Ici, le site de Mme Michèle Tribalat
Tout le mal en ce monde vient de l’Occident, telle est la thèse masochiste et narcissique qui l’emporte actuellement en Amérique et qui gagne l’Australie et l’Europe. Comme il l’a expliqué au Wall Street Journal récemment, Douglas Murray a passé un long moment aux Etats-Unis, pays devenu un « exportateur net de mauvaises idées », pour observer et comprendre la maladie qui a saisi ce pays et sonner l’alerte[1].
Ce mal lui serait consubstantiel et appellerait donc un traitement radical : la démolition totale de ce qui a fait l’Occident. Ce projet n’est pas pour déplaire à la Chine qui observe avec intérêt et délectation le projet d’autodestruction de l’Occident.
Les signes avant-coureurs n’ont pas manqué, telle cette manifestation à l’Université de Standford en 1987 derrière le pasteur Jesse Jackson au son de « hey hey, ho ho, Western Civ has got to go ». Aujourd’hui, le « virus » antioccidental a contaminé toutes les sphères de la société, du jardinage au sommet des gouvernements. On retrouve presque toujours le même scénario : dénigrer l’Occident, et lui seul, en faisant fi du contexte historique et en redéfinissant le sens des mots, exagérer ses méfaits sans hésiter parfois à les falsifier, sans jamais les comparer à ceux d’autres civilisations et clouer au pilori les contradicteurs et les sceptiques, y compris ceux qui sont infiniment plus compétents que les militants antioccidentaux. Ce qui nécessite un usage constant de l’anachronisme et un abus du décryptage métaphorique. Cette stratégie est fondamentale dans l’établissement d’une continuité historique dans le mal. Pour cela, les militants anti-occidentaux, bien souvent des Blancs aisés, doivent s’attaquer aux piliers de la civilisation occidentale gréco-romain, judéo-chrétien et des Lumières. Aucun héros ne doit échapper à la fournaise pour que l’Occident finisse par être privé de toute possibilité de fierté. Ce carnage épargne néanmoins les idoles encore utiles pour étayer la thèse de la démolition, quoi qu’ils aient pu faire. Douglas Murray aurait pu intituler son livre : Occident, fermeture définitive, tout doit disparaître.
Les Blancs sur la sellette
La théorie critique de la race (TCR) fait figure de détergent puissant. Tout ce qui vient des Blancs est mauvais et ne reflète que la perception de ceux-ci. Qu’il s’agisse de la théorie de l’égalité, du rationalisme des Lumières, du raisonnement juridique, des principes de neutralité de la Constitution. Les militants de la TCR sont obsédés par la question du pouvoir. Seuls sont racistes ceux qui le détiennent. Le Blanc est raciste dès la naissance et ne peut échapper à cette malédiction. Toute dénégation de sa part est interprétée comme une preuve. Les succès de librairie de Robin DiAngelo et Ibram X. Kendi ont popularisé la TCR, préparant ainsi au moment George Floyd et à l’interprétation raciste de son meurtre. Interprétation pour laquelle l’Europe aussi était prête. Comme le virus du racisme frappe les Blancs dès la naissance, il faut les endoctriner très tôt car le racisme se manifesterait dès trois mois ! Mais tout Noir qui n’adhèrerait pas à la TCR est lui-même raciste et il faut lui faire honte. Ce redressement de la jeunesse remonte tous les niveaux éducatifs. Ainsi, en Californie, en 3ème année de primaire, on demande aux enfants de se ranger par ordre de privilège. Cet endoctrinement se poursuit dans l’entreprise. Par exemple, Coca Cola a organisé des sessions de formation pour enseigner aux employés comment « être moins blancs ». Avec des conséquences plus immédiates mais plus dramatiques encore, dans le domaine médical. La « médecine équitable » a été expérimentée dans tout le pays. Un grand hôpital de Boston a ainsi mis en place un « reparation framework » d’admission préférentielle de patients Noirs ou Latinos (Black and Lantinx) victimes de défaillance cardiaque. On parle d’ « épidémiologie antiraciste ». Les disparités ne sont que les effets du privilège blanc. La blanchité elle-même serait une pandémie, d’où des discours protogénocidaires.
