Ce que j’écris aujourd’hui relève du tabou absolu et je suis bien conscient que je vais m’attirer les foudres ou le mépris de tout le monde, surtout de mes amis gaullistes. Gaulliste, je le suis plus que quiconque, car je suis de ceux qui considèrent le Général comme la plus grande figure nationale de tous les temps. L’Appel du 18 juin dans la solitude absolue au lendemain de la pire débâcle jamais subie par le pays, représente à mes yeux, paradoxalement, le sommet de l’histoire de France par son audace et son caractère prophétique. En revanche, il faut juger des institutions politiques sur leurs résultats. C’est triste à dire, à constater, presque un déchirement, mais comment ne pas voir dans quel abîme se trouve la France aujourd’hui, la France de la Ve République créée par de Gaulle en 1958. Nous avons eu une décolonisation algérienne inévitable mais extrêmement douloureuse, qui a laissé encore des stigmates dans une partie de la population celle des rapatriés, puis la révolte de mai 1968, cette énorme fracture dont on ne retient aujourd’hui que les aspects sympathiques, le déclin progressif de l’économie française – par rapport à l’Allemagne ou la Grande-Bretagne – l’effacement de la France dans le monde, la montée constante des tensions communautariste et des violences, le chaos des banlieues, le chômage massif et sa hausse inexorable depuis 40 ans, l’impuissance publique à régler les difficultés des Français, la confiscation du pouvoir par une caste de politiciens sans envergure, une montée électorale vertigineuse d’un courant extrémiste que nous n’avions pas connue même dans les années 1930. Bref, il faut sortir du dogme et ouvrir les yeux, quitte à se faire mal: la Ve république semble être globalement un échec; en tout cas, le débat sur ce thème est légitime et doit être ouvert.
Maxime TANDONNET