Une fois n'est pas coutume, c'est un paysagiste, Michel Desvigne, qui a reçu en 2011 le Grand Prix d'urbanisme, et non pas un architecte ou un urbaniste. Une façon de rendre hommage à ces nouvelles formes d'urbanité dans lesquelles la nature a toute sa place. Michel Desvigne nous explique son travail.
Attribuer le Grand prix d'urbanisme à un paysagiste, n'est-ce pas un signe ?
Michel Desvigne. C'est le signe d'évolutions très positives : l'amélioration notable de la commande publique ces vingt dernières années et l'intervention nouvelle des paysagistes. Auparavant réduites à "une caution optionnelle végétale", nos compétences spécifiques dans l'aménagement sont aujourd'hui connues et reconnues. Notre légitimité réside dans notre capacité à analyser et à agir sur les mécanismes de transformation des paysages. Avec, pour preuve, le fait que nous sommes parfois mandataires sur certaines opérations. Pour autant la compétence du paysagiste ne vient pas se substituer à celle de l'architecte urbaniste avec qui il travaille étroitement.
Comment abordez-vous les questions urbaines ?
Michel Desvigne. Je ne dessine pas une ville mais je crois à la puissance de la recomposition de nos territoires urbains dans leur géographie. Je crois à la construction des espaces publics manquants à l'échelle des grands étalements urbains du siècle dernier. Ma ville idéale n'est pas un modèle. Ma ville idéale est n'importe quelle ville dont on dessinerait la lisière. Cette maigre clôture au développement vertigineux qui ceinture les lotissements et les parcs d'activités. Formidable réservoir pour un espace public à inventer. Je parle de cette ville qu'on ne voit pas, qu'on ne se représente pas, cette ville derrière la banlieue, qui abrite peut être la moitié de nos contemporains, leurs peurs et leur précarité.
Comment travaille le paysagiste ?
Michel Desvigne. Il observe des grands espaces et ne s'arrête pas au kilomètre devant lui. Il a un regarde large et peut agir plus facilement à l'échelle de la ville diffuse grâce notamment à sa capacité à comprendre les lieux en relation avec la géographie. L'échelle du temps est aussi importante. Pour nous, la ville est à l'image de la nature : elle change progressivement. Quand on plante un arbre, on sait qu'il va pousser lentement. Cette acuité nous aide à penser la ville dans une « lenteur obligée », à l'appréhender comme un organisme vivant.
Concrètement, comment appliquez vous cette méthode ?
Michel Desvigne. Dans les projets urbains, des projections sont faites sur 30 ans mais les gens souvent n'en voient pas la réalisation immédiate. Il faut une génération pour faire vivre un quartier. Les paysagistes peuvent aider en travaillant sur les friches, les terrains vagues, tous ces espaces abandonnés pendant la durée des projets. Ce sont des « paysages de préfiguration ». Nous les faisons vivre avant, pendant et après le projet. Ainsi, on crée des jardins, des animations, on installe des pépinières, on fertilise la terre… À l'ile Seguin, nous avons créé des jardins avec des accès pour les gens. C'est une préfiguration du futur jardin et le premier espace public de l'ile.
☛ Lire la suite sur le site du Ministère du Développement Durable, peut-être non effacé ...