Une réécriture de l’histoire sans aucune nuance
D’après le projet 1619, lancé par Nikole Hanna-Jones dans le New York Times en 2019, la date de fondation des États-Unis serait celle de l’arrivée du premier bateau transportant des esclaves. Dans ce projet, Matthew Desmond explique que, « pour comprendre la brutalité du capitalisme américain, il faut commencer par la plantation ». Les historiens qui exprimèrent leur désaccord furent rejetés parce que blancs. La contestation de certaines figures de l’histoire commença avec Christophe Collomb, les Confédérés, pour s’étendre, après la mort de Floyd, aux grandes figures de l’histoire américaine. L’Amérique se réduisait à une terre volée aux Indiens. Ce décolonialisme mijotait depuis quelques décennies, de Jean-Paul Sartre vantant l’analyse de Franz Fanon à Edward Saïd pour qui tout Européen est raciste, impérialiste et ethnocentrique.
Cette contestation radicale s’étendit dans le monde, notamment à tout ce qui avait trait à l’empire britannique. Nigel Biggar, Professeur Regius de morale et de théologie pastorale à Oxford, université qui connut une vive polémique à propos de Cecil Rhodes[2], proposa de lancer un projet intitulé « The ethics of empire ». 50 collègues d’Oxford condamnèrent son initiative dans une lettre publiée dans The Times. Vint s’ajouter une lettre signée par 170 universitaires, de tous les coins de la planète, traitant Biggar de raciste et de colonialiste cherchant à réhabiliter l’empire.
L’esclavage, comme la colonisation, n’est répréhensible que lorsqu’il est pratiqué par l’Occident. Oubliée la traite ottomane, pourtant de plus grande ampleur. Oubliés les raids de piraterie sur les côtes européennes. Pour Kendi, seule la traite des Africains est répréhensible. C’est bien pratique car cela permet d’adapter le récit du passé à celui sur le racisme occidental actuel. La question des réparations ne se pose évidemment pas aux Arabes qui ont castré leurs esclaves. On n’embête pas non plus la Turquie avec cela. L’esclavage qui perdure aujourd’hui, notamment dans certains pays africains, n’embarrasse guère la conscience des Occidentaux. Les sommes colossales dépensées par les Britanniques pour faire cesser la traite dans le monde ne comptent apparemment pour rien.
Churchill, sa statue mais aussi son prestige, devaient tomber dans la tempête anti-occidentale. Lors d’un débat intitulé « The Racial Consequences of Churchill », organisé par le Churchill College de Cambridge en février 2021, il fut traité de lâche pour ne pas avoir participé à la guerre, alors qu’il avait plus de 60 ans ! Pour l’universitaire, Kehinde Andrews, l’empire britannique avait été bien pire que les Nazis et la guerre aurait été de toute façon gagnée sans Churchill. La Shoah n’avait rien d’exceptionnel. Avec la victoire des Alliés, on était passé d’une suprématie blanche à une autre. Comme l’écrit Douglas Murray, si se défaire du plus grand ennemi ne compte pour rien toute action humaine est condamnée à la futilité. Churchill est en fait une cible privilégiée car, si sa réputation résiste, il reste quelqu’un à admirer en Occident. La crise des statues qui s’est répandue en Occident participe de cette réécriture de l’histoire qui signe l’ignorance de tout ce qu’il a accompli de bien mais aussi de tout le mal qui a pu se faire ailleurs.
La religion antioccidentale
Pour John McWorther, l’antiracisme est la nouvelle religion qui, en Occident, a pris la place de l’ancienne après l’étiolement des croyances chrétiennes. Elle a son péché originel (le privilège blanc), son jour du jugement dernier (en finir avec la race) et l’excommunication des hérétiques (la honte sociale, voire pire). On vénère les autres religions et cultures pour mieux dénigrer les siennes. On oublie ainsi ce que l’on doit à la civilisation occidentale et ce qui manque dans celles qu’on admire.
Tous les philosophes occidentaux sont racistes…
En 2018, Aristote a été accusé dans le Washington Post d’être « le père du racisme scientifique ». Pire, Aristote n’est pas aimé par les bonnes personnes puisque Charles Murray disait de lui, dans The Bell Curve, qu’il était son philosophe favori. Aristote se trouvait ainsi ramené au rang de précurseur, bien lointain, de l’extrême droite actuelle.
