Autrefois, le clivage droite/gauche se fondait sur l’opposition conservatisme/progressisme. La « droite » prônait le maintien de l’ordre des choses, de la propriété privée et des hiérarchies économiques et sociales. La « gauche » préconisait la redistribution, la propriété collective des moyens de production, l’égalitarisme. Cette fracture n’a plus lieu d’être dans un pays fortement socialisé où la dépense publique représente plus de la moitié du revenu national et les prélèvements 47%. Comment aller encore au-delà dans la voie d’une collectivisation dont les résultats, sur le long terme, sont d’ailleurs effroyables si l’on en juge par le poids de la pauvreté en France (8,6 millions de personnes)? Quant à revenir en arrière et sortir de ce schéma, nul n’y songe sérieusement, tant cela supposerait de volonté et du courage politique. D’où la neutralisation ou la dépolitisation, de facto, du sujet économique et social. Les notions de droite et de gauche servent désormais d’étiquettes creuses pour désigner une majorité et une opposition.
Les milieux intellectuels tendent aujourd’hui à substituer au clivage droite/gauche le clivage France mondialisée/France périphérique. Les « élites mondialisées », prétendues éclairées, incarneraient l’ouverture, les grands horizons, vivant dans les centres urbains suivant des études universitaires et votant Macron et LERM. La France périphérique, au contraire, est censée habiter dans les banlieues populaires, le monde rural, voter le Pen et Mélenchon, gagnée par le repli. Ce schéma, largement admis, est-il généralisable? Est-il aussi pertinent qu’il n’y paraît? Le village global, Internet, le i-phone, les voyages, les réseaux sociaux, la culture planétaire (américaine), touchent 80% des Français, y compris de la banlieue et de la ruralité. Quant à la France supposée « ouverte », privilégiée, elle est infiniment plus diversifiée dans ses modes de pensée que l’image facile d’une classe post-nationale qui transcende les frontières.
Le vrai clivage politique, celui de l’avenir, même s’il est imperceptible aujourd’hui, se situe ailleurs. Il réside entre « politique spectacle » et « politique des réalités ». La vie politique a peu à peu basculé dans un monde artificiel, ou tout n’est qu’image narcissique, dissimulations (des faits, des chiffres), postures, fausseté, annonces vaporeuses, coups médiatiques, phrases ou mots chocs, manipulations autour de réformes inconsistantes présentées comme révolutionnaires, polémiques, affichage médiatique. La politique s’éloigne constamment du monde des réalités sur lequel elle ne cherche même plus à avoir prise et, adossée au principe de vanité, s’enfonce dans la négation du bien commun. Plus elle plonge dans le narcissisme, plus elle fuit le monde réel celui du chômage de masse, de la désindustrialisation, de la dette publique, de l’écrasement fiscal, de la violence, de l’immigration incontrôlée et de la crise de l’éducation. Aujourd’hui, nous avons atteint la quintessence d’une longue dérive. Alors, comment redécouvrir la politique comme action authentique, volonté générale, gouvernement et choix d’un destin? Tel est le grand défi du futur. Aujourd’hui, il est invisible dans la brume d’un abêtissement général et organisé. Comment réinventer la politique des réalités, honnête, tournée vers l’intérêt général et non les satisfactions d’ego d’une infime minorité? Comment réhabiliter, contre le souverain mépris, le sens de la res publica?
Maxime TANDONNET