La tentation totalitaire

220px-Marcel_GauchetTiens, la dernière polémique de ce début du mois d’août m’avait échappé. Une pétition d’une vingtaine de personnalités, publiée dans Libération, appelle au boycot du "Rendez-vous de l’histoire à Blois" en protestation contre le discours inaugural de Marcel Gauchet.

http://www.liberation.fr/debats/2014/08/06/pourquoi-il-faut-boycotter-les-rendez-vous-de-l-histoire-un-appel-collectif_1076316

La logique à l’oeuvre dans cette pétition est celle de la diabolisation, de l’exclusion, de la censure inquisitoriale. On ne débat pas, on boycotte, c’est-à-dire que l’on fustige, on blame, on refuse d’écouter, on brûle. Pourquoi Marcel Gauchet? Philosophe connu, co-directeur de la revue le Débat, il a bien davantage la réputation d’un penseur modéré que d’un réactionnaire. Ces derniers mois ont été marqué par les autodafés de plusieurs auteurs pour avoir contesté les bienfaits de la société multiculturelle. Une première vague a frappé les journalistes Alain Zemmour, Ivan Rioufol, Elisabeth Levy, le sociologue Hugues Lagrange. Puis une seconde a touché l’écrivain Alain Finkielkraut, dont l’élection à l’Académie française a suscité un tollé, l’auteur Lorent Deutch, auquel était reproché le seul fait d’avoir évoqué la bataille de Poitiers… Maintenant, Marcel Gauchet… L’étau se resserre. Que peut on bien lui reprocher, à lui? Je retrouve dans un de ses livres, trônant dans ma bibliothèque, les mots suivants: "La perspective adoptée conduit à reconnaître la spécificité chrétienne comme un facteur matriciel et déterminant dans la genèse des articulations qui singularisent fondamentalement notre univers […] C’est dans les potentialités dynamiques exceptionnelles de l’esprit du christiannisme qu’il convient d’en situer la première racine […] Elle fournissent un foyer de cohérence permettant de saisir la solidarité essentielle…" Le désenchantement du Monde, Gallimard, 1985. Serait-ce le seul fait de développer une vision positive de la religion chrétienne qui provoque cet accès de fureur bienpensante? Je l’ai rencontré une fois à la fin de l’un de ses cours à l’EHESS. Il ne paie pas de mine, très grand, avec sa voix douce, son allure un peu rurale, pataude, d’une gentillesse et simplicité extrêmes, tout le contraire d’une star médiatique. L’air du temps – ou l’idéologie dominante – est fondé sur le libre arbitre absolu de l’individu. Tout ce qui y résiste dans l’ordre des idées est considéré comme inadmissible, intolérable. Nombre de nos grands penseurs de ces dernières décennies seraient sans doute aujourd’hui interdits ou contraints à l’autocensure: Claude Lefort, Gilles Lipotevski… En d’autres temps et d’autres lieux, les intellectuels réfractaires à l’idéologie officielle étaient décapités, pendus, traînés dans les camps de concentration ou les hôpitaux psychatriques. Nous n’en sommes pas là bien évidemment mais nous sentons bien monter autour de nous, peu à peu, subrepticement, l’intolérance aux idées dissidentes, le rejet du débat d’idées et la nostalgie de l’époque totalitaire.

Maxime TANDONNET

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Author: Redaction