Les philosophes des Lumières sont des cibles de choix car ils ont mit l’accent sur les vérités vérifiables. Suite aux attaques qui ont visé David Hume à l’Université d’Edimbourg, celle-ci a annoncé qu’elle allait revoir les noms de tous ses bâtiments afin de détecter toute connexion avec la traite. Voltaire, dont la statue devant l’Académie française à Paris fut retirée après avoir subi diverses dégradations, fut décrit dans Foreign Policy par Nabila Ramdani comme ayant répandu les ténèbres. John Stuart Mill, difficilement épinglable pour son racisme, le fut parce qu’il aurait été favorable à l’empire. En fait, tous ces philosophes des Lumières ont eu le grand tort de vivre à leur époque.
… sauf les icônes dont les militants antioccidentaux se réclament
La tombe de Marx à Londres fait encore l’objet d’un pèlerinage, malgré l’hécatombe de ceux qui sont morts pour changer le monde. Lors de son 200ème anniversaire, en 2018, une statue de Marx a été offerte à Trèves en Allemagne par la Chine. Un cadeau qui ne se refuse pas ! Et pourtant, les courriers échangés avec Engels témoignent du racisme de Marx, notamment de son antisémitisme. Il ne s’opposait pas non plus à l’esclavage. Marx présente donc tout ce qu’on a reproché aux autres, en pire, mais il est protégé par l’arsenal théorique qu’il a élaboré, encore utile à ceux qui veulent renverser l’Occident. Il en va de même pour Michel Foucault, dont on connaît, par Guy Sorman, ses aventures pédophiles contre monnaie sonnante en Tunisie. Utile à la cause, on ne va pas lui en vouloir pour ça ! Imaginons ce qui serait advenu d’un conservateur prestigieux dont on nous aurait révélé ce type de comportement.
Le wokisme n’épargne pas les églises
L’Eglise anglicane a succombé, elle-aussi, à l’interprétation la plus négative d’elle-même alors qu’elle a soutenu Gandhi et fait campagne contre l’apartheid. John Sentamu, archevêque de York a décrit Floyd comme un bon chrétien qui travaillait à guider les jeunes et était contre la violence armée. Pour Sentamu aussi le racisme est partout et il l’entend même chuchoté sur les prie-Dieu. Aux Etats-Unis, l’Église épiscopale est sur le même chemin. Alors qu’elle a perdu une bonne partie de ses ouailles ces dernières années, elle n’hésite pas à morigéner les Blancs qui lui restent fidèles.
Les sciences et les maths dans la ligne de mire
On les pensait comme le refuge de la rationalité. À tort. En pleine pandémie The Lancet a publié un texte intitulé « Racisme, la crise de la santé publique » dans lequel elle se déclarait solidaire de Black Lives Matter (BLM) et prête à agir en conséquence. Les maths sont devenues une cible de choix. En effet, quoi de plus efficace pour démolir le système que de se débarrasser de tout ce qui se fonde sur les acquis en maths. Est donc contestée l’idée qu’il n’y aurait qu’une seule solution à un problème et, à l’été 2020, des professeurs de maths ont cherché à déconstruire l’hégémonie de 2+2=4. Si tout est dû au racisme, en finir avec le racisme suppose d’abaisser les performances et d’instituer une politique préférentielle raciste.
La culture, victime d’anachronisme et d’imputations idéologiques
Ce qui était encore admiré il y a peu est aujourd’hui vilipendé. C’est ainsi que la Tate Gallery se trouva au cœur d’une tourmente à propos de la peinture murale de son restaurant, réalisée dans les années 1920 par Rex Whistler (tué le 1er jour du débarquement en Normandie dans le tank qu’il commandait). Son œuvre était encore saluée par The Guardian en 2013, après qu’elle fut restaurée. Mais le restaurant est actuellement fermé suite à la cabale montée sur Instagram par les White Pube qui y laissèrent ce message très élaboré : « Fuck the Police, Fuck the State, Fuck the Tate: Riots and Reform ».
