La muselière nationale

XVM860e09d4-1752-11e6-a38d-8a6c5a1589e5 (2)Aujourd’hui, j’ai été un témoin privilégié du mécanisme par lequel on musèle la pensée et la parole en France, sur un sujet auquel j’ai été indirectement mêlé.

1/ Hier soir, est tombée la nouvelle de l’organisation d’un concert de rap, par les autorités au pouvoir, du chanteur Black M lors des cérémonies commémoratives de la bataille de Verdun.  Un concert de rap, ou de rock ou de techno, une musique festive, ludique, quelle qu’elle soit, pour commémorer l’une des plus épouvantables tueries du XXe siècle, je suis désolé, mais cela me choque et me désole. C’est une affaire de sensibilité personnelle.  La mémoire de 650 000 jeunes gens massacrés appelle, à mes yeux, le recueillement et le silence, pas un concert. Je l’ai écrit quand le Figaro vox m’a demandé hier soir une chronique sur le sujet. Le problème est d’autant plus réel que ce chanteur a, par le passé, chanté des paroles d’une rare violence sur les homosexuels ou les juifs que franchement, je n’oserais même pas reproduire ici. Dans n’importe quel autre contexte, par exemple invité à une cérémonie par un président ou un gouvernement de droite, compte tenu de ces paroles, la présence de M. Black M aurait soulevé un tollé furieux et compréhensible de plusieurs jours du monde médiatique dans son unanimité.

2/ Depuis ce matin, les personnalités de la droite radicale se sont emparées d’un quasi monopole de la protestation sur ce dossier. Ses représentants prennent tous la parole les uns après les autres, sur un ton tonitruant à ce sujet. En face, les Républicains se terrent. C’est proprement hallucinant: pas un seul n’a prononcé un mot, pour l’instant, sur cette affaire. Pourquoi? Parce qu’ils ont calculé qu’il était risqué de prendre position sur ce sujet, avec la perspective de passer pour réactionnaire ou ringard, de déplaire à la jeunesse à un an des élections, être assimilé au « populisme ».

3/ Les partisans de ce concert, c’est-à-dire la quasi totalité de la presse et des médias français et des partis de gauche esquivent totalement la question de fond: un concert ludique, festif, destiné à plaire aux « jeunes »est-il adapté à la mémoire de Verdun? Un chanteur ayant proféré de telles paroles est-il le mieux placé pour clôturer  cette cérémonie? En l’occurrence ces questions sont totalement et systématiquement  occultées. Il devient quasiment scandaleux, criminel simplement de se poser la question. On n’entend dans les médias, on ne lit dans la presse (sauf exception) qu’un seul son de cloche qui étouffe tout le reste: « l’extrême droite » et le racisme déchaînés contre le chanteur de rap. Et cela recouvre et étouffe toutes les questions de fond…

4/  L’épouvantail extrémiste fonctionne à merveille. Il permet de faire taire tout le monde et de fuir le débat. Attention, je n’épargne personne, ni la droite radicale qui pollue avec délectation tout ce qu’elle touche, ni le monde médiatique plongé dans un extraordinaire exercice de tartuferie et d’aveuglement volontaire, ni la droite républicaine pour son assourdissant silence. Heureusement, dans les moments de grande solitude, la petite lueur d’espérance vient comme souvent de là où on ne l’attend absolument pas. En l’occurrence, c’est le magasine les Inrocks, marqué gauche bobo, qui ose au moins poser la question, ouvrir le débat…  Mais au-delà, les jeunes gens qui ont fait le sacrifice de leur vie en 1916, au nom du devoir, de l’honneur, de la patrie, dans l’un des plus grands carnages de l’histoire de l’humanité, en espérant que ce sacrifice servirait à quelque chose, ne seraient pas bien fiers s’ils voyaient aujourd’hui le spectacle de notre cher et vieux pays.

Maxime TANDONNET

 

 

Author: Redaction