Le septennat: une double promesse illusoire (pour Figaro Vox)

Je ne dis pas que cela ne serait pas une bonne chose, mais je dis que cela ne se fera pas.

Le président-candidat Emmanuel Macron s’est prononcé en faveur d’un retour au septennat lors d’une interview au Point le 12 avril. Il rejoignait ainsi son adversaire Marine le Pen qui préconise elle aussi cette réforme institutionnelle. Quelle signification peut avoir cette soudaine et inattendue conjonction ?

Le président de la République française était élu pour sept ans depuis les lois constitutionnelles de 1875 fondant la IIIe République. Au fil des années, cette durée, excédant celle du mandat parlementaire (quatre ou cinq ans), avait un sens. Le chef de l’Etat était placé au-dessus de la mêlée politique. Il incarnait la continuité de l’Etat, chargé de fixer un cap au pays, de le représenter à l’international, garant de sa sécurité et de son intégrité territoriale. En revanche, incombait au président du Conseil (ou Premier ministre depuis 1958) et aux ministres, le gouvernement du pays au quotidien et la défense de sa politique devant le Parlement. L’élection du chef de l’Etat au suffrage universel (auparavant, il était désigné par le Parlement, puis un collège de notables en 1958), à partir de 1962, ne remettait pas en cause fondamentalement cette logique d’un président de la République guide de la nation, irresponsable devant le Parlement, chargé de l’essentiel et déléguant la conduite de la politique intérieure au Premier ministre et au Gouvernement.

Le quinquennat adopté en 2000 a contribué à transformer la fonction présidentielle. Elu juste avant l’Assemblée nationale et la durée de son mandat se confondant avec celle des députés, le chef de l’Etat est tombé du piédestal où le septennat l’avait placé. La fonction s’est banalisée ou désacralisée, faisant de lui le chef d’une majorité à l’Assemblée nationale, l’équivalent d’un président du Conseil d’autrefois, irresponsable pendant cinq ans. Sa mission principale est désormais de mettre en œuvre les promesses sur lesquelles il s’est fait élire en s’appuyant sur des députés, élus dans la foulée de son élection et qui lui sont entièrement redevables de leur mandat. En devenant une sorte de super-chef de gouvernement élu au suffrage universel, médiatisé à outrance, incarnant à lui seul la substance du pouvoir politique, cette « hyperprésidence » aboutissait à neutraliser le Premier ministre, devenu un simple « collaborateur » et faire-valoir du rayonnement élyséen.

 En se prononçant pour le septennat, les deux candidats du second tour signifient qu’ils entendent renouer avec une présidence de la République, visionnaire, impartiale, protectrice et déléguant au Premier ministre le soin du gouvernement du pays. La prise de position du président Macron peut même s’interpréter comme procédant d’un regard rétrospectif critique envers son propre quinquennat dominé par le « coup d’éclat permanent ».

Pourtant, cette conversion tardive, sur un point aussi fondamental pour l’équilibre des institutions, a probablement d’autres motivations. L’une d’elle est électoraliste. Emmanuel Macron a prouvé qu’il était un orfèvre dans l’art de déposséder ses adversaires de leurs thèmes favoris de campagne. Après le report de la retraite à 65 ans pour séduire la droite (suivie d’un rétropédalage après le premier tour), parler désormais d’un retour au septennat est une manière de marcher sur les plates-bandes de son adversaire.

Cependant, le président Macron, semble-t-il se distingue de cette dernière en s’opposant au principe de septennat « non renouvelable » en vertu de la liberté de choix de l’électorat. Faut-il lire dans cette déclaration une intention voilée de remise en cause de la disposition constitutionnelle selon laquelle le mandat présidentiel ne peut être renouvelé qu’une seule fois ? Et cela dans la perspective d’une éventuelle troisième candidature ?

Ce qui est certain, c’est que les promesses ou les annonces électorales de révision constitutionnelle sont les plus difficiles à tenir ou à mettre en œuvre. Elles ne peuvent se réaliser qu’avec l’accord des deux assemblées puis un référendum ou un vote des 3/5ème des parlementaires au Congrès de Versailles. La réduction du nombre de parlementaires et la proportionnelle, promises en 2017 n’ont ainsi jamais vu le jour. Quel que soit le futur chef de l’Etat, il est vraisemblable que le retour au septennat, sujet infiniment plus sensible, se heurtera à des obstacles considérables.

D’ailleurs, les promesses grandiloquentes – et généralement oubliées – sont souvent le signe de l’impuissance ou le masque d’arrière-pensées toute autre. Si vraiment le futur chef de l’Etat souhaitait revenir à une conception équilibrée – républicaine – du fonctionnement des institutions, fondées sur un chef de l’Etat impartial et fixant le cap, responsable de la politique étrangère et de défense, un Premier ministre véritable chef de Gouvernement et un Parlement souverain et contrôlant efficacement l’exécutif, il n’est pas besoin de révolution constitutionnelle, ni de la VIème République chère à M. Mélenchon, ni même d’un hypothétique retour au septennat.

Il suffirait d’appliquer sérieusement les articles 5, 20 et 21 de la Constitution de 1958. Une décision pratique toute simple, sans la moindre réforme législative ou constitutionnelle, permettrait d’ailleurs à restaurer un fonctionnement des institutions respectueux de la démocratie parlementaire : faire élire l’Assemblée nationale avant le président de la République – ce qui reviendrait à rendre au Parlement son autorité et son prestige, au Gouvernement sa mission fondamentale et au chef de l’Etat la sienne. Mais il est tellement plus facile de tracer des plans sur la comète que d’assumer des choix parfaitement réalistes qui auraient un impact direct et immédiat…

MT

Author: Redaction

Le septennat: une double promesse illusoire (pour Figaro Vox)

Je ne dis pas que cela ne serait pas une bonne chose, mais je dis que cela ne se fera pas.