La littérature ne résiste pas mieux à l’examen sourcilleux de militants incultes. Ainsi Shakespeare est déclaré problématique parce que, dans Le songe d’une nuit d’été, il aurait fait allusion à la race lorsqu’il a écrit « Who would not trade a raven for a dove ? ». Tout le canon de la littérature anglaise y passe. La British Library a entrepris de créer une liste noire d’auteurs ayant un lien avec la traite et le colonialisme. Le poète Ted Hughes, né en 1930, a ainsi été déclaré coupable par association parce qu’il aurait eu un ancêtre impliqué dans la colonisation, Nicholas Ferrar, né en 1592. En fait, ce dernier est mort sans enfant et était l’auteur d’un pamphlet attaquant l’esclavage, avant même la traite britannique ! La British Library dut présenter ses excuses à la famille après que des chercheurs aient révélé l’imposture.
La musique classique n’a évidemment pas échappé aux attaques, qu’il s’agisse du répertoire (trop focalisée sur la musique créée du temps de l’esclavage), de la composition démographique des orchestres ou des touches de piano en ivoire.
Mais le jardinage lui-même est suspect et l’horticulture aussi souffrirait d’un racisme systémique (James Wong, The Guardian, 14/06/2020). Au Canada, John Douglas, professeur d’université, fit grand bruit lorsqu’il déclara qu’il fallait décoloniser les pelouses !
Confusion entre inspiration et admiration avec appropriation culturelle
La culture occidentale est accusée à la fois d’insularité, de repli sur elle-même et fustigée pour appropriation culturelle quand elle manifeste de l’intérêt pour les autres cultures. Son rapport à ces autres cultures ne peut pourtant pas se résumer à du pillage. Delacroix et Ingres, fascinés par l’Afrique du Nord ne lui ont rien volé. Ils l’ont admiré et s’en sont inspiré. Personne en Occident n’a l’intention d’accuser les musiciens asiatiques qui jouent et composent des musiques classiques d’appropriation culturelle. Au contraire.
Ce masochisme narcissique occidental qui dissèque son passé prive l’Occident d’une voix qui pourrait compter dans le combat contre les violations des droits dans le monde. L’adoption de la TCR est pourtant loin de faire l’unanimité en Amérique. Mais s’y opposer est risqué et chaque défaite sonne comme un avertissement pour les téméraires qui voudraient s’y hasarder. Le rédacteur adjoint du Journal of American Medical Association (JAMA) a payé cher son désaccord avec l’idée de racisme structurel suggérant que des personnes comme lui sont racistes. Après une campagne demandant son licenciement, le rédacteur en chef, coupable par association, dût lui aussi partir. Le New York Times évoqua l’affaire comme une « controverse raciste » (02/06/2021). Christofer Rufo, du Manhattan Institute, opposant majeur à la TCR, se trouva désarçonné lorsque Lamont Hill lui demanda, dans son émission, ce qu’il aimait dans le fait d’être un Blanc. Il finit par répondre qu’il ne pensait pas en ces termes, signe pour Hill, justement, de son privilège blanc. Comme l’écrit Douglas Murray, Rufo a donné la seule réponse respectable à laquelle on peut espérer survivre. Il a évité « l’option nucléaire » qui aurait consisté à dire qu’il avait eu la chance de naître dans une tradition qui avait donné au monde de grandes choses et ne pouvait se réduire à ses mauvaises actions. C’est d’ailleurs vers l’Occident, l’Amérique en premier, que se tournent les migrants en quête d’une vie meilleure et non vers la Chine qui pavoise devant cette folie occidentale et ne manque pas une occasion de morigéner l’Occident. En 2021, lors d’une réunion du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, le ministre des affaires étrangères Zhao Lijian ne s’est pas privé de lui faire la leçon : « Nous exhortons les pays occidentaux concernés de prendre au sérieux l’inquiétude de la communauté internationale, de prendre des mesures concrètes pour résoudre la question du racisme systémique et de la discrimination raciale afin, non seulement de promouvoir et protéger les droits de l’homme chez eux, mais aussi de contribuer ainsi au bon développement de la cause des droits de l’homme au niveau international » (p. 77).
[1] https://www.wsj.com/podcasts/opinion-free-expression/douglas-murray-and-the-war-on-western-culture/88483b1f-08dd-4d61-982d-5f11f9b21311.
[2] Grand donateur à Oxford. Des bourses à son nom sont devenues en 2003 des bourses Rhodes-Mandela.