La vie publique nationale ressemble chaque jour un peu plus à un trou noir où s’abîment nos idéaux, nos convictions, nos espérances. A quoi se résume-t-elle en effet ?
– Une dictature des passions individuelles haineuses, le règne des règlements de compte, des détestations gratuites, de l’envie de tuer ;
– Une personnalisation des enjeux qui frôle la bêtise quand les jeux de personnes et d’ambitions l’emportent sur tout le reste ;
– Un monde sans foi ni loi, nihiliste, où absolument tous les coups sont permis, y compris les pires horreurs, non pas sanglantes (puisque notre époque a Dieu merci horreur du sang), mais au regard des valeurs et des principes démocratiques ou de la simple éthique et sens du respect d’autrui ;
– Un néant politique total, l’absence de tout sens de l’avenir, du bien commun, d’idéal, de programme, de projet.
– Un sectarisme sans précédent, une guerre civile froide qui touche à des niveaux d’absurdité jamais atteints dans la mesure où elle repose sur du vide ;
– Un univers névrotique, franchouillard (au mauvais sens de l’expression) replié sur lui-même, à courte vue, incapable de tout recul, de prendre de la perspective, d’ouvrir les yeux sur la vaste monde et sur l’histoire ;
– L’absence de perspectives d’avenir : nulle personnalité nouvelle n’est là pour incarner l’espoir (M. Juppé et M. Fabius, en tête des sondages d’opinion, ne représentent pas vraiment la nouveauté…), nul courant, nulle équipe, nul programme ne semble émerger.
Est-ce le reflet global d’un pays qui s’effondre dans son ensemble, en particulier sur le plan intellectuel, celui de l’esprit critique ? Est-ce une grande illusion médiatique, un écran de fumée recouvrant un pays qui regorge de créativité, d’énergie et de dynamisme ? Pour tout dire, je n’en sais rien… Mais je trouve que les élections municipales offrent une respiration, une bouffée d’air frais – faute d’être forcément pur – dans ce climat morbide. Les mairies sont un lieu où s’expriment l’engagement au service d’autrui, le sens des projets concrets et réalistes, la modération et le dialogue – en dehors des clivages partisans – l’ambition de se rendre utile. Bref, la tentation de l’abstention aux municipales pour punir la classe politique (que je dénonce dans le Figaro du 21 mars) est à mes yeux un contresens. Je suis d’ailleurs de plus en plus convaincu qu’un éventuel renouveau du pays partira non pas du "star system", mais de la base, du terrain, des citoyens qui s’engagent dans la discrétion et l’anonymat en faveur de l’intérêt général.
Maxime TANDONNET