Le président-candidat Emmanuel Macron s’est prononcé en faveur d’un retour au septennat lors d’une interview au Point le 12 avril. Il rejoignait ainsi son adversaire Marine le Pen qui préconise elle aussi cette réforme institutionnelle. Quelle signification peut avoir cette soudaine et inattendue conjonction ?

Le président de la République française était élu pour sept ans depuis les lois constitutionnelles de 1875 fondant la IIIe République. Au fil des années, cette durée, excédant celle du mandat parlementaire (quatre ou cinq ans), avait un sens. Le chef de l’Etat était placé au-dessus de la mêlée politique. Il incarnait la continuité de l’Etat, chargé de fixer un cap au pays, de le représenter à l’international, garant de sa sécurité et de son intégrité territoriale. En revanche, incombait au président du Conseil (ou Premier ministre depuis 1958) et aux ministres, le gouvernement du pays au quotidien et la défense de sa politique devant le Parlement. L’élection du chef de l’Etat au suffrage universel (auparavant, il était désigné par le Parlement, puis un collège de notables en 1958), à partir de 1962, ne remettait pas en cause fondamentalement cette logique d’un président de la République guide de la nation, irresponsable devant le Parlement, chargé de l’essentiel et déléguant la conduite de la politique intérieure au Premier ministre et au Gouvernement.

Le quinquennat adopté en 2000 a contribué à transformer la fonction présidentielle. Elu juste avant l’Assemblée nationale et la durée de son mandat se confondant avec celle des députés, le chef de l’Etat est tombé du piédestal où le septennat l’avait placé. La fonction s’est banalisée ou désacralisée, faisant de lui le chef d’une majorité à l’Assemblée nationale, l’équivalent d’un président du Conseil d’autrefois, irresponsable pendant cinq ans. Sa mission principale est désormais de mettre en œuvre les promesses sur lesquelles il s’est fait élire en s’appuyant sur des députés, élus dans la foulée de son élection et qui lui sont entièrement redevables de leur mandat. En devenant une sorte de super-chef de gouvernement élu au suffrage universel, médiatisé à outrance, incarnant à lui seul la substance du pouvoir politique, cette « hyperprésidence » aboutissait à neutraliser le Premier ministre, devenu un simple « collaborateur » et faire-valoir du rayonnement élyséen.

 En se prononçant pour le septennat, les deux candidats du second tour signifient qu’ils entendent renouer avec une présidence de la République, visionnaire, impartiale, protectrice et déléguant au Premier ministre le soin du gouvernement du pays. La prise de position du président Macron peut même s’interpréter comme procédant d’un regard rétrospectif critique envers son propre quinquennat dominé par le « coup d’éclat permanent ».

Pourtant, cette conversion tardive, sur un point aussi fondamental pour l’équilibre des institutions, a probablement d’autres motivations. L’une d’elle est électoraliste. Emmanuel Macron a prouvé qu’il était un orfèvre dans l’art de déposséder ses adversaires de leurs thèmes favoris de campagne. Après le report de la retraite à 65 ans pour séduire la droite (suivie d’un rétropédalage après le premier tour), parler désormais d’un retour au septennat est une manière de marcher sur les plates-bandes de son adversaire.

Cependant, le président Macron, semble-t-il se distingue de cette dernière en s’opposant au principe de septennat « non renouvelable » en vertu de la liberté de choix de l’électorat. Faut-il lire dans cette déclaration une intention voilée de remise en cause de la disposition constitutionnelle selon laquelle le mandat présidentiel ne peut être renouvelé qu’une seule fois ? Et cela dans la perspective d’une éventuelle troisième candidature ?

Ce qui est certain, c’est que les promesses ou les annonces électorales de révision constitutionnelle sont les plus difficiles à tenir ou à mettre en œuvre. Elles ne peuvent se réaliser qu’avec l’accord des deux assemblées puis un référendum ou un vote des 3/5ème des parlementaires au Congrès de Versailles. La réduction du nombre de parlementaires et la proportionnelle, promises en 2017 n’ont ainsi jamais vu le jour. Quel que soit le futur chef de l’Etat, il est vraisemblable que le retour au septennat, sujet infiniment plus sensible, se heurtera à des obstacles considérables.

D’ailleurs, les promesses grandiloquentes – et généralement oubliées – sont souvent le signe de l’impuissance ou le masque d’arrière-pensées toute autre. Si vraiment le futur chef de l’Etat souhaitait revenir à une conception équilibrée – républicaine – du fonctionnement des institutions, fondées sur un chef de l’Etat impartial et fixant le cap, responsable de la politique étrangère et de défense, un Premier ministre véritable chef de Gouvernement et un Parlement souverain et contrôlant efficacement l’exécutif, il n’est pas besoin de révolution constitutionnelle, ni de la VIème République chère à M. Mélenchon, ni même d’un hypothétique retour au septennat.

Il suffirait d’appliquer sérieusement les articles 5, 20 et 21 de la Constitution de 1958. Une décision pratique toute simple, sans la moindre réforme législative ou constitutionnelle, permettrait d’ailleurs à restaurer un fonctionnement des institutions respectueux de la démocratie parlementaire : faire élire l’Assemblée nationale avant le président de la République – ce qui reviendrait à rendre au Parlement son autorité et son prestige, au Gouvernement sa mission fondamentale et au chef de l’Etat la sienne. Mais il est tellement plus facile de tracer des plans sur la comète que d’assumer des choix parfaitement réalistes qui auraient un impact direct et immédiat…

MT

Author: Redaction