A la fin de la deuxième guerre mondiale, le gaullisme fut me semble-t-il une tentative de sortir la France de la dictature des idéologies dont elle avait tant souffert, en renouvelant et modernisant l’idée de Nation, autour de la sublimation de l’Appel du 18 juin 1940. Aujourd’hui, le gaullisme est noyé dans un vague consensus autour du souvenir déformé, dévoyé et du relativisme sur le discours et l’action du général. Quand tout le monde se dit gaulliste, jusqu’aux descendants idéologiques de ses pires détracteurs (de gauche ou de droite), plus personne ne l’est en vérité. L’œuvre du général de Gaulle, la Libération et l’indépendance nationale, la décolonisation, la fin de la guerre d’Algérie, la mise en place d’institutions efficaces permettant de gouverner (et aujourd’hui perverties), le rejet de la supranationalité, la modernisation et l’ouverture de l’économie française à la mondialisation, la participation – n’est plus aujourd’hui qu’un champ de ruine. Et cet effondrement a ouvert un boulevard au retour des idéologies qui ont perdu la France dans l’entre deux guerres, sous des habits différents – idéologies déguisées, travesties – mais au contenu inchangé. Le marxisme s’exprime dans l’obsession d’éradiquer le passé, de détruire la société traditionnelle, de pratiquer la politique de la table rase, d’engendrer un homme nouveau, jadis par la révolution prolétarienne, aujourd’hui par le communautarisme forcené, la destruction des repères traditionnels à l’image de « la théorie du genre ». La droite protestataire (ex-ligues) est aussi de retour, triomphante, avec sa phobie de la mondialisation, du complot planétaire, sa haine de l’Amérique, ses lubies protectionnistes. Le radicalisme ressurgit lui aussi du néant, avec son mélange caractéristique d’esprit de clocher électoraliste, d’individualisme et d’anti christianisme forcenés. La vie politique française, après avoir tué le Père, est désormais l’otage de ces spectres idéologiques qui la hantent et la privent aujourd’hui de toute issue apparente. Certes, le gaullisme ne peut sans doute pas renaître tel quel dans un monde qui a changé, mais le redressement du pays repose toujours sur une volonté de transformation profonde et passe par une victoire sur les vieux démons du déclin.
Maxime TANDONNET