Hier soir, vers 19H30, j’ai voulu écouter la radio et me suis branché sur Europe 1. Comme par hasard, je suis tombé sur une voix familière aux usagers du service public de l’audiovisuel: celle de Mme Le Pen. Et j’ai écouté… La chèfe du Front national, si elle est élue présidente de la République, veut une sortie de l’euro et un référendum sur la sortie de l’Union europénne. Elle annonce une dévaluation du « nouveau franc » qui aurait pour effet, selon elle, de relancer la croissance et de résoudre le problème du chômage de masse. Ce discours n’est pas du tout « anti-système »: il est la quintessence de la fuite en avant démagogique qui enfonce le pays depuis quatre décennies; il la transcende, la dépasse. Le chômage français, 3,4 à 6 millions de sans emploi, la situation financière épouvantable, le départ des forces vives sont le fruit de 40 ans de renoncements des politiques français à accomplir les efforts de réforme internes nécessaires: réduction drastique du poids des trois fonctions publiques et des prélèvements sociaux et fiscaux, lutte contre les abus de l’assistanat, relèvement de l’âge de la retraite, assouplissement du droit du travail, liberté d’entreprendre, réduction des déficits et de la dette, compression majeure des dépenses de l’Etat et des collectivités publiques. C’est cela la vérité. La dévaluation (1969, 1981 et 1983) en France a toujours été une drogue qui fait empirer le mal en fuyant la réalité. On n’a pas besoin d’aller chercher des boucs émissaires à l’extérieur et d’agiter les mythes: le « capitalisme libéral », le « libre échangisme mondialiste ». La fille du fondateur du parti lepéniste deverse un furieux torrent de certitudes qui semble tout emporter sur son passage. Ce qui intrigue et désespère, ce n’est pas le phénomène qu’elle représente, encore une fois, il est dans la logique, le paroxysme de la politicaille française fondée sur la démagogie et le renoncement depuis trois ou quatre décennies. Non, ce qui surprend, c’est le manque de recul critique de ces millions de personnes qui affirment aujourd’hui vouloir voter pour le parti lepéniste, peut-être par désespoir, par un dépit justifié envers le reste de la classe politique et toutes les promesses déçues, d’alternance en alternance, mais aussi, pour certains, par une naïveté confondante.
Maxime TANDONNET