La politique française nous donne parfois l’impression d’être un bateau ivre, livré au vent et aux vagues, et s’éloignant toujours plus des rivages du réel. Nous avons un François Hollande qui pense à sa réélection et semble à mille lieu de se douter du sentiment de dérision qu’il inspire. Nous avons une Le Pen qui se voit en personnage providentiel et se projette à l’Elysée sans avoir conscience de la répulsion viscérale qui s’attache à tout ce qu’elle représente, avec son parti, aux yeux de 80% des Français. Nous avons un Nicolas Sarkozy dont le nouveau discours, axé sur son "devoir" de revenir, paraît étrangement en décalage avec l’opinion dans sa globalité. Des sondages et des "commentaires", nous allons en avaler dans les 32 mois qui viennent. Le Pen en tête, cela fait vendre du papier, jubiler le monde médiatique, excite les plateaux de télévision, avec un petit parfum grisant de sensationnel et d’autoflagellation. Toute forme d’idolâtrie ou de culte de la personnalité est grotesque. La France pourrait en rire, s’amuser de cette comédie ridicule. Cependant, la France n’a aucune envie de plaisanter. Elle voit le monde qui se désintègre, la montée vertigineuse des menaces de tous ordres et son appareil productif qui s’effondre, non pas de la faute des autres, de la mondialisation, du grand capital et des banques, mais pour n’avoir jamais eu le courage d’accomplir les réformes nécessaires. Elle est gagnée de vertige devant le vide sidéral de projets, de perspectives, de possibilité d’alternance crédible, de destin. Elle n’en peut plus des mêmes noms, mêmes têtes, mêmes familles, parfois depuis quatre décennies, mêmes partis et mêmes clans… La France a besoin d’un renouvellement total, radical de sa classe dirigeante, sans lequel rien ne sera jamais possible. Ce renouvellement ne dépend pas de grand chose finalement, d’un sursaut de l’électorat. Mais la mobilisation de ce dernier n’est possible que sous l’impulsion d’un groupe, d’une équipe. Il faudrait qu’une quarantaine de grands élus, de hauts responsables publics et privés, d’intellectuels, lancent un appel dans ce sens comme point de départ. Une prise de conscience est sans doute en cours mais il manque l’audace et l’énergie…
Maxime TANDONNET