J’ai éprouvé beaucoup de plaisir à lire cet essai mordant qui analyse comment la crise sanitaire liée au covid a fait voler en éclat les principes réputés inviolables, inaliénables et inconditionnels de la Déclaration des droits de l’homme et des citoyens, qui a révélé un nouveau totalitarisme « soft » et soucieux du « safe » permettant aux journalistes allemands de qualifier opportunément notre pays « d’Absurdistan autoritaire »
M. Slama explique comment un régime ultra-présidentiel a réduit le Parlement à une chambre d’enregistrement et comment les cours constitutionnelles (Conseil d’État et Conseil constitutionnel) en sont arrivées à valider le système devenu répressif qui ne protège même plus les Français de l’arbitraire.
La démocratie n’est plus considérée comme inestimable mais est devenue un obstacle dans la gestion de toute crise, qu’elle soit sanitaire, terroriste, sécuritaire ou climatique.
Comment les Français, réputés rebelles, ont-ils pu se laisser déposséder petit à petit de nombreuses libertés essentielles ?
Les restrictions deviennent aujourd’hui « la condition de la liberté ».
Pour l’auteur, l’éclipse de démocratie vécue lors de cette crise n’est que la confirmation d’un mouvement déjà ancien qui a préparé les Français à l’abdication volontaire en chaque citoyen de la première des libertés : celle de penser et de dire ce qu’il pense, La conception limitatrice de la liberté n’est pas née de la crise sanitaire, mais elle a été préparée par des lâchetés et des renoncements
successifs avec un point de bascule en 2002, quand M. Houellebecq est accusé d’avoir « blasphémé l’islam ».
« Les Français ont vécu une véritable humiliation collective. Comment appeler autrement une situation où chacun de nos gestes et de nos comportements est soumis à un contrôle strict et permanent, où l’on nous accorde des dérogations de libertés comme on accorde des promenades à des prisonniers, où l’on annonce notre « libération » et la fin progressive des restrictions sanitaires tout en en maintenant quelques unes ou promulguant de nouvelles, où l’on mène une politique de vaccination disciplinaire et coercitive,,, où l’on nous autorise à sortir notre chien mais pas à visiter nos grands-parents ? »
Consciemment ou inconsciemment il faudra beaucoup de temps pour mesurer l’ampleur des dégâts causés par la politique sanitaire mise en œuvre depuis 2020. La jeunesse a perdu une grande partie de son innocence et elle a été particulièrement déstabilisée, par la dureté, la répression, la discipline arbitraire, les abus de pouvoir rendant la vie invivable alors qu’elle ne risquait aucune forme grave de la maladie.
« A la manière d’une secte, la société tout entière s’est rangée derrière un unique mot d’ordre : l’enfermement. Le caractère religieux du moment que nous avons vécu ne fait donc guère de doute. Il se retrouve dans la manière dont nous avons obéi à des injonctions qui, parce qu’elles se réclamaient de la science nous ont paru incontestables, de même que les injonctions d’un prêtre paraissent incontestables aux croyants…La science médicale, dans cette histoire, a fait office de religion civile, avec ses prêtres (les médecins), son inquisition (les scientifiques médiatiques), ses porte-parole (le gouvernement) ses normes et principes (la distanciation et la solidarité), ses hérétiques (les opposants à la politique sanitaire),son ennemi commun (le virus), son grand récit (une pandémie mondiale qui menace de ruiner le monde) et son blasphème (critiquer les mesures sanitaires). »
En se référant à la pensée de J J Rousseau, d’E.de La Boétie, de M. Foucault, d’A. De Tocqueville et de G. Deleuze, l’auteur décortique les processus d’infantilisation du peuple, de l’idéologie woke et de management par la peur qui font de nous autant de micro-fascistes chargés d’étouffer chaque chose, chaque visage, chaque parole un peu forte dans son quartier ou sa rue.
Gérard Bayon