“Dans quelle mesure trouvez-vous que le gouvernement français gère bien, ou mal, l’épidémie de coronavirus?”, 59% des personnes interrogées entre le 26 et 27 mars répondent par la négative, contre 36% qui pensent l’inverse. Ce score traduit un bond spectaculaire de 18 points d’opinions négatives par rapport à la vague réalisée les 19 et 20 mars derniers (sondage institut Yougov)
Grosso modo, les deux tiers des Français ne font pas confiance à leurs autorités politiques pour faire face à la crise du coronavirus. Dans une période aussi tragique – 2000 morts annoncés – cette crise de confiance, en plein cataclysme, est quelque chose d’inédit et de monstrueux.
Elle est le produit de la faute originelle de la politique française, sa faute éternelle, la source de son mal profond et de sa déchéance. Les dirigeants politiques n’ont de cesse que de prendre les gens pour des c… pardon, pour des imbéciles. Ce n’est pas que le peuple ait par définition toujours raison. La vox dei n’est qu’un mythe parmi d’autre. Le peuple se trompe parfois, notamment quand il vote. Simplement, en tant qu’être collectif, il n’est pas aussi stupide que ne le croient intimement, profondément, même inconsciemment, les milieux du pouvoir.
L’image assumée du « thaumaturge », le président comme un roi de France qui guérit par sa seule présence, en témoigne. Les milieux dirigeants sont animés par la certitude qu’on peut indéfiniment mener le peuple par des « songes » comme disait l’autre (Chateaubriand), l’apprivoiser, le diriger par des histoires, des légendes, des contes ou des mensonges. Ils croient que les mots « union sacré, guerre, guerre, guerre, (même quand la tragédie est, par sa nature, tout autre chose qu’une guerre), l’invocation des tranchées et de Clemenceau suffisent à emporter la conviction. Autrefois, on parlait de propagande, sans que ce mot n’ait le caractère péjoratif qu’il a pris. Aujourd’hui, on dit communication: le sens est le même. La propagande ou la communication ont leurs limites.
En cette période si difficile, les Français attendent de leurs dirigeants autre chose que du cinéma et de la frime ou toute autre manifestation de vanité. Ils attendent un discours simple, concret et authentique, les yeux dans les yeux : où sont les masques et les tests de dépistages, les places en réanimation? Pourquoi rien n’a-t-il été anticipé depuis janvier? Pourquoi ce sinistre fiasco de la puissance publique? Et que fait-on pour y remédier? Pourquoi s’est-on si lourdement, si longuement et si gravement trompé sur l’ampleur de la maladie? Pourquoi ses plus hauts dirigeants les ont-ils invités, encore jusqu’au 11 mars, à continuer à vivre sans changer leurs habitudes, avant de basculer cinq jours plus tard dans un autre monde?
Les Français n’attendent pas des miracles de leurs dirigeants, mais un minimum, un minimum de vérité, de sincérité – voire même de mea culpa. La question de « l’unité nationale » n’a strictement rien à voir. Ceux qui ont fauté ou se sont trompé, ont été négligents ou défaillants, doivent assumer leurs erreurs en temps réel pour éviter qu’elles ne se reproduisent indéfiniment et ouvrir d’autres pistes.
Le professeur Juvin, un grand scientifique, méritant notre confiance en tant que médecin, accuse les « conseillers » de trahison (sic) et dédouane les grands « politiques ». Le professeur Juvin, qui encore une fois, comme médecin et scientifique, mérite notre infini respect, commet-là une erreur fatale: de fait, les politiques choisissent eux-mêmes leurs conseillers et sont donc responsables de ce choix. Si par malheur, ils laissent les conseillers décider à leur place, ils sont aussi entièrement responsables et fautifs de leur propre démission. S’ils gardent auprès d’eux des conseillers incompétents ou malhonnêtes, ils sont aussi responsables de leur maintien. Enfin, la vérité, c’est que les grands maîtres actuels de la politiques n’écoutent pas vraiment leurs conseillers ou si rarement. Convaincus, à tort, de la supériorité de leur instinct, ils n’écoutent bien souvent qu’eux mêmes. Ensuite, il est facile de chercher des boucs émissaires et de dédouaner les véritables responsables en accusant les conseillers de trahison.
Maxime TANDONNET