Outre le drapeau, quels sont les valeurs, ou autres symboles, que les partis de gauche, mais aussi de droite, ont pu laisser de côté au cours de ces dernières années, ou décennies ? Pourquoi ?
Au-delà des symboles, il y a les attributs mêmes de la Nation: une langue, un peuple, un pouvoir souverain. Les symboles ne sont que l’apparence la surface des choses. Le plus grave, c’est quand on abandonne tout le reste. Il est certain qu’en valorisant les langues régionales au détriment du français, on ne favorise pas le sentiment national sur le long terme. Une nation est formée d’un peuple. L’immigration vient l’enrichir quand elle se traduit par un phénomène de fusion, d’intégration poussée ou d’assimilation à la nation française. Mais quand cette immigration favorise les phénomènes de ghettoïsation, d’exclusion, de communautarisme, de repli identitaire, elle contribue à fragmenter la Nation et à l’affaiblir. Idem: la suppression du service national en 1996 a mis fin à un creuset historique de l’esprit national. Une nation, c’est aussi un pouvoir politique, un gouvernement. Depuis trente ans, l’affaiblissement vertigineux du pouvoir politique par la judiciarisation, les transferts de compétence, la fuite devant les responsabilité, s’est traduite par un affaiblissement de la démocratie nationale, du sentiment d’un destin commun qu’il faut bâtir ensemble.
Comment retrouver la notion de nation, en France, concept souvent laissé à la droite de la droite ?
Je ne dis pas qu’il faille forcément revenir en arrière pour tout. Un fleuve ne remonte jamais à sa source… Par exemple sur le service national, pour des raisons de coût, d’acceptabilité sociale mais aussi de modernisation des armées professionnelles, il me paraît exclu de le rétablir. En revanche, au-delà de la réhabilitation des symboles qui a un caractère superficiel, il faut replacer la nation au coeur de l’enseignement. Pourquoi a-t-on cessé d’enseigner l’histoire des événements nationaux et des héros français? Qui parle encore de Clovis, Jeanne d’Arc, Napoléon, aux collégiens et aux lycéens? Cela ne se fait plus. Et là, on touche au coeur de l’idéologie. C’est beaucoup plus significatif de parler à des enfants des héros nationaux français, de Bonaparte, Clemenceau, Poincaré, de leur apprendre la grandeur de la France, que de leur faire chanter un couplet de la Marseillaise. Là, on touche au fond, au contenu. Faire réapprendre l’histoire de France, avec ses moments de gloire et de détresse, enseigner les écrivains français qui ont sublimé la langue française, voilà qui aurait un sens. Cependant, je ne pense pas qu’aucun parti ni personnalité politique ne soit prêt à en venir là. Manier les symboles est infiniment plus facile que changer le réel.
Où en est l’exercice du pouvoir politique en France?
La communication, la posture, les slogans ont une place particulièrement marquée dans l’exercice du pouvoir. Cette fuite dans les limbes touche tout le monde, chacun à sa façon: prolifération des annonces jamais suivies d’effets, promesses démagogiques, manipulation des angoisses ou de la douleur collectives… Sans doute faut-il y voir une manière d’esquiver le fond des sujets, la sécurité, l’immigration, l’emploi, le terrorisme. Le phénomène touche l’ensemble de la classe politique de l’extrême gauche à l’extrême droite. Jouer sur les passions, les émotions les sentiments, est tellement plus facile que retrousser les manches, dire la vérité sur la situation du pays, les responsabilités, se mettre au travail. La vraie question est de savoir si les Français sont dupes. Je n’en suis pas du tout certain et tout cela risque de revenir en boomerang.
Maxime TANDONNET