La réélection de M. Macron est le fruit de la résignation (pour Figaro Vox)

« Les soirs de victoire on s’imagine qu’il n’y aura plus jamais, jamais, jamais de défaite […] Mais quand on est un vieux soldat, Madame Jeanne, on sait ce qu’il en est. » (Charles Péguy). Sur le Champ-de-Mars, les partisans et admirateurs d’Emmanuel Macron jubilent, à l’issue de cette grande première qu’est la réélection d’un président de la République sous le système du quinquennat. Et si cet exploit – qui s’accompagne d’une abstention record pour ce type de scrutin – n’était qu’un trompe-l’œil ? Et si l’euphorie qui accompagne le verdict des urnes, n’était autre que le paravent d’une faillite démocratique ? Car en vérité, de quoi cette victoire est-elle le fruit ?

Elle est le fruit de la résignation : les Français, dans leur immense majorité, ont affirmé à maintes reprises qu’ils ne voulaient ni du duel Le Pen-Macron (à 80% selon un sondage Marianne de février 2020), ni de la réélection du président Macron. En définitive, ils n’ont pas trouvé d’issue collective au piège qui s’est refermé sur eux : cinq années de dédiabolisation médiatique intense de MLP pour assurer sa présence au second tour (assurance d’une réélection), suivies, dans l’entre-deux-tours, du retour précipité des épouvantails (fascisme, racisme, etc.). Cette victoire est celle de la fatalité, annoncée comme inéluctable depuis cinq ans par les sondages.

Elle est le fruit de la fracture sociale :  jamais une élection présidentielle n’aura donné lieu à une déchirure aussi profonde et irréductible entre deux blocs qui se trouvent face à face, d’une part la bourgeoisie satisfaite, mondialisée et européiste, d’autre part la France périphérique, populaire, la plus exposée aux souffrances, au mépris et à l’arrogance, celle qui a reçu en pleine figure les injures de sa classe dirigeante, des « sans dents » à « ceux qui ne sont rien » ou « ne peuvent même pas se payer un costume ». Cette élection ne fut jamais l’occasion, classique en démocratie, d’une bataille entre deux projets, mais d’un affrontement irréductible entre deux France inconciliables… Et son résultat ne fait que cristalliser la déchirure.

Elle est le fruit de la peur : « Celui qui contrôle la peur des autres devient maître de leur âme » (Machiavel). Face aux Gilets Jaunes, au covid19, à la menace militaire ou nucléaire russe puis au « danger extrémiste », de droite comme de gauche, le président Macron s’est imposé dans la posture du « sauveur national » notamment aux yeux d’une bourgeoisie urbaine, conservatrice et fortunée, plutôt âgée et peureuse qui forme désormais le noyau dur de son électoratau côté d’une bourgeoisie « progressiste » séduite par ses mesures sociétales.  

Elle est le fruit de l’aveuglement : l’occultation absolue du bilan d’un quinquennat restera comme le trait majeur de cette élection, par exemple sur l’aggravation de la pauvreté, le saccage des libertés, l’explosion de la dette publique et des déficits, l’effondrement du niveau scolaire et des services publics, notamment sanitaire, ou le déclin industriel qui s’exprime dans un déficit record du commerce extérieur, l’insécurité et la perte du contrôle des frontières… De tout cela, jamais il n’a été question. Et ne parlons même pas des affaires…

Elle est le fruit de la félonie : jamais sans doute une campagne électorale n’aura été à tel point marquée par une avalanche de trahisons, de mesquineries ou de volte-face opportunistes, à l’image de celles qui ont contribué à clouer au sol la candidature de Mme Pécresse. La courtisanerie s’est enrichie d’une puissante vague de conformisme, les appels à voter « Macron » s’imposant comme un gage de respectabilité pour le monde politico-médiatique comme pour celui du spectacle ou du sport médiatisé.

Elle est le fruit du nihilisme : historiquement chaque élection présidentielle avait un contenu qui transcendait le choix d’une personnalité : les libertés en 1981, la fracture sociale en 1995, l’identité nationale en 2007, etc. Jamais sans doute une élection n’aura été si vide de projet ou de sens qu’en 2022, réduite à sa dimension plébiscitaire, exaltation narcissique et culte de la personnalité d’un autre âge. L’avenir du pays en aura été, du début à la fin, le grand oublié.

Cette étrange élection a exacerbé les passions sur fond de néant abyssal du point de vue des idées, dans un climat extraordinairement délétère sinon explosif. Aussi a-t-elle toutes les chances de déboucher sur cinq nouvelles années de déchirement et de chaos. Mais elle peut aussi, le cas échéant, représenter une chance de renouveau démocratique. En effet la neutralisation d’un scrutin présidentiel sans débat, quasiment sans suspens et ressenti comme profondément ennuyeux de bout en bout, pourrait (peut-être) se traduire par un renouveau de l’intérêt envers les élections législatives de juin – comme séance de rattrapage de la démocratie française. Et la perspective inédite de l’élection d’une Assemblée nationale qui déboucherait sur tout autre chose qu’une simple majorité godillot, ouvrirait alors la perspective d’un rééquilibrage du fonctionnement de l’Etat autour d’un Parlement, d’un Premier ministre et un Gouvernement dignes de la démocratie, capables de gouverner le pays dans l’intérêt général et de tenir tête au locataire de l’Elysée. Mais nous n’en sommes pas là…

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Author: Redaction