Voici ma dernière tribune, concernant l’échec de Nicolas Sarkozy à la primaire, pour Figaro Vox. J’y exprime exactement ce que je pense, sans idolâtrie mais avec respect et profonde sincérité. Pour tout dire, je n’ai jamais cru à son retour à la tête du pays, pas un instant, et encore moins depuis qu’il a repris la tête des républicains en septembre 2014. La roue tourne, le fleuve coule et ne revient jamais en arrière comme il le disait lui-même. D’où mon silence à ce propos. D’ailleurs, je ne crois pas non plus au sauveur ou à l’homme providentiel dans le monde moderne. Je sais que beaucoup de personnes ne le supportent pas. Elles ont tort. A la différence de tous ceux qui le haïssent ou le méprisent, moi, je le connais un peu, l’ai fréquenté pendant 7 ans où j’étais l’un de ses conseillers et je dirais même, en certaines périodes, proche conseiller. Il y a une chose que je suis viscéralement incapable de comprendre et d’admettre: que des gens qui lui doivent absolument tout, qui n’existeraient pas sans lui, et qui grâce à lui ont fait carrière en politique, élus députés, parfois même nommé ministres, se retournent contre lui et trahissent. C’est quelque chose qui échappe à mon entendement. Aujourd’hui, il a chuté, certes, mais il est impossible de monter sans retomber un jour. La politique est un jeu qui finit toujours mal, notamment pour les plus grands.
Maxime
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Maxime Tandonnet : «Le départ de Nicolas Sarkozy laisse un grand vide»
On l’aime ou on le déteste. Il fascine ou il exaspère. Parfois les deux en même temps. Pour la première fois depuis une bonne quinzaine d’année, sa voix bruyante ou silencieuse est absente du débat public. Depuis une semaine, une éternité… Son allocution de dimanche soir, à l’issue de sa défaite, était d’une grande dignité. On l’a beaucoup dit. De fait, elle était à son image, conforme à sa personnalité.
Nicolas Sarkozy a chamboulé la manière de faire de la politique en France. Dans ce domaine, il fut un précurseur, un créateur. Il faut se souvenir qu’en 2002, la France sortait d’une longue période de glaciation à droite. Depuis 1981, elle a été au pouvoir dans le cadre de la cohabitation avec un président socialiste (1986-1988 et 1993-1995). Ou alors, elle détenait l’Elysée mais avec une Assemblée et un gouvernement socialiste (1997-2002). Elle n’a été réellement au pouvoir que pendant deux ans (1995-1997). Son attitude était aseptisée: sur des sujets comme la sécurité, les frontières ou l’autorité de l’Etat, qui préoccupent tellement les Français, jusqu’à 2002, il fallait être prudent et se taire, y compris à droite.
Sarkozy a fait sauter le couvercle, notamment comme ministre de l’Intérieur en revendiquant haut et fort sa volonté de restaurer l’autorité et la sécurité. Il a réveillé son camp politique en choisissant de parler sans tabou de ces sujets. Il n’a pas craint d’affronter le politiquement correct ou ce qu’il appelle la «pensée unique». Il n’a pas eu peur de bousculer les convenances, l’idéologie dominante. Ce courage politique est vraiment sa marque de fabrique. Il n’a pas peur des coups, des moqueries, des insultes. Il aime l’affrontement, la polémique. Il existe un style Sarkozy, fondé sur le mouvement permanent, l’expression d’une énergie dans l’action, la médiatisation à outrance et la communication.
Il a poussé très loin la personnalisation de la politique. Trop loin? Il a développé une sorte d’autorité personnelle, un charisme sans équivalent. C’est à la fois un bien et un mal. Un bien car il a su mobiliser les énergies pour réaliser avec succès des réformes extrêmement difficiles, comme celle sur l’âge de la retraite en 2010, sur la fiscalité, sur la sécurité avec les peines plancher ou la rétention de sûreté pour les criminels sexuels, le rapprochement police/gendarmerie par exemple, sur la politique de maîtrise de l’immigration et d’intégration. Le jour où les historiens se pencheront sur son bilan, ils seront sidérés de l’ampleur de l’œuvre accomplie en cinq ans.
Mais cette personnalisation peut-être aussi un mal: dès lors que le pouvoir s’incarne en un homme, il devient dépendant de l’image de celui-ci et se fragilise. A court terme, la personnalisation du pouvoir peut doper l’action. A long terme, dans l’excès, elle risque d’affaiblir l’Etat et la notion de gouvernement, elle attise les passions au détriment de la raison.
En tout cas, les Français connaissent mal Nicolas Sarkozy. Certains voient en lui un ambitieux, un carriériste, un obsédé du pouvoir. Avec ses qualités et ses défauts, il est tout autre chose. Il est animé par la passion de la France et de l’intérêt national. Ceux qui l’ont connu le savent. Il pense être indispensable au pays, justement par son énergie, son courage politique. D’où son retour dans la mêlée, animé par l’envie de bien faire. A-t-il tort, a-t-il raison de le penser? L’avenir nous l’apprendra. Trouvera-t-on chez son ou ses successeurs la même volonté d’action, le même courage politique dans la tempête? Il est impossible de le dire aujourd’hui.
Le personnage est profondément humain, parfois trop humain. Son étrange habitude de recevoir à l’Élysée, en 2007-2012, au rythme de plusieurs fois par semaine, les victimes de la criminalité, des catastrophes naturelles, des accidents de la vie, sans ostentation, sans la presse ni les caméras, ses compatriotes dans la souffrance, en est le signe patent.
Sa méthode combinant le volontarisme dans l’action, parfois la provocation verbale contre les tabous, a des effets paradoxaux sur le plan électoral. Elle a admirablement réussi en 2007, parce qu’il y avait un effet de surprise, de nouveauté. Elle a échoué de peu en 2012, dans un contexte épouvantable. L’inconvénient de la personnalisation sarkozyste du pouvoir tient aux passions excessives qu’elle suscite, parfois d’admiration, mais aussi de haines inexpugnables . Cette méthode, enfin, s’est effondré en 2017.
Un phénomène étrange s’est produit. Dans les années 2002-2012, Nicolas Sarkozy était en phase avec la majorité silencieuse. Nul autre que lui ne l’a mieux ressentie, dans son besoin de protection face à la tourmente du monde. Après 2012, son instinct politique a été moins heureux. Il était de toute évidence extrêmement difficile de redevenir président de la République après l’avoir été une première fois. Tout effet de surprise est passé, les rancœurs et les haines subsistent, exacerbées, et l’usure du pouvoir persiste. Le défi était inconcevable, dès l’origine. Pourquoi ne l’a-t-il pas senti, alors que son instinct politique, jusqu’alors, l’avait si bien guidé? C’est la question que l’on peut légitimement se poser…
Son retour en politique est-il désormais envisageable? Dans un monde aussi chaotique, nul ne peut préjuger de rien. En cas de chaos généralisé et d’effondrement des institutions, qui sait? Tout peut arriver. Mais dans une logique de paix et de situation normale, un tel retour paraît inconcevable. Les Français lui ont dit «non», comme ils dirent «non» à de Gaulle un certain 27 avril 1969. Il est déjà passé à autre chose. Nicolas Sarkozy a servi la France pendant 20 ans. Il est bien trop intelligent pour limiter sa vie à l’ambition politique, ce royaume de l’illusion et de l’éphémère.