L’avez-vous constaté? Plus personne ou presque ne se dit « de gauche » dans la classe dirigeante française au pouvoir depuis l’avènement du supposé « nouveau monde« . Auparavant, ils n’avaient que le mot « gauche » à la bouche et soudain, ce terme se trouve comme désuet, banni. A la place, ils ont ressorti celui de « progressiste« .
Lui aussi est vieux comme le monde. Le camp communiste, en ses heures de gloire et de domination, se définissait comme « progressiste » par opposition à la bourgeoisie « réactionnaire». Nikita Khrouchtchev parlait en 1937 de Staline comme du « phare et guide de l’humanité progressiste ». En 1949 au moment du 70e anniversaire de Staline, Malenkov présentait le Tsar rouge comme un « guide de l’humanité progressiste (« Tovarishch Stalin – vozhdʹ progressivnogo chelovechestva ») [source, Wikipedia].
De fait, le mot progressiste, tel qu’il qualifie aujourd’hui l’idéologie dominante au pouvoir en France, n’aurait plus rien à voir en apparence. Il se différencie de celui de gauche par le rapport à l’argent et au peuple. La gauche se prétend – pour l’affichage – hostile à l’argent. Le progressisme français actuel lui voue au contraire un culte sans fard. En un sens, il est donc proche de la notion de gauche caviar. La gauche s’affirme – là encore pour l’affichage – l’amie du peuple. Le progressiste d’aujourd’hui le méprise sans état d’âme. Le progressisme actuel se définit par son mouvement – sa marche – plus que par son contenu. Il consiste pour l’essentiel à embrasser l’air du temps: climatisme, jeunisme, féminisme, sans-frontièrisme, post-nationalisme, ultra-narcissisme…
Cependant, le progressisme d’aujourd’hui en France recouvre, par delà les différences de forme, des analogies avec celui d’hier, celui des années totalitaires, transposées dans une monde bien entendu profondément différent, apuré de la brutalité sanguinaire visible : un culte de la personnalité éhonté; le principe de la table rase, c’est-à-dire la volonté d’anéantissement de tout ce qui est de nature à lui faire obstacle ou lui porter ombrage; la quête de l’ennemi à détruire à tout prix, jadis le « bourgeois », le « réactionnaire », aujourd’hui « le populisme »; la banalisation de la propagande sous couvert de « communication »; la prétention à se perpétuer indéfiniment dans le temps; la négation de toute opposition autre que son supposé contraire, et de fait, son alter ego et complice, l’extrémisme de droite ou de gauche. « Progressisme » et « extrémisme » sont ainsi les deux facettes d’une même réalité. La grande question de notre époque politique est : comment en sortir?
Maxime TANDONNET