La question élyséenne

588945Les derniers sondages montrent un nouvel effondrement de la popularité présidentielle, notamment dans la perspective d’une seconde candidature: 10 à 13% au premier tour…  Le message vient des profondeurs de la Nation: les Français veulent passer à autre chose. L’actuel occupant de l’Elysée bénéficie d’un traitement plutôt privilégié de la presse et des médias: jamais de « unes » humiliantes ou insultantes des hebdo, une presse quotidienne critique mais assez gentille (Le Monde , Libération), des radios et une télévision publique qui lui assurent une audience quotidienne. Pourtant, le personnage ne passe pas dans l’opinion. Une sorte d’incommunicabilité entre lui et la France s’est installée. La cause profonde tient au masque impassible de l’autosatisfaction sur fond d’une situation calamiteuse: chômage, terrorisme, violence, fragmentation, autorité de l’Etat…  Mais voilà, la solution de facilité consiste à lier le malaise présidentiel à une personnalité, la sienne. Cette idée est généralisée, à droite comme à gauche. Il suffirait dès lors qu’il parte pour que s’enclenche une logique d’amélioration. Je n’en crois pas un mot. De mon point de vue, la calamité politique française tient à l’institution élyséenne telle qu’elle est devenue. Penser aujourd’hui, que M. Juppé, M. Fillon, M. Sarkozy, M. Macron, M. Le Maire, M. Mélenchon voire Mme le Pen s’en tireront mieux me paraît être une fantastique illusion. Le prochain président, telles que les choses se présentent aujourd’hui, est condamné à suivre le même trajectoire maudite que l’actuel, sinon encore bien pire. Le régime dans lequel nous vivons est celui d’une dictature virtuelle. « Dictateur: celui qui après s’être emparé du pouvoir, l’exerce sans contrôle (petit Robert) ». Virtuellement, sur le plan de l’image médiatique, le chef de l’Etat français est l’homme qui incarne à lui seul le pouvoir politique et échappe pendant cinq ans, à tout contrôle, toute responsabilité, toute sanction possible. Or, au-delà des apparences la dictature est toujours un système de faiblesse et d’impuissance qui ne saurait conduire qu’à la catastrophe. Derrière le revêtement de la puissance, elle plonge le prince médiatique dans l’isolement, l’enferme dans l’autosatisfaction, le prive peu à peu des relais nécessaires à l’exercice de l’autorité, le coupe de la Nation et du monde des réalités, détruit la confiance et l’autorité naturelle, qui sont le carburant de l’action et du gouvernement des choses. Elle fait de lui le bouc émissaire des frustrations, des angoisses et des souffrances collectives. Elle ne peut que mal finir. Le régime actuel n’a plus aucun rapport avec celui mis en place en 1958 par le Général de Gaulle, fondé sur un chef de l’Etat « guide de la Nation », arbitre, garant des institutions, et un Premier ministre, chargé seul de gouverner la France sous le contrôle du Parlement. Mais ce qui me frappe le plus, dans cette dérive du régime vers une dictature virtuelle, de quinquennat en quinquennat, synonyme de faiblesse, d’impuissance politique et de destruction de l’autorité, c’est l’extraordinaire aveuglement général qui l’enrobe, comme si toute vision, sens critique et lucidité avaient disparu dans ce pays. Merci au lecteur, effaré par mon propos, d’essayer de le comprendre avant de le juger blasphématoire…

Maxime TANDONNET

Author: Redaction