Nous vivons une époque de grand paradoxe. La France n’a jamais eu autant besoin d’être pilotée, gouvernée, dirigée… Le pays compte 6 millions de chômeurs. Il est ensanglanté par le terrorisme. Ses périphéries urbaines sont en feu. Rarement depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, le contexte européen et international n’aura été aussi instable et incertain: Europe, Moyen-Orient, Etats-Unis. Mais depuis le début de l’année 2017, le naufrage de la politique française s’accélère. Le lynchage hystérique de M. Fillon est le signe le plus flagrant de la démence qui s’est emparée de « la France d’en haut », politique et médiatique. Mais la médiocrité ne s’arrête pas là, prenant des proportions vertigineuses. Ce nihilisme s’exprime dans le culte de la personnalité qui accapare les esprits. Sans leur faire de publicité, je suggère d’aller jeter un coup d’œil sur les clips de campagne de certains candidats. Quand le narcissisme et la mégalomanie atteignent un niveau d’obscénité qui frise la démence. Si l’on avait envie de rire, un grand éclat de rire serait la réponse appropriée. Mais nul n’a envie de rire. Et puis cette nouvelle polémique minable sur la supposée sexualité d’un candidat, le favori des sondages! Jamais un tel niveau de médiocrité et de crétinerie n’avait été atteint. Jamais non plus je n’avais entendu un tel délire de propositions démagogiques irréelles ou provocatrices, venues de tous les camps: « revenu universel » à 400 milliards d’euros, légalisation du cannabis, « visa humanitaire » pour les victimes de la pauvreté (1 milliard de personnes selon la Banque mondiale, vit avec moins de 1,9 dollar/jour), taxe de 3% sur l’ensemble des importations y compris d’Europe (peu importe l’engrenage des représailles!), retour à la retraite à 60 ans, « préférence nationale » dans la Constitution (ou discrimination légalisée). Toutes ces mesures sont aussi débiles et fantasmatiques les unes que les autres. D’apparence opposée, elles se rejoignent dans la démagogie et le déni du réel. Elles sont contraires aux réalités financières, internationales, à l’Etat de droit, aux équilibres sociaux et aux engagements de la France. La fuite dans le délire général s’accélère et la politique s’éloigne, à une vitesse vertigineuse, du monde des réalités. Entre lynchage, culte hystérique de la personnalité, polémiques sexuelles, propositions débiles, jamais, jamais, jamais, depuis l’invention de la politique, une campagne électorale, dans l’histoire de la démocratie française, n’aura été aussi minable. Nous avons atteint, sinon dépassé, le niveau de médiocrité de la campagne américaine dont nous nous gaussions. Plus la France a besoin d’être gouvernée, plus sa vie politique sombre dans l’hystérie, la mégalomanie, la démence. Tout cela rappelle les années 1920 et 1930, et le triomphe des régimes totalitaires. Mais le plus effroyable est l’aveuglement, l’indifférence générale de la classe politique et de la Nation. Il faudrait qu’un homme politique, un seul, un député ou un sénateur, commence à dire: cela ne peut pas durer, il faut reconstruire la vie politique française de A à Z. Pas seulement les institutions – en finir avec le poison du présidentialisme, au cœur de la démence collective – mais la culture politique elle-même, ce qui est encore plus complexe et une œuvre de longue haleine.
Maxime TANDONNET