour les idées un bien grand amour. Mais il aime les hommes, il les aime en les méprisant. Déjà en 1930 il disait: – Je crois qu’il faut faire le bonheur des peuples malgré eux (page 253). Le futur Gauleiter français de l’Allemagne hitlérienne, comme le surnomme l’auteur, dévoré par l’ambition vaniteuse, est en germe dans le politicien des années 1930. Le mépris, déjà…
MT