La porte étroite

L’une des polémiques qui a fait suite à les attentats de Barcelone concerne l’accusation de racisme, sur twitter, reprise par une partie de la presse, d’une ex miss France pour avoir demandé aux gouvernements de « mieux protéger les citoyens Européens« . L’anecdote est cependant lourde de signification et appelle plusieurs réflexions:

  • Comment en vient-on à ce que la parole d’une ex-miss France prenne une telle ampleur au point de nourrir les médias et la presse? Oui, quelles références intellectuelles, quels ouvrages, quel mérite personnel, dans le champ de l’esprit ou de l’expérience professionnelle ou politique, pour donner une telle place aux propos de miss France? Nous sommes dans une époque qui donne plus d’importance à la parole d’une miss France – aussi respectable soit-elle – , qu’à celle d’un historien, d’un philosophe, d’un universitaire, d’un homme d’Etat, d’un  homme politique au sens noble du terme, d’un haut responsable ayant fait ses preuves dans la conduite des affaires publiques ou privées. Tel est le fruit de plusieurs décennies de nivellement par le bas et du déclin de l’enseignement des humanités, littérature, philosophie, histoire… La médiocratie en marche.
  • Au fond, il est reproché à cette dame d’avoir prononcé le mot Européens dans un contexte tragique. Si sa phrase s’en était arrêté là, avant Européens, elle n’aurait intéressé personne. Le lynchage de la jeune femme a un sens. Nous assistons, à un niveau jamais égalé, au triomphe de l’idéologie de « la haine de soi » qui domine les milieux influents du monde occidental en ce moment et le plonge dans le conformisme, la peur, l’impuissance et le renoncement, le refus de se gouverner. « Abattre un Européen c’est faire d’une pierre deux coups, supprimer en même temps un oppresseur et un opprimé«  écrivait JP Sartre en 1961 dans une sorte de vision prémonitoire.
  • L’accusation de racisme, en l’occurrence, est absurde: il est bien évident que parmi les Européens, quel que soit le sens du mot, résidents de l’Europe ou citoyens européens, figurent des personnes issues de toutes les origines, couleurs de peau et religions. Mais surtout, où va-t-on si le seul fait de prononcer le mot « Européens » suscite une telle avalanche de haine et d’insultes, en particulier celle de racisme, devenue l’injure suprême? Dès lors que toute référence historique, culturelle, civilisationnelle – les Européens – devient peu à peu suspecte de racisme, que devient la liberté d’expression, quelle parole pourra-t-on prononcer, demain, sans le risque de se voir roué de coups?
  • Entre le racisme authentique, criminel – toute forme de rage collective fondée sur le refus de la différence -, et l’idéologie totalitaire de la haine de soi, qui envahit tous les aspects de la vie médiatique, et se traduit par de grandes vagues de  lynchage, quel peut être la place d’un discours modéré, réaliste, politique au sens noble du terme? La porte est étroite!
  • Nous atteignons un degré vertigineux de décomposition des valeurs, des notions de respect, du bien et du mal, violence virtuelle, récupérations charognardes, phénomènes de meutes et de lynchages sadiques, autant de la part des extrémismes de droite ou de gauche, que des milieux les plus conventionnels. Le silence deviendra-t-il un jour, dès lors, la seule réponse à apporter à ce phénomène de démence collective? Alors, pourquoi ne pas se taire? Le silence du mépris n’est-il pas au fond la seule forme de résistance à la profusion de la parole stupide, à un tel niveau de bêtise totalitaire,  la seule réponse  adaptée au chaos mental actuel? En attendant que s’éloigne l’ouragan de crétinisme. Mais va-t-il s’éloigner un jour?

Maxime TANDONNET

Author: Redaction