Dans la torpeur de l’été, l’actualité française de ces derniers jours se focalise sur les propos d’une chanteuse inconnue (de moi), qui aurait critiqué la chanson de Michel Sardou « les lacs du Connemara ». Le buzz est terrible. On y voit une attaque de la France « bobo » contre la France populaire, etc. Peut-être, mais surtout: tempête dans un verre d’eau. La France s’ennuie comme dirait l’autre. Bizarre que le chef de l’Etat n’ait pas (encore) mis son grain de sel. On aurait bien imaginé: « Oui les Lacs du Connemara, c’est la France! et les petites gens de ce pays ont aussi droit de s’amuser! » (pastiche)
Ce qui m’a intéressé, c’est une autre de ses déclarations. Le président a annoncé pour la rentrée « une initiative politique d’ampleur ». Je suis étonné qu’il n’ait pas dit : de grande ampleur, mais bon… Il veut réunir à l’Elysée « les partis de l’arc républicain », c’est-à-dire tous les partis sauf Insoumis et RN. Or, cette idée, n’est pas vraiment républicaine. Il n’appartient pas au président, chef de l’exécutif de fait, de tracer une frontière à l’Assemblée nationale entre les députés fréquentables et les députés diabolisés, rejetés en enfer, comme privés symboliquement de leur légitimité démocratique.
Le gouvernement a le pouvoir dans certaines conditions, de dissoudre des partis non républicains (au sens de non respectueux des principes de la démocratie) à l’article L212-1 du code de la sécurité intérieure. Le texte est issu de la loi du 10 janvier 1936 sur les groupes de combat et les milices privées. Il vise les groupes armés ou paramilitaires, les groupes terroristes, mais prévoit aussi la dissolution d’associations pour incitation à la discrimination, à la haine et à la violence.
Mais dès lors qu’un parti a une existence légale, qu’il n’est pas dissous, chacun de ses représentants élus dispose de la légitimité du suffrage universel. Les exclure, nier leur existence en les marginalisant symboliquement d’une réunion ouverte à tous les députés, sauf eux, revient, au premier degré, à effacer, annihiler leurs électeurs. C’est une manière emblématique, indirecte, d’abroger le suffrage universel en considérant qu’une partie des électeurs est inexistante comme non républicaine, un peu comme Adolphe Thiers et ses amis privaient la « vile multitude » du droit de vote en 1851.
Au second degré, évidemment, c’est tout autre chose. L’objectif est sournois. Il consiste à essayer de briser la Nupes en séparant PS et Verts, traités en fréquentables, et les Insoumis, voués aux gémonies (on se demande bien pourquoi ils seraient pires que les Verts de Mme Rousseau et même, pire que Renaissance, la courtisanerie et la servilité ne figurant pas de prime abord parmi les valeurs républicaines…) Et puis, la manœuvre consiste paradoxalement à conforter le RN dans son rôle d’unique véritable opposition de droite: le maudire revient à le bénir en vue des prochaines élections comme éternel marchepied du macronisme!
Surtout, le but suprême de l’opération est de réaliser l’asservissement de la droite LR, dont quelques personnalités ont déjà rejoint les rangs de la majorité présidentielle. Et reconstituer ainsi une majorité absolue sous couvert « d’arc républicain » que les Français ont refusé en juin 2022. La droite LR dans son ensemble va-t-elle succomber aux cajoleries de l’Elysée qui lui accorde ainsi un brevet de respectabilité? L’esprit républicain, le vrai, consisterait à dire: un électeur est un électeur, un représentant de la nation est un représentant de la Nation car le suffrage universel ne se partage pas et il n’est pas dans la compétence d’un chef de l’Etat de balayer un pan de la souveraineté populaire. Alors, ce sera tout le monde ou personne.
Merci de bien vouloir m’excuser pour la présentation sommaire et les fautes éventuelles je travaille de mon rocher sur l’Atlantique, ou Internet passe très mal!
MT