Alain Juppé vient de déclarer que le "match pour 2017" venait de commencer.
Je ne comprends pas. Alain Juppé est une belle intelligence, ayant écrit un ouvrage de qualité sur Montesquieu, lauréat des plus grandes écoles, excellent, exceptionnel maire de Bordeaux et ministre des Affaires étrangères. Pourtant, je trouve que ce propos est totalement à côté de la plaque, à mille lieues des réalités, du ressenti de la France. Non, les Français ne veulent en aucun cas d’un match. Un match est destiné au plaisir, à s’amuser, au jeu… Or, les Français ne jouent pas. Ils souffrent dans leur chair du chômage massif de 3,4 à 6 millions de personnes, de l’exclusion des jeunes, du drame des banlieues à la dérive, du sentiment de déclin de leur pays sur la scène internationale, en Europe. Ils attendent de la politique, non des matchs, combats de coqs ridicules, ni même des solutions miracles auxquelles ils ne croient pas en dehors de quelques naïfs. Ils sont 78% à ne plus faire confiance en la politique (CEVIPOF janvier 2014). La montée de l’abstention et du vote protestataire, dit "anti-système" n’est rien d’autre que le fruit de cette déception, de ce sentiment d’incrédulité face à la politique. Non , les Français ne sont pas des abrutis à qui l’on peut vendre des matchs comme l’opium du peuple, y compris des matchs politiques. En mon intime conviction, je suis même convaincu qu’ils se foutent comme de leur première chemise aujourd’hui de savoir qui fanfaronnera en 2017 sous les ors de ce fameux Palais que Poincaré qualifiait de "maison des morts", Auriol de "prison" et de Gaulle de "caserne". Ils veulent être pris cinq minutes au sérieux et qu’alors, on arrête de les promener et de les manipuler avec des grands spectacles ou petites phrases ridicules.
Maxime TANDONNET