Le débat entre Mme Pécresse et M. Zemmour ne va pas réconcilier les Français avec la politique (pour Figaro Vox)

L’affrontement du 10 mars entre Mme Pécresse et M. Zemmour ne semble pas avoir été de nature à recentrer la vie politique française sur les idées ni sur les projets.  Il ne permettra pas non plus de rendre espérance et confiance aux Français, non séduits pas la mystique macronienne, qui voyaient en 2022 la perspective d’une alternance.

35% des Français ne s’intéressent pas à la campagne des présidentielles selon un sondage Opinion Way pour les Echos et Radio classique. Le niveau de désintérêt pour ce scrutin, à un mois du premier tour, est encore plus élevé que lors des élections de 2017, pourtant fortement perturbées par le scandale autour de la candidature de François Fillon. Ce constat, formulé à l’occasion d’une élection qui est censée être l’échéance démocratique suprême dans la Ve République, confirme le désengagement croissant des Français envers la chose publique et la crise de défiance envers la parole politique. Il reflète largement la montée de l’abstentionnisme qui a battu un record absolu de près de 70% lors des régionales de 2021 et l’enquête annuelle du CEVIPOF selon laquelle 80% des Français ont une image négative de la politique.

Toutes les bonnes raisons étaient réunies pour la neutralisation de l’élection nationale de 2022 : deux années de crise sanitaire qui ont écrasé les autres préoccupations des Français puis la guerre entre la Russie et l’Ukraine et les risques d’embrasement général, qui obsède les consciences, enfin un chef de l’Etat candidat à sa succession, drapé dans sa posture de chef de guerre et quasiment assuré de sa réélection selon tous les sondages.

Le débat entre Valérie Pécresse et Eric Zemmour, le 10 mars, ne fut probablement pas de nature à rehausser l’image de la politique et l’intérêt pour les élections présidentielles aux yeux des Français. « Nous ne sommes pas dans une cour de récréation ! » fut contrainte de rappeler l’animatrice de l’émission. Une fois de plus, le téléspectateur avait en face des yeux un pugilat davantage qu’un échange d’arguments. Les deux candidats ne cessaient de s’invectiver et de se couper la parole. Les injures fusaient : « gaulliste de pacotille », « munichois ». Le point Godwin était à l’honneur avec d’interminables passe-d ’armes autour du « nazisme ». Les accusations à caractère personnel prenaient une place démesurée dans ce débat : celle de connivence avec Tarek Ramadan répondait au reproche de complicité avec l’islamisme. Les débats sur l’immigration et l’intégration prenaient un tour caricatural et agressif centrés, non pas sur les politiques nécessaires, mais sur les reproches mutuels « d’inhumanité » ou d’angélisme.

Certes, le style pugilat devient une habitude dans ce type de confrontation télévisuelle. Le duel Mélenchon/Zemmour en avait récemment donné un aperçu. « Telle est la politique moderne » disent certains experts de la communication politique. Il faut se livrer à un spectacle pour impressionner et séduire le téléspectateur. A l’image d’une confrontation sportive, la bonne recette consiste à donner le sentiment, à n’importe quel prix, de prendre l’ascendant sur l’adversaire.

D’ailleurs, sur la forme, Valérie Pécresse a paru dominer son contradicteur : plus pugnace, et mieux préparée. Elle semble plutôt être sortie gagnante de la confrontation. Cet ascendant sera-t-il de nature à interrompre la dégringolade sondagière voire à l’engager sur la voie d’un redressement ? Valérie Pécresse a manifesté une force de caractère face à son adversaire mais tout en jetant le trouble sur son image de calme, d’humilité et de compétence. Le verdict de cette confrontation viendra avec les prochains sondages…

En vérité, qui a gagné le débat Pécresse/Zemmour ? Le vrai vainqueur est sans doute le tandem sondagier que forment depuis cinq ans le président Macron et Mme le Pen. Depuis 2017, les sondages prédisent la reproduction en 2022 du duel de 2017. De nombreuses enquêtes d’opinion ont montré que huit Français sur dix n’en voulaient pas (Elabe/Marianne février 2020). Pourtant, tout laisse aujourd’hui penser que le scénario est bel et bien en train de se produire, par défaut, en l’absence d’une autre alternative ressentie comme crédible par les Français. Il annonce la réélection du président Macron, considérée par la plupart des observateurs désormais comme quasiment inéluctable. Ce dernier n’a rien de vraiment populaire en dehors de la poussée sondagière actuelle qui correspond à un réflexe légitimiste en situation de crise – exactement conforme à celui dont bénéficiait François Hollande après les attentats islamistes. Le contexte dramatique qui écrase le monde depuis deux ans (de la crise sanitaire à l’invasion de l’Ukraine), prive les Français du débat démocratique auquel ils ont droit sur le bilan du quinquennat et sur la préparation de l’avenir.

Or, l’affrontement du 10 mars entre Mme Pécresse et M. Zemmour ne semble pas avoir été de nature à recentrer la vie politique française sur les idées ni sur les projets.  Il ne permettra pas non plus de rendre espérance et confiance aux Français, non séduits pas la mystique macronienne, qui voyaient en 2022 la perspective d’une alternance.

MT

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Author: Redaction