La véritable tragédie de l’Education nationale

Le Figaro du 21 septembre: «Combien y a-t-il de quarts d’heure dans 3/4 d’heure?» À cette question apparemment simple, seule la moitié des élèves qui entrent en sixième trouve la bonne réponse. Dans une note d’alerte publiée le 20 septembre, le Conseil scientifique de l’Éducation nationale (Csen), présidé par le neuroscientifique Stanislas Dehaene, conclut à une «inquiétante mécompréhension» des nombres et surtout des fractions de la part des élèves qui sortent de l’école primaire. Pour beaucoup, «les nombres décimaux et les fractions n’ont aucun sens. Or, la compréhension de ces outils mathématiques est indispensable à la mesure de n’importe quelle dimension physique», souligne le Conseil scientifique […] Les erreurs révèlent aussi «une vaste confusion entre différents types de nombres», et «une méconnaissance du sens des symboles».

Les élèves confondent ainsi 1/2 avec 1,2, ou encore 2/1 avec 2,1. Ils se trompent également dans les calculs avec les nombres décimaux: beaucoup pensent que 0,8 + 1 fait 0,9. Ce déficit de compréhension concerne tous les milieux sociaux. S’il atteint 85 % en éducation prioritaire, il reste élevé (75 %) hors éducation prioritaire et dans les écoles privée […] Ces constats viennent confirmer les résultats des enquêtes internationales Pisa (la prochaine évaluation, centrée sur les maths justement, sera dévoilée le 5 décembre) et Timms, qui soulignent le retard considérable des élèves français en mathématiques. Dans cette discipline, la France occupe la dernière place en Europe. »

La maîtrise des mathématiques conditionne la formation des ingénieurs, des scientifiques, des informaticiens et le développement des technologies. L’effondrement du niveau en mathématique prépare ainsi la marginalisation croissante de la France qui s’est longtemps targuée d’une supériorité en cette matière (médailles Fields). Cet effondrement a au moins en partie des causes idéologiques: il vient du culte des élites dirigeantes françaises pour le nivellement par le bas. Les mathématiques, trop sélectives, considérées comme un outil de sélection, ont été méprisées et dégradées. Bien évidemment, cette catastrophe frappe tout autant, sinon pire, la connaissance de l’orthographe et de la grammaire: considérées tout autant comme des outils de sélection que les idéologues au pouvoir se sont appliqué à briser. Détruire les fondement de la langue française, c’est-à-dire le vecteur de la communication et de la cohésion sociale est aussi dramatique pour l’avenir.

Mais plutôt que de reconnaître le désastre scolaire et de proposer des pistes à long terme pour y remédier, les responsables politiques de ce dossier préfèrent gesticuler pour détourner l’attention des Français sur l’écroulement qui est à l’œuvre. L’abaya est sûrement un sujet sensible mais qui concerne un nombre infime d’élèves, environ 200 sur 12 millions. Et elle a été promue au rang d’évènement de la rentrée. C’est tellement plus facile et spectaculaire de bomber le torse et de donner des coups de menton virils sur l’abaya plutôt que de se mettre au travail de fond. Idem pour le harcèlement scolaire: bien sûr que c’est atroce le harcèlement scolaire, mais c’est une question qui devrait se traiter localement, par les chefs d’établissement ou les professeurs. Comme c’est facile de se saisir du sujet nationalement et de jouer les justiciers médiatiques sur les drames du harcèlement en donnant les mêmes petits coups de menton virils – à la mode. Et puis je l’ai dit mille fois, le cinéma autour du drapeau dans les classes (tiens, on n’en parle plus), l’encasernement des élèves par le prétendu service national universel – pendant les heures de classe – ou encore l’obligation du port d’un uniforme sont autant de leurres commodes pour esquiver l’essentiel: le vertigineux déclin de l’intelligence scolaire qui entraîne la France par le fond.

MT

Author: Redaction